Le premier-maître Estelle Proteau est la première femme pilote de port dans la Marine. Officier marinier de spécialité navigateur, elle a été certifiée en 2009 après une formation d’un an. Affectée pour une durée de huit ans, elle assure avec ses pairs le pilotage des navires militaires français et étrangers. Il s’agit d’apporter expertise et conseil aux commandants (appareillage, accostage et manœuvres particulières dans le port militaire) tout en dirigeant l’action des remorqueurs et des équipes de quai.. Cela fait partie des services spécifiques fournis par base navale de Toulon.
Interview.
En quoi consiste votre métier de pilote de port ?
Mon métier fait partie du soutien global qu’apporte une base navale. Quand j’embarque à bord des bâtiments, je suis le conseiller du commandant, celui-ci reste le seul maître à bord même pendant la manœuvre. Notre rôle est de concourir à la sécurité en cas de problème. Cela nécessite une connaissance fine des particularités du port et de la diplomatie pour se positionner correctement par rapport à l’idée de manœuvre du commandant. C’est une relation de confiance mutuelle. Nous devons anticiper, permettre l’intervention pertinente de nos moyens attelés, dispenser des conseils dans la façon de se présenter notamment en fonction des facteurs environnementaux… Chaque manœuvre est unique. Il y a toujours quelque chose qui fait qu’elle est différente d’une fois sur l’autre, y compris avec le même type de bâtiment.
On ne devient sans doute pas pilote par hasard, qu’est-ce qui vous a amené à ce métier ?
C’est l’attrait du métier qui m’a fait suivre cette voie. Etre pilote de port, c’est une partie supplémentaire de ma spécialité de navigateur, une pierre en plus dans l’édifice de mon parcours. Ce certificat est accessible aux officiers mariniers supérieurs. J’ai attendu de passer premier-maître et je me suis portée candidate. Je suis une femme, mais avant tout un marin, avec un grade, une fonction et des responsabilités. Homme ou femme, cela ne change pas grand-chose, nous sommes jugés sur nos compétences et le plus souvent notre réputation professionnelle nous a précédée. Parfois, les commandants de bâtiments étrangers qui n’ont pas de femme à bord sont surpris de me voir arriver en passerelle. Mais il n’y a jamais de réticence car la fonction prime.
Quel type de bâtiment êtes-vous amenée à piloter ?
Il y a deux niveaux dans le pilotage militaire. Actuellement, je suis autorisée à piloter des bâtiments jusqu’à 5000 tonnes, y compris des bâtiments étrangers. Mon métier nécessite une parfaite connaissance des ports, des quais et des moyens nautiques. Je dois savoir lesquels sont les mieux adaptés à la situation pour connaître toutes les limites et ne pas mettre en danger les bâtiments qui accostent ou appareillent.
Mais pilote n’est pas mon seul métier, puisque je travaille au bureau des travaux portuaires qui gère entre autres les coffres d’amarrage, les bouées, la mise en place de lignes de ras débordoirs, l’entretien subaquatique des ancrages etc. Nous montons, organisons et suivons ces chantiers avec nos équipes des sections plongée et soutien.
Chaque manœuvre est différente. L’une d’entre-elles vous a-t-elle particulièrement marqué ?
Parfois, on prend un petit coup d’adrénaline sur certaines manœuvres. Au cours de mes premières années de pilotage, je devais effectuer un « mouvement en poids » pour une frégate (mouvement d’un quai à un autre par les remorqueurs, sans que la propulsion du bâtiment concerné soit activée). Le vent était de dix nœuds au début de la manœuvre et un orage et un grain non prévus par la météo sont survenus, avec un vent à 50 nœuds. Nous étions au milieu de la manœuvre et la puissance de mes remorqueurs suffisait tout juste à maintenir notre position. Nous ne pouvions plus avancer. Il a fallu laisser passer l’orage…
Que comptez-vous faire après cette expérience ?
Rien n’est bien encore défini, mais après cette expérience de huit ans dans le pilotage, je pourrais peut être repartir vers les passerelles dans ma spécialité de navigateur ou bien être amenée à commander un petit bâtiment comme un RP 50, un remorqueur en outre-mer ou encore un bâtiment de soutien région.
Sources : © Marine nationale
Droits : Ministère des armées