Le capitaine de vaisseau Pierre de Briançon a été le commandant de la FLF « Guépratte « pendant 18 mois effectuant plus de 10 mois de mission.
Être commandant incombe des responsabilités. Il s’agit de créer l’adhésion et la cohésion autour d’un même EFR. Un commandant doit aussi connaître son équipage pour mettre les bonnes personnes aux bonnes places, en s’appuyant sur des rapports de confiance. Il faut tirer vers le haut chaque individu en valorisant son action. Former (techniquement, moralement), évaluer, et donner des perspectives aux officiers et aux OMS occupant des postes de responsabilité, tout en exigeant que ces derniers fassent de même avec leurs adjoints, est également une priorité. Enfin, lorsque les objectifs sont clairement identifiés, il s’agit de donner une large autonomie et d’agir par véto, tout en reprenant la manœuvre dès que la situation l’exige. Il faut, pour cela, identifier les dangers en amont. Au final, commander donne moins de prérogatives et de droits que de responsabilités et de devoirs, notamment en termes d’exemplarité dans tous les domaines.
Commander, c’est avant tout, une affaire de relation humaine. Il est, en effet, difficile d’apprendre à être charismatique, sympathique ou bienveillant. Par ailleurs, pour commander, il ne faut pas faire « semblant » et vendre des idées auxquelles on ne croit pas réellement. Il convient au contraire de rester naturel, et fidèle à ses convictions. Il est clairement possible d’apprendre des « trucs » pour mieux faire passer une idée, organiser le travail de ses adjoints ou s’imposer comme chef. Il est par ailleurs nécessaire de maitriser techniquement son outil, par un apprentissage méthodique et rigoureux. Cette double approche théorique, indispensable par certains aspects, n’est cependant pas suffisante. Car, à mon sens, il faut de l’authenticité, de l’engagement vrai, de la sincérité, de la profondeur ou du recul. Il est nécessaire pour cela de se faire sa propre opinion, en fonction des expériences vécues, heureuses ou malheureuses.
Comment vit-on le commandement au quotidien ? Bien malin le commandant qui sait, en se levant, de quoi sera faite sa journée. Son quotidien peut revêtir des formes très différentes, que ce soit à quai, en mer ou au combat. Il doit tout à la fois avoir une vision à long terme, en suivant la formation de son équipage et l’entretien du bâtiment. Un commandant doit également préparer son unité pour le moyen terme, en conduisant un entraînement adapté à la prochaine mission. Un commandant peut également se transformer en « urgentiste » (chef de guerre) pour faire face à toute situation critique.
Commander implique des ressorts visibles et invisibles. Ainsi, l’autorité, la rigueur et la discipline sont la base du commandement « standard ». Le charisme et l’enthousiasme du commandant permettent d’aller plus loin, notamment d’affronter des difficultés plus grandes. L’audace, la cohésion, l’estime réciproque et les relations de confiance établies entre le commandant et ses hommes permettent de déplacer des montagnes, chacun donnant le meilleur de soi-même au profit de l’équipe.
© Christian Cailleaux
Soyons concret et parlons d’Harmattan. Poste de combat sur le « Guépratte » qui effectue une mission de reconnaissance le long des côtes libyennes. Face à son écran radar depuis de longues heures, un jeune matelot féminin, dont c’est la première mission, détecte des départs de tirs ennemis, effectués depuis la terre dans notre direction. Sans perdre son calme, il effectue immédiatement les annonces réglementaires, il « monte des pistes » comme à l’entrainement et attend les ordres.
Quelques secondes après, des gerbes sont observées par les veilleurs. Il s’agit visiblement de tirs de canons de 155 mm. Le « Guépratte », qui est en portée, riposte avec son canon de 100 mm. Cette première action n’entame en rien la détermination et la concentration de notre matelot, puisqu’il détecte et annonce de nouveaux tirs quelques instants plus tard. Sa voix est claire, assurée et enthousiaste, comme dans les série télévisées américaines. ’attitude de ce matelot, montre qu’il a conscience de l’importance de son rôle au sein de l’équipe, qu’il maîtrise parfaitement l’environnement technique dans lequel il évolue, qu’il a une confiance absolue dans les hommes qui l’entourent et dans le matériel qu’il utilise et qu’il est prêt à affronter le danger. Cette excellente réaction individuelle place d’emblée l’ensemble du personnel du CO, qui aurait pu être décontenancé par la nouvelle de tirs ennemis, dans un cadre qu’il connaît. Ainsi chaque opérateur n’a plus qu’à exécuter des consignes qui lui sont « familières ». En accomplissant correctement son travail au service du collectif, ce matelot – « éclaireur » du « Guépratte » - a mis l’ensemble de l’équipage sur de bons rails, face à une situation qui aurait pu être déstabilisante. Pour le commandant, c’est un signal très fort de la valeur de ses hommes.
Pour conclure, donner une définition du commandement dans la Marine n’est pas chose aisée. Car commander, c’est vivre une formidable aventure humaine. C’est être également le chef d’orchestre d’un équipage qui peut jouer la plus belle des mélodies et atteindre des sommets s’il est bien dirigé. C’est aussi être capable d’entraîner ses hommes à l’autre bout du monde pour affronter toute sorte de situation et le cas échéant, combattre. Enfin, c’est être capable de décider, face à l’imprévu »
Sources : © Marine nationale
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