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COMMANDER À LA MER

Mise à jour  : 03/05/2013 - Direction : SIRPA Marine

Le capitaine de vaisseau Jean-François Quérat est le commandant du BPC « Tonnerre »

«Le commandement d’un bâtiment interarmées par excellence, qu’est le BPC, permet d’apporter un éclairage particulier à la question posée, alimentée par de nombreux échanges avec nos camarades marins ou officiers des autres armées. J’en tirerai trois réflexions :

L’action à la mer d’un équipage se distingue d’abord par son unité : unité de temps, unité de lieu, unité d’action, unité de référentiel. Le commandant est en permanence à portée de voix de chaque marin. A la mer, par nature, le commandant fait corps avec son équipage et son bateau, ne serait-ce que parce que lorsque ce dernier tosse, tout le monde vibre dans la houle de la même façon.

Le commandant de BPC est bien plus qu’un « conducteur de navire à passagers ». Il est celui qui sait, il est générateur de sens, de cohérence, il est un repère vers qui l’équipage – et j’ai tendance à dire le « grand équipage » puisque j’y associe nos camarades embarqués des autres armées - se tourne dans la tempête. Au combat sur le terrain ou dans les airs, cet échelon de référence sera souvent d’un niveau subalterne : celui de chef de section, chef de module aérien ou commandant de compagnie.

Sur un bateau à la mer, il n’y a pas d’échappatoire. Les marsouins du 3e RIMa qui ont passé plus de 50 jours de mer sans escale à bord au large d’Abidjan en 2011 doivent s’en souvenir. Commander à la mer, c’est gérer la contrainte de la promiscuité humaine, les situations extra-ordinaires induites autant par les opérations que par l’environnement maritime. Le champ d’action du commandant s’applique à tous ceux qui ont franchi la coupée à l’appareillage. La nécessaire construction d’un « vivre ensemble » sur un BPC fait aussi appel aux qualités naturelles de diplomate du commandant et de son second.

Enfin, le commandement d’un bâtiment de la marine allie nécessairement deux exigences de même niveau et d’ordre collectif : celle du « capitaine de navire » et celle de chef militaire. En l’occurrence, la spécificité d’un BPC est d’accueillir pour chaque mission plusieurs détachements, de natures diverses, d’armées ou de services différents ; chacun embarquant avec son chef... L’action du commandant doit donc permette à chacun de produire l’effet militaire pour lequel il a embarqué, à partir de la mer et en prenant en compte les contraintes de l’environnement. A l’inverse, le commandant doit veiller à ce que l’équipage reste au centre de la conduite de l’ensemble. Lors du premier déploiement d’Harmattan, il y avait plus terriens que de marins, représentant alors 40 unités différentes. « Aligner des hommes compétents ne suffit donc pas, il faut les “coudre” ensemble. » disait Mac Donald, à Wagram. Le commandant d’un BPC est donc le garant de la bonne prise en compte du fait maritime par les combattants embarqués, afin de démultiplier leur efficacité opérationnelle interarmées.

Je conclurai par ce que je dis souvent aux midships de la mission Jeanne d’Arc que conduit en ce moment le « Tonnerre » : ce n’est pas dans les manuels que vous apprendrez à commander à la mer. Cependant, il doit y avoir un apprentissage – parfois formel – pour que les expériences et les observations se transforment ensuite en savoir-être et savoir-faire, en harmonie avec les exigences de notre milieu commun : la mer.

Pour ma part, je conserve près de moi un épais recueil jauni de quelques bons textes, qui me suit de bateau en bateau : des références courtes comme «L’adieu aux armes» de l’amiral Joire Noulens » ou « Être chef » de l’amiral Labouérie»


Sources : © Marine nationale
Droits : Ministère des armées