« Sourire et vaincre »

«Officiers, officiers mariniers, quartiers-maîtres et marins de le flottille 34F, de par le Président de la République, vous reconnaîtrez désormais pour votre commandant le Capitaine de corvette Cécile Dumont d’Ayot ici présent, et vous lui obéirez en tout ce qu'il vous commandera pour le bien du service, l'exécution des règlements militaires, l'observation des lois et le succès des armes de la France».

Ma gorge se noue, mes jambes me portent difficilement, je lève les yeux. Je vois 150 paires d’yeux écarquillés tournés dans ma direction et je me rassure en posant mon regard sur celui de ma famille, silencieuse et visiblement impressionnée : je me rends compte que je suis saisie par l’émotion alors que j’avais imaginé cette prise de fonctions comme une suite logique des postes précédents. Pas tant que cela en fait !

J’ai longuement préparé le discours que je m’apprête à lire dans quelques instants. Et là, je me souviens d’une phrase de mon chef d’escouade de l’Ecole navale que j’ai souvent répétée : « On n’a qu’une seule chance de faire une première bonne impression ». Je n’ai que quelques mots pour faire ressortir les valeurs essentielles que je veux communiquer : travail synergique des équipes de travail, aptitude à relever des défis, capacités à essuyer les tempêtes, en sortir toujours plus fort et prise de décisions concertées. En somme, faire vivre la devise de notre chère unité : « Sourire et vaincre ».

Comment ai-je pu naturellement appréhender ce poste ? Témoignages sur les bancs de l’Ecole navale, regards sur mes prédécesseurs et successions de postes dits qualifiants : toutes ces expériences permettent l’apprentissage à l’autonomie et le développement du leadership en équipe réduite mais aussi la capacité à prendre des décisions après en avoir mesuré les risques. Pour les pilotes, ajoutons aussi la réussite à la longue progression aéronautique vers la qualification ultime.

Ma flottille, je la commande telle que je suis dans la vie, sans faux-semblant : avec de l’empathie, en demandant le meilleur de chacun et en donnant en contrepartie toute ma confiance et ma reconnaissance.

Pour être crédible, je veux m’attacher à être juste et exemplaire (même si nul n’est parfait !) et surtout « porter » la flottille dans toutes ses actions.

Le fait d’être une femme ne change rien dans ce domaine ; les femmes « commandant » sont la conséquence logique de la féminisation de notre Institution dans les années 1990. Pourtant, je souris lorsque je reçois un courrier pour Monsieur le commandant de la flottille 34F… 

Une anecdote ? Lorsque je réponds au téléphone et qu’on me demande de transmettre un message au commandant… associé au blanc suit ma réponse : « Oui, c’est moi, je vous écoute… ».

Je pense souvent à la cérémonie de mon successeur, aux mots que je voudrais avoir pour l’équipage, à ma gorge qui se nouera encore et aux souvenirs émus que je laisserai de mes années de flottille opérationnelle et surtout du commandement : les premiers mois qui suivront auront sans nul doute un goût amer ! »