Le sous-marin nucléaire d’attaque n’est pas qu'un cow-boy solitaire. Il peut faire partie intégrante du groupe aéronaval (GAN). Une fonction essentielle mais qui nécessite une gymnastique entre le monde sous-marin et la surface.
L’opération Harmattan a prouvé, s'il en était besoin, la polyvalence des SNA. Le vice-amiral Philippe Coindreau commande la force aéromaritime française de réaction rapide (FRMARFOR) dont l’état-major a été déployé à plusieurs reprises lors de conflits récents. Il explique comment, durant l’opération Harmattan, le GAN s’est appuyé sur la flotte sous-marine : « En l’absence de menace sous-marine, les SNA ont été placés devant les ports militaires libyens pour prévenir un éventuel appareillage des bâtiments lance-missiles, et le cas échéant les détruire. Plus tard, au cours de la même campagne, ils ont apporté des éléments indispensables à la compréhension de la situation sur les lignes de front entre forces pro-Kadhafi et les forces de l’opposition. » Le SNA avait auparavant appuyé les forces de surface ; notamment en 1999 durant la guerre du Kosovo. Un SNA français avait alors bloqué la marine du Monténégro, l’empêchant ainsi de rejoindre la coalition serbe. Ces exemples illustrent l’importance du SNA pour opérer dans un environnement où de multiples menaces peuvent coexister.
L’union fait la force
Éclaireur, le sous-marin précède le GAN pour ‘’blanchir’’ les zones et en exclure des opposants éventuels. Une fois déployé, le groupe aéronaval opère en général dans une zone géographique assignée, mais le SNA continue de faire barrage et protège le porte-avions. Ce n’est pas si simple d’intégrer un sous-marin à une flotte de surface. Et pour preuve, seuls la France et les Etats-Unis sont en mesure de déployer un SNA lors chaque déploiement du GAN. « Pour conserver sa discrétion, le SNA doit néanmoins rester maître de sa manœuvre et pour cela, disposer d’une certaine autonomie. Cela justifie la présence d’experts au sein de l’état-major du commandant du groupe aéronaval. » rappelle le VA Coindreau. Actuellement le capitaine de frégate Luc P est cet expert. En tant que « Submarine Element Coordination » (SEC), il est chargé de faire le lien entre l’Etat-major embarqué et, le, ou les sous-marins déployés dans la zone.
Le SEC dirige la Submarine Advisory Team (SAT); réunie, la cellule peut compter jusqu’à 11 sous-mariniers. Selon le CF Luc P, «Harmattan a prouvé que l’intégration du SNA au sein d’une force aéronavale était complète.» Le sous-marin participait pleinement aux opérations, apportant sa vision du théâtre sous une autre dimension. Mais le SEC rappelle que le SNA a tout autant besoin des informations que lui transmet le GAN que l’inverse. «Les avions, en survolant la zone, ont établi des cartes détaillées, qui, une fois transmises au sous-marin, ont permis de mieux comprendre la situation sur le théâtre et de fournir aux autorités des produits à haute-valeur ajoutée.»
La référence française
Cette intégration au sein du GAN dépend pleinement du contexte opérationnel. Le plus bas niveau d’intégration, le «soutien associé», est une organisation spécifique, le SNA communiquant avec son état-major via les installations terrestres spécifiques dont la Marine nationale dispose. Lorsque le besoin d’interopérabilité et de réactivité se fait plus prégnant, le SNA passe en « opérations intégrées ». Plus subtil à mettre en œuvre, ce niveau place le sous-marin directement sous les ordres de l’état-major embarqué. Il s’agit d’un niveau que la Marine nationale maîtrise très bien. Référence en la matière, elle accueille régulièrement des observateurs des marines alliées.
Les sous-mariniers qui composent la cellule SEC/SAT doivent travailler avec un coup d’avance. En effet, le principe des interruptions maximales d’écoute (IME), c’est-à-dire la période où le sous-marin ne reçoit pas d’information, combiné au fait que le SNA garde toujours l’initiative de la prise de contact, font qu’il faut en permanence anticiper les instructions et les directives qui vont lui être transmises. Préserver la discrétion du sous-marin est une des missions prioritaires de cette cellule. « L’enjeu pour la SEC/SAT est que les spécificités du SNA, qui peuvent apparaître à juste titre comme des «contraintes», soient justement totalement transparentes tant pour l’employeur du SNA, l’état-major embarqué, que pour les autres unités de la force, tout en apportant notre concours pour répondre aux besoins de nos camarades sous l’eau. Pour cela, la SEC/SAT est constituée d’un gros noyau de sous-mariniers car ce sont les seuls connaissant les impératifs du SNA. » explique le CF Luc P. «Harmattan a été une révolution en la matière car nous avons utilisé de nouveaux outils avec le sous-marin comme le "chat " sur réseau sécurisé et rompu avec nos habitudes de communication.» Ces avancées permettent de poursuivre l’engagement français à garder une maîtrise des océans alors même que la menace sous-marine est en pleine expansion.
Sources : © Marine nationale
Droits : Ministère des armées