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Interview du colonel Isabelle Guion de Meritens, commandant la gendarmerie maritime

Mise à jour  : 16/04/2013 - Direction : SIRPA Marine

Présentation de la gendarmerie maritime, de ses missions et de ses atouts, formation, bilans, défis et perspectives, le colonel Guion de Meritens a répondu à nos questions.
Interview.

Comment qualifieriez-vous la gendarmerie maritime ?

La gendarmerie maritime est l’une des cinq composantes organiques de la Marine nationale, dont elle dépend budgétairement. Ses unités figurent dans la liste de la Flotte, elles ont le statut de bâtiment de guerre et ses commandants reçoivent une lettre de commandement à la mer. Cette caractéristique participe fortement à l'intégration de la gendarmerie maritime au sein de la Marine qui lui a ouverts ces quinze dernières années de nouveaux horizons. Aujourd'hui, nous avons la capacité de relever de nombreux défis en nous appuyant sur nos atouts et nous pouvons couvrir un vaste spectre de missions à faible coût.

Notre polyvalence et notre adaptabilité, à des missions très variées dans un milieu unique, le monde maritime, nous donnent une capacité d’action très forte. A terre comme en mer, le gendarme maritime mène souvent plusieurs missions par jour : contrôle de la pêche de loisir ou professionnelle, police de la navigation, police judiciaire et il suivra chacune de ces procédures jusqu'à son terme.

L'équipage optimisé de la gendarmerie maritime, eu égard à ses effectifs, prend ainsi une part déterminante dans les actions de l’État en mer.

Le spectre des missions est large, cela implique sans doute une formation bien spécifique ?

En matière de formation, la gendarmerie maritime a dû s'adapter en permanence afin de spécialiser ses personnels au plus près des besoins.

Dans leur carrière, ces derniers consacrent effectivement un temps important à la formation. Ils doivent tout d'abord acquérir, au centre national d'instruction de la gendarmerie maritime (CNIGM) les compétences « socle » qui leur permettent d'assurer leurs fonctions au profit de l'autorité d'emploi. Ils se spécialisent ensuite en s'orientant vers un domaine plus spécifique (police des établissements militaires, unités navigantes, sûreté portuaire, police judiciaire, surveillance du littoral).

Pour former ses personnels, la gendarmerie maritime s'appuie bien évidemment sur le CNIGM , mais aussi et naturellement sur les écoles de marine et de la gendarmerie.

C'est ainsi que:

- le CNIGM prépare les gendarmes maritimes à l'exercice des différentes missions de police en mer et de sûreté portuaire et forme les pilotes et mécaniciens d'embarcations;

- les écoles de la marine spécialisent les navigateurs, mécaniciens, électro-techniciens navals, plongeurs de bord et reconedex ;

- les écoles de la gendarmerie dispensent toutes les formations qui touchent au métier de gendarme (les officiers de police judiciaire (OPJ), les enquêteurs des unités de recherches, l'encadrement opérationnel des gradés, les motocyclistes, les enquêteurs subaquatiques, les équipes cynophiles).

Afin de limiter l'effort de formation, la gendarmerie maritime, qui est très attractive, cherche des compétences déjà acquises lorsqu'elle intègre des officiers et des sous-officiers (navigateurs, mécaniciens, électro-techniciens navals, linguistes). Ainsi elle offre de belles perspectives à des marins ayant quitté leur armée relativement tôt et qui souhaitent continuer à exercer leur spécialité de navigant au sein de la gendarmerie maritime.

Répondre au maximum de situations avec un effectif restreint est une équation qui ne doit pas être simple à résoudre…

Le spectre missionnel de la gendarmerie maritime n'a certes jamais cessé d'évoluer avec l'apparition de besoins nouveaux (accroissement des missions de service public dans le cadre de l'action de l'État en mer, sûreté maritime et portuaire, piraterie maritime...)

Jusqu'à présent, les évolutions ont été menées à bien sous plafond des effectifs grâce aux efforts de rationalisation et de spécialisation. De son côté, la Marine nationale a suivi de près les réorganisations et nous a toujours aidés en mettant par exemple de nouveaux moyens à notre disposition et en détachant pour emploi des officiers mariniers à bord des unités navigantes. C’est un effort dont nous sommes redevables.

Cependant, on arrive aujourd’hui aux limites du système. Qui dit nouvelles missions dit nécessairement renforcement des effectifs ou nouvel arbitrage dans les choix prioritaires.

Pourtant, malgré une charge de travail très importante, le bilan reste extrêmement positif ?

La pertinence des actions est sans cesse évaluée par l'examen d'indicateurs de performance (bilans d'activité et résultats) mis en place pour mesurer l'efficience des unités dans les différents domaines et missions que nous tenons pour essentiels. Il s'agit notamment de la surveillance maritime menée dans le cadre de l'action de l’État en mer, du littoral jusqu'à la haute mer, le renseignement d'intérêt maritime, la sûreté maritime et portuaire, les missions militaires, la police judiciaire.

La présence de la gendarmerie maritime sur des grands événements, comme les départs de courses océaniques, les G8 et G20, la piraterie maritime, les pollutions et opérations de maintien de l’ordre public en mer, démontre le savoir-faire des personnels.

D'un manière générale, j'ai pu mesurer à différentes reprises la satisfaction des autorités d'emploi Marine qui soulignent l'intérêt opérationnel que procure une force comme la nôtre.

Quels sont les défis de la gendarmerie maritime aujourd’hui ?

La gendarmerie maritime doit répondre aux enjeux de la maritimisation ; la gestion des flux et des ressources, la capacité à se projeter sur des événements majeurs, le développement scientifique et culturel, sont autant de domaines qu’il faudra maîtriser, tout comme comme la multiplication des parcs hydroliens ou des aires maritimes protégées.

L'expertise de la gendarmerie maritime est de plus en plus sollicitée. Nous répondons notamment aux sollicitations internationales pour partager nos expériences et nos savoir-faire.

Et les perspectives d’avenir ?

L’adaptation du dispositif aux missions confiées est un travail du quotidien. Les perspectives sont de trois ordres :

  • La poursuite du dispositif des pelotons de sûreté maritime et portuaire. La sûreté de cinq ports d'importance vitale a été initialement confiés à la marine nationale et à la gendarmerie maritime. Trois unités ont été créées pour les ports de Marseille (Joliette et Port-de-Bouc) et du Havre et il nous reste à sécuriser trois ports. Il est important de ne pas rester au milieu du gué sous peine de décrédibiliser la doctrine nationale de sûreté maritime et portuaire et notre dispositif. Malgré les contraintes budgétaires, la reconnaissance internationale, les certifications de nos ports et leur développement économique sont à ce prix. Dans ce domaine, il faut aussi lever certaines fragilités juridiques : l’amélioration de certaines procédures permettra de mieux mener les missions et d’en démultiplier l’action. Comme par exemple autoriser l’ouverture de containers ou l’entrée dans certains locaux des bâtiments visités par les équipes de contrôle des pelotons de sûreté maritime et portuaire.
  • Maintenir la capacité à la mer. Dans les années 2000, la Marine nationale a fait un bel effort pour renouveler les vedettes, qui se révèlent aujourd’hui un moyen particulièrement adapté. Le renouvellement des patrouilleurs doit nous mobiliser pour l'avenir, pour maintenir notre capacité à la mer et mener à bien la totalité de nos missions.
  • Enfin, nous devons améliorer et renforcer nos capacités outre-mer. De nombreux trafics transitent par l’outre-mer et nos moyens restent faibles au regard de l'immensité des espaces.


Sources : © Marine nationale
Droits : Ministère des armées