Accueil | Marine | Magazine | Commander: principes et réalités | AIR-MER-TERRE Marine ... Commander: principes et réalités | AIR-MER-TERRE

AIR-MER-TERRE

Mise à jour  : 03/05/2013 - Direction : SIRPA Marine

Actuel commandant de la base d’aéronautique navale de Landivisiau, le capitaine de vaisseau Hervé Hamelin a exercé trois autres commandements. Revue de détails.

«J’ai eu la chance d’exercer quatre commandements de natures très différentes. Ainsi, j’ai ainsi d’abord commandé la 17ème Flottille d’assaut embarquée, soit 14 Super-Etendard, 20 officiers et 150 officiers mariniers, quartiers-maîtres et matelots. Ce premier commandement a été marqué par une mission de longue durée en océan Indien, dont plusieurs semaines de combat au-dessus de l’Afghanistan. Mon second commandement a été le FLF « Courbet », 15 officiers et 140 officiers mariniers, quartiers-maîtres et matelots. Ce second commandement a été marqué par une difficile sortie d’arrêt technique puis l’escorte du porte-hélicoptères « Jeanne d’Arc » pour sa dernière mission. Troisième commandement : le Groupe Aérien Embarqué (GAE) ; J’ai à la fois officié comme conseiller de l’Amiral commandant la force de l’aéronautique navale dans les domaines organiques et conseiller de l’Amiral commandant le groupe aéronaval, commandement marqué par la direction des opérations du groupe aérien au-dessus de la Libye. Enfin, je suis devenu commandant de la base d’aéronautique navale (BAN) de Landivisiau. Sous mes ordres : 1 400 militaires et 250 civils. J’y assume des responsabilités très organiques de maintien de la disponibilité du parc aéronefs et des savoir-faire techniques et opérationnels de l’aviation de chasse embarquée. Ce commandement marqué par une action largement tournée vers la communication externe et une forte dilution des responsabilités au sein de la base de défense.

Flottille 17F / 2003-2005

Parlons plus spécifiquement de ces commandements, à commencer par celui d’une flottille de chasse embarquée, la Flottille 17F (2003-2005). Son commandant, c’est un chef de meute. Il retire sa légitimité de l’exemplarité. Il doit ainsi avoir passé lui-même toutes les étapes des qualifications de pilote de combat, être apte à toutes les missions. Symboliquement, il vole en tête de sa flottille lorsqu’il rejoint le porte-avions. C’est également lui qui réalise la première mission de combat sur un nouveau théâtre. En corollaire, il dispose de peu d’autonomie dans le choix des missions qui lui sont imposées, mais il choisit chaque pilote pour ses qualités. Il doit savoir créer un climat de confiance, que ce soit les pilotes envers l’Etat-major ou des pilotes envers les techniciens. Une anecdote me vient instantanément en tête concernant ce commandement. 2004, mission Héraclès Air Indien. Le porte-avions est au large des côtes du Pakistan et le groupe aérien réalise des missions de reconnaissance et d’appui-feu au-dessus de l’Afghanistan. Pour sécuriser au mieux les troupes des forces spéciales françaises au profit desquelles nous travaillons, je motive les pilotes pour remplir au mieux leur mission. 100% des objectifs de reconnaissance « taskés » seront réalisés et transmis aux troupes au sol.

Frégate FLF « Courbet » / 2009-2010

Ses spécificités de mon second commandement ? Je suis le « pacha ». Celui qui trace la route, et manœuvre le bateau. L’action tactique dépend du commandant et tous les regards sont tournés vers lui dès que la situation devient critique. Mais comme il ne sait pas tout (loin de là), c’est dans la relation de confiance qu’il tisse avec ses adjoints, ses experts, qu’il trouve le conseil nécessaire pour éviter les écueils. C’est un commandant disposant d’une forte autonomie à la mer, ce qui peut rendre plus prégnante la notion de solitude du commandement. Un exemple. Février 2010, alors que le « Courbet » est en escale à Callao, le chimiquier « Sichem Osprey » s’échoue sur l’atoll de Clipperton. Notre mission ? Montrer la présence de l’Etat Français sur zone, s’assurer de l’absence de pollution, superviser l’enquête et le déséchouement du chimiquier sans limite de durée. Pour le commandant, il s’agit alors de définir le meilleur compromis vitesse, autonomie sur zone, emploi de l’hélicoptère et de la drome, afin remplir la mission avec efficacité, le tout à plus de 600 nautiques des premières côtes. Il s’agit de gérer ces paramètres et le meilleur compromis, tout en gérant les « cas non conformes », comme l’évacuation d’urgence de l’équipage et des équipes de « salvage », la nuit du 4 mars, suite à l’annonce d’un tsunami .

Groupe aérien embarqué (GAé) / 2010- 2012

De 2010 à 2012, j’ai été commandant du Groupe aérien embarqué (COMGAé dans le jargon). À terre, il oriente la préparation opérationnelle des flottilles, il s’assure de la cohérence de la formation, il capitalise les expertises pour élaborer les doctrines. A bord, c’est le grand chef de meute. Il s’assure de la cohésion du groupe (Rafale, Super-Etendard, hélicoptères, Hawkeye) afin de garantir son efficacité. Il explique les choix difficiles, conseille les Etats-Majors dans l’emploi de l’outil. Pour cela il faut qu’il en connaisse le pouls, ses forces et ses faiblesses. Il suit l’action, certes le plus souvent à distance, mais il a le souci de préserver les hommes et les machines tout en rentabilisant le risque qu’il fait prendre à ses hommes. Le commandant dispose d’une forte autonomie dans les choix tactiques, mais s’appuie sur ses experts. Son action est largement tournée vers les Etats-Majors tactiques et opératifs et il doit être prêt à « prendre des coups » lui-même, si cela permet aux flottilles de conduire l’action dans la sérénité et avec un fort sentiment d’utilité. Une anecdote est à ce titre éclairante. Mars 2011, au large de la Lybie. Le cadre de la mission n’est pas encore défini : coalition (opération « Odissey Dawn ») ou OTAN (opération « Unified Protector »). Nous nous sommes préparés à de l’interdiction de zone (missions air-air) et nous réalisons en fait des missions de recherche et d’attaque de troupes ennemies, avec des règles d’engagement très strictes (résolution de l’ONU) qui doivent être gérées par le pilote lui-même, en situation de combat et de stress. Rappelez-vous qu’au début de l’intervention, la plupart des systèmes sol-air courte, moyenne et longue portée sont actifs et opérationnels. La présence lors des préparations de mission, le partage d’expérience quotidien et l’assurance que les chefs leur font confiance a sans doute été le catalyseur qui a conféré toute son efficacité au groupe aérien embarqué, qui a rapidement acquis une grande maîtrise du théâtre et des missions qui lui étaient confiées.

Base aéronavale (BAN) de Landivisiau / Depuis 2012

Je suis le commandant de la base aéronavale (BAN) de Landivisiau. Les problématiques y sont différentes. On ne gère pas 1 400 militaires et 250 civils de la même manière que 150 à 500 militaires. Les problématiques liées à un personnel plus sédentaire sont différentes et il est plus difficile de réunir la totalité du groupe autour de la mission. Cela a été rendu encore plus difficile avec la création d’antennes et donc de hiérarchie. La dilution des responsabilités dans des chaînes dont le commandement est délocalisé et « interarmisé » (CPCS, DIRISI, SID…) transforme la notion de commandement en celle de management. Il s’agit de coordonner les actions, s’assurer de la cohérence d’ensemble. Le volet communication est par contre développé, en particulier à Landivisiau du fait des actions fortes et médiatisées des riverains qui se plaignent des gênes sonores.

BILAN

Les facteurs clés de succès selon moi ? La crédibilité : votre parcours détermine vos aptitudes et construit la confiance. La première image est déterminante. Sinon on ne vous suivra pas au combat. L’empathie : il faut aimer ses hommes et rester accessible. C’est le meilleur moyen de susciter la loyauté. Sinon on vous laissera seul dans l’erreur. L’exemple : il renforce la crédibilité et construit le respect, indispensable lorsque des décisions difficiles doivent être prises. Sinon vos décisions seront mises en doute.


Sources : © Marine nationale
Droits : Ministère des armées