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Le chasseur sachant chasser

Mise à jour  : 10/07/2013 - Direction : SIRPA Marine

Espion, tapi dans les fonds sous-marins, le Sous-marin nucléaire d’Attaque (SNA) tient un rôle essentiel en recueillant des informations primordiales pour sa sécurité. Pour remplir cette mission, le SNA prend l’apparence d’un chasseur solitaire.

Il piste, il flaire, il est à l’affût. Le sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) a tout d’un prédateur. Ses proies: les informations, les bâtiments de surface, d’autres sous-marins. Cela exige de la patience, de l’endurance et surtout des connaissances techniques car le sous-marin ne voit qu’avec ses oreilles, excepté lorsqu’il sort son périscope, mais ce faisant, il risque de se faire repérer.

À bord, les sous-mariniers connaissent leur bâtiment par cœur. Ils ressentent la plus infime variation d’oxygène dans l’air, ils repèrent le moindre bruit suspect; il en va du succès de leur mission mais aussi de leur survie. Les accidents tragiques de sous-marins ont constellé l’histoire sous-marine et marquent encore les équipages. Sans remonter bien loin, la France a connu ses pages noires avec, par exemple, la disparition, en 1968, du Minerve ou deux ans après de l’Eurydice et plus récemment, un accident mortel à bord du SNA Émeraude. Un sous-marinier se doit donc d’être en mesure de comprendre son bâtiment malgré la complexité de ce dernier.

Aussi complexe qu’une navette spatiale

Imaginez dans ce minuscule réceptacle, pas plus grand qu’une fois et demi un terrain de tennis: une centrale nucléaire, des armes, des appareils de haute-technicité, un système de propulsion et une usine pour fournir l’eau douce et l’oxygène nécessaire pour le bord … le tout supportant la pression jusqu’à plus 300 mètres en-dessous du niveau de la mer. Un tel degré de technologie ne se retrouve que dans une navette spatiale, à ceci près que le sous-marin est bien plus coupé du monde que le vaisseau spatial. Sous l’eau, impossible de capter une onde radio. Le sous-marin étudie donc la propagation des ondes sonores pour savoir où se trouvent les autres bâtiments, amis ou ennemis, et utilise un SOund NAvigation and Ranging, plus connu sous le nom de sonar. Pour éviter de se faire remarquer, le SNA n’utilisera pas de sonar actif (qui émettent des sons). En effet, le but est de repérer l’ennemi avant que celui-ci ne détecte le SNA ; c’est ce que l’on appelle l’avantage acoustique.

Et pour garantir cet avantage, les sous-mariniers se servent de sonars passifs. Des senseurs sont situés à différents emplacements, notamment sur une antenne linéaire remorquée par le SNA. Il s’agit d’un câble de plusieurs centaines de mètres de long. Les données récoltées sont analysées, synthétisées avant d’être, le cas échéant, transmises vers la chaîne de commandement.

Un œil hors de l’eau

«Il ne suffit pas de tendre l’oreille. Il s’agit avant tout de connaître parfaitement son environnement.» Le capitaine de frégate Philippe N. rappelle ainsi que la qualité du travail de sous-marinier repose sur une bonne connaissance des fonds et de l'environnement marins, du nombre de radars positionnés sur la côte, ou encore des moyens à disposition de l’ennemi en matière de lutte anti-sous-marine. Commandant un SNA, il a fréquemment conduit son équipage près de côtes adverses. Lors de ces missions, le sous-marin ne devait en aucun cas se faire repérer. Lorsque la mer est d’huile, le moindre sillage du périscope hors de l’eau risque de trahir sa présence.

Se faire repérer est un réel danger à prendre en compte, mais nécessaire pour identifier par exemple le navire entendu au sonar. Lors d’une reprise de vue, c’est principalement au commandant de veiller car il faut de l’expérience pour analyser ce que l’on voit. La nuit, il est tellement difficile de distinguer les formes que le veilleur ne peut pas rester plus de dix minutes attentif à son poste. Face à la vulnérabilité du sous-marin durant ce temps d’indiscrétion, tout l’équipage reste sur le qui-vive. Dès lors qu’un aéronef approche de la position du sous-marin ou que le radar adverse change de fréquence, le sous-marin redescend en immersion.

Tendre l’oreille

C’est dans cet environnement profond que le sous-marin est le plus discret. Quasi-invulnérable, il écoute tout, analyse tout, retient tout. Ce sont les détecteurs sous-marins et surtout les analystes qui ont l’ouïe fine ; si fine qu’ils reconnaissent le type de navire qui passe au-dessus, le nombre de pales composant l’hélice et sa vitesse de rotation. La tâche est complexe car il faut faire abstraction de la pollution sonore. Les gazouillis des crevettes «claqueuses», qui portent si bien leur nom, atténuent par exemple la qualité des signaux perçus. Les «oreilles d’or» sont donc à l’écoute pour trier les informations et les analyser. Ces experts du bruit émis dans le monde du silence sont mis à disposition par le Centre d’Interprétation et de reconnaissance acoustique (CIRA). Ils sont bien plus efficaces que n’importe quel logiciel. Certains navires peuvent être entendus et reconnus à plusieurs dizaines de kilomètres. 7 jours sur 7,24 heures sur 24, ils sont à l’affût. Même lors de simples patrouilles, l’équipage doit s’assurer de naviguer en toute sécurité.

Au Poste Conduite et Navigation opérationnel (PCNO), aucun repos, les ordres fusent. Dans cet espace confiné, toutes les informations sont à portée de main : le « plotteur » inscrit les positions du sous-marin et des mobiles détectés sur des cartes ; l’analyste écoute, casque vissé sur la tête. Sur des écrans de contrôle, un sous-marinier vérifie en temps réel l’alimentation électrique du bord ou encore le niveau des ballasts, essentiels pour l’équilibre du bâtiment. Les écoutes sont en quelques sortes les yeux du bâtiment ; par ailleurs, en fonction de la position du bateau, le son perçu est différent. C’est donc une certaine alchimie qui permet de conduire le bâtiment. Le sous-marinier est expert en matière de déplacement de l’onde sonore dans l’eau, appelée la célérité. Il connaît toutes sortes de stratégies pour entendre en restant indétectable. En se glissant sous la quille d’un autre navire, le SNA brouille les pistes. Le sous-marin sait utiliser la température de l’eau ou encore sa salinité pour rester discrètement caché. La chasse devient un travail de fourmi lorsqu’il faut chasser un autre sous-marin. Les sous-marins adverses étant eux aussi silencieux, cela peut s’avérer même dangereux. En fonction de l’état de la mer, le sous-marin adverse n’est pas repérable à plus de deux kilomètres.

Le sous-marin opère seul mais il reste toujours proche de son état-major. Grâce aux centres de transmissions situés en France, les SNA peuvent communiquer leurs informations. De plus, les tactiques éprouvées permettent aux sous-marins d’attaque d’exercer cette menace sur tous les océans.

Le SNA classe Rubis

Il s’agit du plus petit des sous-marins nucléaire d’attaque au monde. 73.6 m de long, moins de 8 mètres de large et une hauteur équivalant à deux fois la hauteur d’un panneau de basket. Autant dire que l’espace est très restreint. L’armement est composé de torpilles filoguidées qui peuvent casser un navire en deux à plus de quinze kilomètres en explosant sous la quille du bateau. De plus, dotés de missile exocet, le SNA de type Rubis peut tirer un missile en plongée depuis le lance-torpille. Le missile SM-39 Exocet peut atteindre un navire à plus de 50 Km. Ces armements permettent d’effectuer de la lutte antinavire et de la lutte anti sous-marine. Grâce à une vitesse de pointe de 25 nœuds, il peut suivre les déplacements des bâtiments de surface sans rougir. Quant à l’immersion maximale atteinte (supérieure à 300 mètres), elle l’aide à évoluer tapi dans l’ombre. Enfin, la propulsion nucléaire est un atout essentiel pour couvrir l’ensemble du globe. Cette autonomie énergétique possède un grand avantage face aux sous-marins d’attaque dits conventionnels: le SNA n’a pas besoin de faire surface pour recharger ses réserves d’oxygène (manœuvre essentielle pour faire marcher son moteur diesel auxiliaire). Les SNA garantissent à la France une présence furtive sur différents théâtres d’opérations même s’ils sont éloignés et ce dans la durée. Ils sont employés dans un spectre opérationnel large (l’attaque autant que la protection) pour garantir la vocation océanique de la Marine.

Les sous-marins nucléaires d’attaque en quelques chiffres.

2 équipages arment un SNA: un bleu et un rouge 

6 SNA actuellement en service: Rubis, Saphir, Casabianca, Emeraude, Améthyste et Perle basés à Toulon.

70 : le nombre de marins composant un équipage

80 m2 de surface habitable

560 marins sont embarqués sur SNA

900 personnes (militaires et civils) travaillent pour l’escadrille des sous-marins nucléaires d’attaque basée à Toulon

4000 personnes (militaires et civils) travaillent dans l’environnement des forces sous-marines françaises

Dissuasion nucléaire

Le SNA contribue avec les frégates, leurs hélicoptères embarqués et les avions de patrouille maritime à la dissuasion. Ils protègent, grâce à leur complémentarité les approches des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) contre d'éventuelles intrusions de surface ou sous-marines. Le SNA est également la vitrine des capacités opérationnelles sous-marines. Le succès des opérations, les nombreux entrainements opérationnels avec les alliés, les qualifications en permanence renouvelées sont le reflet de la force océanique stratégique (FOST) dans son ensemble. C’est enfin la pépinière des futurs commandants de SNLE.


Sources : © Marine nationale
Droits : Ministère des armées