Le 6 septembre 2014, lorsqu’il quittera l’institution, le colonel Jacques Lainé comptera près de 40 années de service en gendarmerie, dont 18 ans en gendarmerie maritime. De ses débuts «par hasard» en gendarmerie mobile à ses deux décennies de gendarme maritime, entre activités de terrain et responsabilités d’état-major, retour sur un parcours «varié, intense et passionnant».
Comment êtes-vous rentré en gendarmerie ?
Je suis entré dans la gendarmerie par hasard en 1974. Je voulais faire interprète: j’aimais les langues, je voulais découvrir le monde. Mon père, en charge d'une famille de trois enfants, ne souhaitait pas que je poursuive mes études après le bac. Il m’a tendu une brochure de la gendarmerie et c'est ainsi que je me suis présenté à l'adjudant qui commandait la brigade dont dépendait ma presqu'île du nord-Bretagne. J’ai enchaîné par le service militaire en tant que gendarme auxiliaire. A l’issue du stage de sous-officier en école préparatoire de gendarmerie, j’ai choisi de servir en gendarmerie mobile, puis j’ai passé les concours pour intégrer l’école des officiers de la gendarmerie nationale à Melun. Un militaire plus un juriste, ça fait un gendarme ! J’étais passionné et j’avais soif de découvrir, soif d’aller au bout de l’histoire et de ma formation. La gendarmerie départementale est venue comme une alternance naturelle dans une carrière d'officier de gendarmerie.
Et la gendarmerie maritime ?
Mon commandant de groupement recherchait des officiers « ayant l'expérience de la compagnie et des capacités à s’adapter à un nouveau milieu » auquel il souhaitait faire prendre un nouvel essor. Il m'a donc annoncé: «C’est Brest, et en gendarmerie maritime». Pour un breton, cela avait du sens. Ceci dit, bien que petit-fils de capitaine au long cours, je n’étais pas marin moi-même et j'en ai été un peu surpris. D’autant qu’à l’époque, les missions des gendarmes maritimes relevaient principalement de la surveillance des arsenaux et établissements de la Marine et je n’avais pas forcément envie de cet univers. C'est ainsi qu'à l'été 1992, j'ai effectué mon embarquement en gendarmerie maritime, comme commandant de la compagnie de Brest-arrondissement qui disposait d'une variété d'unités réparties le long du littoral d'Ille et Vilaine, des Côtes d'Armor et du Finistère: «une gendarmerie départementale adaptée au monde de la mer» en quelque sorte.
Une toute nouvelle expérience, donc…
C’était le tout début des divisions action de l’Etat en mer (AEM) placées auprès des amiraux, préfets maritimes. Tout était à créer, une activité diversifiée dans un monde passionnant que je découvrais et où il me fallait « apprendre à surnager » soutenu par les conseils avisés de mes camarades et la lecture d'ouvrages spécialisés. Quatre ans de bonheur !
Puis j’ai été nommé chef du bureau organisation-emploi, à l'état-major à Paris. Là encore, une responsabilité passionnante et des plus variée dans laquelle on a la chance de contribuer à écrire «l'histoire». Des relations au quotidien avec l’état-major de la marine sur des dossiers importants, la possibilité de faire des propositions au commandement, de travailler avec la direction générale de la gendarmerie et les autres administrations et services comme le secrétariat général de la mer et les affaires maritimes…
Puis vous avez été commandant du groupement Atlantique :
Ce commandement m’a donné l’occasion de mettre en pratique les textes sur lesquels j’avais travaillé à Paris : le suivi des projets sur le long terme, l'évolution des textes, leur adaptation à la réalité du terrain. Les effectifs de la gendarmerie maritime permettent d’entretenir avec ses personnels des relations simples et régulières facilitant la mission de coordination des actions opérationnelles des unités.
Comme commandant de groupement et chargé des opérations, j’ai notamment vécu le naufrage en novembre 2002, au large du Cap Finisterre, du pétrolier «Prestige» et la marée noire qui a touché le littoral français à partir du 31 décembre suivant. De par nos fonctions, responsabilités et compétences, nous avons la chance de vivre des événements de forte intensité, au carrefour de plusieurs routes, tout en disposant de la vision d’ensemble.
Qu’apprend-on en termes de commandement ?
Que le rôle de l’adjoint et même des adjoints au sens large est capital. C’est la force du monde militaire, son maître-mot: faire confiance à ses subordonnés et qu’en retour ils fassent confiance à leur chef. L’addition des deux confiances se vit, elle est la base de l’efficacité.
Ce poste vous a mené à celui de commandant en second de la gendarmerie maritime, que vous avez occupé à deux reprises…
Dans la continuité et logiquement, à l'issue du temps de commandement au groupement de l'Atlantique, je suis affecté une première fois dans le poste de commandant en second. A cette occasion, m’attendaient les premières réunions relatives à la mise en place de la sûreté maritime et portuaire qui allait donner un élan nouveau à la gendarmerie maritime, la refonte des textes subséquents, la gestion de dossiers importants à l’échelon central en relation étroite avec l'état-major de la Marine et la direction générale de la Gendarmerie. Après trois années, quittant, semble-t-il alors définitivement, la passerelle de la gendarmerie maritime, le gestionnaire me fait descendre la Seine pour rejoindre les mêmes fonctions de second au siège de la région de gendarmerie de Haute-Normandie à Rouen (76). Après quatre années au plus près des problématiques de gestion de la délinquance, de sécurité routière, du pilotage et de la performance d'une région et, à ma grande surprise, j'embarque à nouveau, pour ce qui sera ma dernière affectation, à bord du vaisseau gendarmerie maritime !
Arrivé « par hasard » en gendarmerie, vous avez donc connu un parcours riche en expériences…
Mon parcours s’est construit étape par étape, sans forcément de calculs pour « faire carrière ». J'ai apprécié chacune d'entre elles au fil de ces presque quarante années, alternant des périodes de terrain et des affectations en état-major. C’est important pour aller de l'avant, tout en gardant la tête sur les épaules. L’un ne doit jamais rester éloigné de l’autre. Il faut se dire, un peu comme ma première fois à la porte du Nord-Atlas: « Go!» «On me propose, j’y vais!».
Quel message donneriez-vous aux futurs gendarmes maritimes ou à ceux qui viennent d’intégrer ?
Ce que je dirais aux plus jeunes Vous devez rester disponibles ! On sert notre pays, une institution. Sur nos bateaux, il est écrit « honneur, patrie, valeur et discipline ». C’est un milieu que l’on doit vivre, formez-vous, accrochez-vous et aimez la gendarmerie maritime! Ça ne veut pas dire que tout va bien dans le meilleur des mondes! Cela signifie juste qu’il faut assumer, poser des choix réfléchis sur son engagement et apporter sa pierre à l'édifice.
Quelles sont les qualités requises ?
C’est un métier qui demande de l’humilité. Par rapport à la loi tout d’abord, puisque nous sommes gendarmes. Par rapport aux éléments ensuite, puisque nous sommes aussi marins. Un bon gendarme maritime est un militaire, fruit de l'addition de «ses » deux cultures. Il s'agit d'être humble, mais avec des certitudes et des capacités d’adaptation qui permettent de garder un cap. Dans nos unités, je répète fréquemment que chacun est une brique du mur. Pour que le mur soit solide, il faut que le bloc soit soudé, même s’il existe parfois certaines difficultés sur telle ou telle brique. Ce qui compte, c’est l’entente, l’addition des compétences, la complémentarité et la subsidiarité vers un même objectif. C’est cela la culture de la gendarmerie maritime.
Sources : © Marine nationale
Droits : Ministère des armées