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Plus que jamais, la Défense est mobilisée sur le stress post-traumatique

Mise à jour  : 28/10/2013 - Auteur : C. Bobbera

La prise en charge et le suivi des blessures invisibles fait l’objet d’une constante évolution. Entretien avec le médecin chef Patrick Devillières, coordonnateur national du service médico-psychologique des armées.

Le moral du combattant influe-t-il sur ses capacités opérationnelles ?

Un bon combattant doit évidemment avoir un bon moral. Si, du recrutement à la fin de service, la santé mentale du militaire est de la responsabilité du Service de santé des armées, le moral du combattant et la cohésion du groupe relèvent du commandement. Le médecin d’unité, qui suit les militaires tout au long de l’année et sur le terrain, intervient bien entendu dans ce suivi psychologique. Les projections et les missions de longue durée constituent, du fait de l’éloignement, une rupture affective. Les nouveaux moyens de communication permettent d’y remédier en conservant le contact qui entretient le moral des militaires. Ils peuvent cependant présenter des effets négatifs en laissant interférer des soucis personnels dans la conduite de la mission en cours. Ces préoccupations influent de façon évidente sur la disponibilité et la capacité opérationnelle. Des mesures de prévention, qui peuvent surprendre de prime abord, sont parfois mises en œuvre. Ainsi, quand les équipages des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins sont en patrouille, ils n’ont pas accès à leur boîte mail, mais ils reçoivent une fois par semaine des « familigrammes », messages d’une quarantaine de mots. Le commandement en prend connaissance et décide si la teneur des nouvelles qu’ils contiennent est communicable immédiatement ou plus tard. Le  but est de préserver la stabilité psychologique de chacun et de l’équipage.

Avec le conflit afghan, on a redécouvert l’importance de l’état de stress post-traumatique (ESPT) chez nos militaires. En quoi consiste cette blessure invisible ?

L’ESPT est décrit depuis l’Antiquité, mais sous d’autres dénominations. Ce trouble résulte d’un événement traumatisant au cours duquel la personne a été confrontée à l’éventualité de sa propre mort ou de celle d’autrui. Il se manifeste ultérieurement par la reviviscence des scènes traumatiques lors de fl ash-backs ou de cauchemars, par une altération du sommeil et par une angoisse  importante. Avec le conflit afghan, nos soldats sont confrontés pour la première fois depuis longtemps à une violence de guerre quasi quotidienne. Ces situations de combat répétées génèrent pour certains des désordres psychologiques qui peuvent être transitoires (état de stress aigu) ou durables. Fin 2012, on dénombrait plus de 550 cas d’ESPT diagnostiqués et suivis par le SSA. Ce chiffre n’est pas définitif, ces troubles se manifestant en différé.

Comment a évolué la prise en charge de ces personnes souffrant d’ESPT ?

Pour répondre à ces traumatismes, le ministère de la Défense a mis en place, en 2010, un plan d’action relatif aux troubles psychiques post-traumatiques dans les armées piloté par le SSA. Ce plan nous a permis de renforcer, d’animer et de coordonner tout un réseau de prévention et de soins au profit des militaires et de leur famille. Les médecins d’unité sont les maillons essentiels de ce dispositif. Dans les prochains mois, ce plan va être réactualisé, notamment pour étendre notre réseau de soins et mieux coordonner nos actions en direction des familles. Au début de l’année, nous avons également mis en place un numéro d’appel, Écoute Défense, auquel les personnes en souffrance peuvent s’adresser anonymement. Actuellement, 50 % des militaires présentant une blessure invisible viennent consulter d’eux-mêmes, 25 % sont dépistés à la suite de la visite médicale et 25 % nous sont adressés par leur famille ou leur commandement.

Avec l’opération Serval, craignez-vous une recrudescence de cas d’état de stress post-traumatique ?

On sait que l’accumulation d’événements traumatisants augmente le risque de développer ce syndrome. Nous avons des exemples de personnes de retour d’Afghanistan dont l’ESPT renvoyait à des épisodes antérieurs. L’Afghanistan avait réveillé d’anciens traumatismes. L’opération Serval va elle aussi amener son lot de blessures invisibles. D’autant plus qu’une grande partie des militaires déployés sur Serval a déjà vécu des combats intenses en Afghanistan. En ce qui concerne le Mali, dès que les combats ont commencé à se durcir, nous avons immédiatement envoyé un psychiatre et une psychologue du SSA. Le psychiatre se rend à proximité de la zone de combat pour être au plus près des unités. Après les accrochages les plus violents, il organise avec le médecin d’unité des séances de débriefing collectif. Quant à la psychologue, basée à Bamako, elle s’entretient avec tous les évacués sanitaires avant leur rapatriement en France, car 70 % des blessés physiques présentent un état de stress aigu. Parallèlement, le sas de fi n de mission de Chypre a été ouvert aux militaires déployés sur Serval. Comme le lieu reçoit actuellement les soldats qui se désengagent d’Afghanistan, nous avons renforcé les équipes de la cellule d’intervention et de soutien psychologique de l’armée de Terre par des psychologues du SSA. Plus que jamais, le SSA est mobilisé sur cette question du stress post-traumatique et sur le soutien mental du combattant en général.


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