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UNE SAVANTE ALCHIMIE

Mise à jour  : 03/05/2013 - Direction : SIRPA Marine

« Pacha » de l’équipage rouge du SNA « Saphir », le capitaine de frégate Benoît Frankowski est intarissable dès qu’il s’agit de parler de ses responsabilités de commandant…

« Commander. Le lien fondamental, c’est l’homme : un chef qui commande, c’est d’abord un homme aves ses forces et ses faiblesses qui dirige d’autres hommes qui ont les leurs. Il faut donc s’efforcer de développer ce qu’on a de meilleur en nous pour tirer le meilleur parti de son équipage et réussir la mission.

Commander un SNA. C’est commander dans un environnement particulier. Un SNA, c’est 80 hommes environ, 80 mètres de long et une foule de missions conduites sous l’eau. Le point commun à chaque mission ? C’est maintenir la performance de l’équipage et optimiser ses senseurs en restant indétectable. C’est donc la recherche constante du maximum de rendement.

Le SNA est exigeant, d’un point de vue technique et d’un point de vue opérationnel. Il impose donc la compétence. Je ne parle pas que du commandant, je parle de tous à bord et donc, bien sûr, du commandant. La confiance en chacun, d’homme à homme, doit être forte parce qu’une erreur peut se payer très cher. Par exemple, le compartiment turbo alternateur à bord (CTA) comporte des risques. On a tous en mémoire l’accident de l’ « Emeraude ». L’homme qui y sert doit être digne de la confiance du commandant. Parce que, ne pas savoir y gérer une difficulté alors que le sous-marin évolue à proximité des côtes adverses risque d’impliquer de suspendre, d’annuler la mission ou, pire, de provoquer une contre-détection dont les conséquences peuvent être de niveau diplomatique ou stratégique.

La promiscuité et l’absence d’isolement impliquent d’être proche de son équipage et exemplaire dans son comportement. Chaque mot, chaque attitude du chef seront suivis par l’équipage, possiblement commentés ou débattus, et influeront sur l’état d’esprit du groupe. A bord, j’utilise seulement un rideau pour séparer mon intimité de l’activité permanente du central opérations. La promiscuité fait aussi que le commandant d’un SNA est sans doute le moteur essentiel du rythme de l’équipage : au contact de tous, directement impliqué dans tous les aspects de la conduite de la mission, il est à la recherche permanente du rendement maximal de son équipage et de son unité dont j’ai parlé tout à l’heure. Il doit être capable de faire accélérer son équipage quand la situation l’exige ou déléguer à bon escient pour conserver du recul. C’est une alchimie qu’il doit maîtriser pour tenir dans la durée au cours de missions qui comportent des risques.

Un autre aspect qui me marque ? Un équipage de sous-marin vit à rebours de la société contemporaine : il part loin, longtemps, et sans communication avec ses proches. Le lien avec la famille tient uniquement en un message par semaine, et seulement quand la situation opérationnelle le permet. Le commandant vit donc sa mission avec cette grande responsabilité qu’il va affronter certains événements seul avec son équipage. L’art de commander On dit souvent que commander ne s’apprend pas. Oui et non. Non, il n’y a pas de cours où l’on apprend à commander. Mais oui, on apprend à se connaître et à connaître les autres. On s’affermit.

Je pense que commander, c’est passer de la pensée à l’action. Certains sont plus à l’aise avec la théorie, d’autres avec la pratique. Le chef doit maîtriser les deux et savoir passer de la première à la seconde. Pour cela, il faut cultiver quelques qualités fondamentales et qui me semblent universelles quelle que soit la personnalité du chef :

- avoir une vision claire du but à atteindre. Le traduire en termes clairs. Notre intelligence doit être tournée vers cet objectif. C’est la tête ;

- aiguiser sa volonté afin de maintenir la marche en avant. C’est le cœur ;

- être solide face aux éléments contraires et aux épreuves, dont la mort fait partie. Cela implique de développer sa force morale. C’est l’âme ;

Et évidemment, cerise sur le gâteau, il faut confronter tout çà avec la réalité du terrain : les hommes qui nous sont confiés »


Sources : © Marine nationale
Droits : Ministère des armées