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Landivisiau : de la formation aux opérations

Mise à jour  : 12/12/2012 - Direction : SIRPA Marine

Ici, techniciens, pilotes, élèves, officiers d’appontage ou contrôleurs s’entraînent ou opèrent dans l’esprit du porte-avions, comme un équipage à part entière.

Et pour cause. Les équipes qui s’entraînent ici sont les mêmes que celles que l’on retrouve au sein du groupe aérien embarqué à bord du porte-avions Charles de Gaulle. Ainsi, de la formation aux procédures en passant par les briefings ou le déroulement des missions – sur simulateur ou aux commandes des avions - tout est pensé pour être au plus proche des conditions qui seront les leurs en mer.

GROUPE AÉRIEN EMBARQUÉ

CF Eric Aymard, commandant du Centre d’entraînement, d’instruction et de préparation de missions (CEIPM) et du groupe aérien embarqué.

CEIPM, GAé, CENTEX… les noms ne manquent pas pour décrire votre activité
Dans l’intitulé, on nous appelle communément à terre le Centre d’entraînement, d’instruction et de préparation de missions (CEIPM) et en mer, nous sommes plus connus sous le vocable de «Groupe aérien embarqué» (GAé). Mais ce n’est qu’un artifice de vocabulaire, puisque ce sont les mêmes personnes qui travaillent à terre ou qui embarquent à bord du porte-avions.

En réalité, on ne se prépare pas spécifiquement pour aller à bord, on s’y prépare tout le temps. Landivisiau est le miroir du porte-avions. Nous nous entraînons comme un équipage, paré en permanence à embarquer sur le Charles de Gaulle sous faible préavis. La continuité est assurée par le fait que nos expertises sont aussi précieuses sur la BAN qu’à bord.

 

Comment vivez-vous cette dualité?

Il y a une continuité de la méthode, de l’entraînement et des process entre la base et le bord. Certaines procédures sont applicables, d’autres non. Notre objectif est de minimiser le différentiel. Dès l’instruction, puis tout au long de l’entraînement tactique on donne aux pilotes les bons réflexes. Le ré-entraînement de cinq semaines à l’appontage simulé sur piste est la seule phase de préparation spécifique avant d’aller à bord.

Tout le monde doit donc être prêt en permanence à embarquer?

Notre but est de maintenir un niveau de qualification opérationnelle de l’ensemble du personnel. De l’arrivée en section de transformation de chasse jusqu’à sa fin de carrière, la formation est continue, toutes les qualifications doivent être maintenues en permanence, grâce aux entraînements et à la pratique opérationnelle. C’est un tout qui doit nous permettre de répondre au contrat opérationnel.

Comment qualifieriez-vous ce groupe aérien dont vous êtes le commandant?

En résumé, le GAé est une structure légère, mais dense, concentrée sur son expertise mais souple et adaptable. Pour prendre une image, le GAé est un sac de billes, ouvert sur le haut et sur le bas, avec des billes plus ou moins foncées selon les qualifications, compétences et expériences de ses membres. Le sac est ouvert sur le haut: ce sont les nouveaux éléments qui intègrent les flottilles. Il est ouvert sur le bas car les plus anciens quittent le service mais il reste toujours relativement complet. En clair, l’expérience des uns aide les autres à s’améliorer.

FORMATION

CC Sophie Marchione et Major Christian C., du Groupement entraînement et instruction (GEI)

Quelle est la mission du Groupement entraînement et instruction?

Au Groupement entraînement et instruction (GEI), nous sommes chargés de l’entraînement, de l’instruction et du contrôle des personnels affectés sur la base de l’aéronautique navale de Landivisiau. Étant localisés sur la base, nous pouvons caler notre activité au plus près de l’activité opérationnelle. Dans la mesure du possible, nous essayons de répondre aux besoins à la carte, le respect du contrat opérationnel des flottilles restant notre priorité.

Combien d’heures de cours dispensez-vous?

Techniciens, pilotes et contrôleurs confondus, nous dispensons chaque année 2.000 heures de cours sur le Rafale, 1.400 sur le SEM. Auxquelles il faut ajouter 700 heures de cours d’anglais opérationnel. Navigabilité, licences, documentations techniques, échanges opérationnels… l’anglais est la langue de référence. Sa maîtrise fait partie intégrante des qualifications du personnel.

Qui sont vos élèves?

Nos formations ne touchent pas uniquement des marins de Landivisiau, mais aussi des personnels d’autres BAN, des unités de la marine à la tête desquelles le porte-avions ou de l’armée de l’air.

Comment organisez-vous le programme des cours?

Chaque flottille a un «format opérationnel», c'est-à-dire un ensemble de qualifications tactiques ou techniques que doivent atteindre les pilotes et qu’ils doivent ensuite maintenir.

Concernant la base, un système d’alertes permet de rappeler à chaque individu dans les flottilles l’état de ses qualifications ou les stages qu’il doit effectuer. Nous établissons alors un programme de cours et des contenus qui répondent au mieux à ces besoins pour que chacun soit pleinement opérationnel.

L’activité de formation est-elle également projetable, comme l’est le groupe aérien embarqué?

Notre activité de formation est étroitement liée à l’activité du porte-avions. Cela reste exceptionnel, mais si des échéances de formations, de recyclages ou de rafraichissements se font jour alors que le Charles de Gaulle est en mer, nous pouvons être amenés à dispenser des cours à bord. C’est arrivé notamment pendant les opérations au large de la Libye.

SECTION DE TRANSFORMATION CHASSE

CF de la Rivière, commandant de la flottille 12F et de sa Section de Transformation Chasse

Quel est le rôle de la STC?

Notre rôle est de préparer des pilotes qui peuvent être à tout moment appelés à conduire des opérations depuis le porte-avions sous faible préavis. Cela implique de maintenir un niveau de qualification et d’entraînement qui permette de répondre au contrat opérationnel qui nous est fixé. La partie formation ne bénéficie pas de techniciens ni d’avions en propre mais s’intègre pleinement dans la vie des flottilles.

Formez-vous des pilotes ou également des marins?

Les pilotes sont avant tout des marins et des officiers. Ce sont des cadres dans leur flottille et la vie de flottille est calquée sur le modèle d’équipage. Dès la formation à l’escadrille 50 S, puis aux États-Unis dans la marine américaine où se poursuit leur formation, les pilotes évoluent dans un environnement marine. L’embarquement à bord du porte-avions est la suite logique et ne pose aucun problème de continuité.

Le compagnonnage semble très important au sein des flottilles…

Nous distinguons quatre niveaux: le jeune pilote ou pilote organique, le pilote opérationnel, le sous-chef de patrouille, le chef de patrouille. À chaque niveau correspondent des qualifications particulières et donc des responsabilités différentes au sein de la flottille. La flottille travaille «en meute», avec ses propres techniciens, son encadrement et ses pilotes. L’esprit de flottille, ce sont les pilotes plus expérimentés qui parrainent les plus jeunes. Tout le monde se tire vers le haut.

La transmission des savoirs aux plus jeunes est notre cœur de métier. Elle se fait notamment par les pilotes plus anciens, qui partagent leur expertise de l’avion, tout en maintenant leurs propres qualifications. Ce sont les heures de vols cumulées et les missions opérationnelles successives qui complètent la formation initiale.

Comment réussissez-vous à former à terre des pilotes qui devront embarquer à bord du porte-avions?

Les procédures particulières liées à l’embarquement sur porte-avions doivent être intégrées dès les vols depuis la BAN. Elles font donc l’objet d’un apprentissage particulier. Il s’agit d’un travail plus contraignant, puisque nous devons être capables de faire du «plug and play» avec le porte-avions. Tout est calqué sur ce qui se passe à bord: circuits et vitesse d’approche, procédures…

Le simulateur est-il dans ce sens un outil pertinent?

Le Rafale est un avion qui dispose d’un spectre très large de missions, elles doivent toutes être intégrées par les pilotes. Le passage par le simulateur permet de travailler ce vaste spectre de missions sans augmenter pour autant le nombre d’heures de vol en proportion, ce qui représenterait un coût certain.

Le simulateur et les heures de vol sont deux outils différents mais complémentaires. L’usage du simulateur permet un complément à la formation en vol. Par exemple, la gestion de pannes ou la mise en œuvre de l’armement est plus simple à mettre en œuvre depuis le simulateur que dans la réalité. Même chose pour la surveillance des réactions du pilote dans son cockpit, puisque le Rafale Marine est monoplace. En revanche, rien ne remplace les heures de vol réelles en termes de sensations ou de confrontation au réel.

Quelle est la plus grande force de vos élèves?

Les stagiaires STC ont des provenances diverses. Mais leur point commun est la motivation. Ils deviennent performants par acharnement au travail et grâce à l’entraînement.

ÉLÈVES STC

Un élève en Section transformation de chasse (STC)

Quel parcours avez-vous effectué avant d’arriver en formation STC sur la BAN?

Quelle que soit notre origine (école navale ou sur titres), nous avons tous reçu une formation de vol de deux ans aux États-Unis, dans le Mississippi. À la fin de cette période, nous réalisons dix appontages sur un porte-avions américain, avant de recevoir le macaron de pilote de chasse embarquée de l’US Navy. Nous rallions ensuite la BAN de Landivisiau, où nous nous entraînons au vol le temps d’acquérir l’ensemble des qualifications requises.

L’appontage simulé sur piste en est l’une des étapes ultimes avant l’embarquement…

L’appontage simulé sur piste va en effet bien plus loin que les vols classiques et se rapproche de la réalité du porte-avions. Gestion de l’activité, approches, procédures, miroir d’appontage… tout ce qui peut être transposé du porte-avions à la base de l’aéronautique navale l’est. Ces cinq semaines sont d’une grande intensité. Elles permettent de franchir la première étape pour être pilote sur le porte-avions: la qualification à l’appontage. Mais avant d’être opérationnel, il faudra encore 6 mois à 1 an.

APPONTAGE SIMULÉ SUR PISTE (ASSP)

LV Sébastien de V. officier appontage

Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est un appontage simulé sur piste?

Un ASSP a pour objectif de préparer les pilotes d’aéronefs à se poser sur le pont du porte-avions Charles de Gaulle, soit l’équivalent de la dimension d’un terrain de tennis.

Pourquoi cet apprentissage spécifique et comment se passe-t-il?

Pendant 5 semaines, avant de passer leurs qualifications à bord du porte-avions, les pilotes ne procèdent qu’à des vols ASSP. Le but est de diminuer les risques de cette opération. Il s’agit d’un exercice très spécifique, répété en sécurité grâce aux installations spécifiques de la base aéronavale.

La précision, les réflexes et les entraînements consécutifs sont tels que le pilote sera capable de s’adapter à un appontage sur le Charles de Gaulle. Aucun entraînement de ce type ne peut se faire à bord du porte-avions. La «présentation» d’un appareil sur le pont d’envol est toujours un exercice délicat avec ses implications en termes de sécurité des pilotes, mais aussi de l’équipage et des installations de cette plate-forme flottante, mouvante et réduite.

Quels sont les facteurs à prendre en compte pour le pilote lors d’un appontage?

Pour un appontage, le pilote doit prendre en compte trois facteurs: la vitesse, l’alignement sur la piste et la pente. Il doit sortir la crosse d’appontage en arrière de l’avion, et cette crosse doit saisir un des trois brins d’arrêt du porte-avions. C’est le câble associé à un dispositif de freinage hydraulique qui, une fois accroché à la crosse, stoppe l’aéronef.

Pour accrocher le brin d’arrêt, l’avion doit avoir une précision de toucher de plus ou moins 1m50 en latéral et plus ou moins 8m en longitudinal. Le pilote est guidé par un miroir d’appontage, un dispositif optique qui lui permet d’avoir une indication instantanée de sa position par rapport au plan idéal de descente.

Quel est le rôle des officiers d’appontage dans le cadre de cet entraînement?
En tant qu’officier d’appontage, nous sommes en place le long de la piste pour aider et évaluer les pilotes. Nous interagissons par radio et par signal optique avec le pilote. Nous lui donnons les instructions pour que l’avion s’aligne parfaitement dans l’axe de la piste et sur le plan de descente.

À la fin de chaque séance, les pilotes participent systématiquement à un débriefing individuel. Nous soulignons alors leurs défauts afin qu’ils puissent les corriger.

Après combien d’entraînements un pilote est-il qualifié?

La qualification ASSP, c’est un total de 12 à 16 vols, avec à chaque fois entre 6 et 8 présentations (soit plus d’une centaine au total). Le niveau de précision du pilotage est décuplé. Cet entrainement intensif particulier doit permettre au pilote d’atteindre la précision d’atterrissage maximale requise sur le Charles de Gaulle afin d’accrocher le brin d’arrêt. Ensuite, sur le porte-avions, il faudra que le pilote effectue six appontages pour être enfin qualifié. La qualification ne signifie pas que le pilote est  complètement opérationnel car ultérieurement il devra encore effectuer 25 à 30 appontages supplémentaires. En effet, les opérations sont conduites le plus souvent sans terrain de dégagement, c'est-à-dire que le retour sur le pont du porte-avions est incontournable, qu’il fasse beau ou non, que l’avion soit en panne ou non.

SIMULATEUR

MP Philippe B., instructeur simulateur Rafale

De quels simulateurs disposez-vous à Landivisiau?

À Landivisiau, nous disposons de deux cabines de simulation Rafale et d’une cabine de simulation Super Étendard Modernisé. À Saint Dizier, l’armée de l’Air dispose de quatre cabines avec lesquelles nous pouvons être connectées en réseau pour travailler différents scenarii tactiques. 

Qui sont vos élèves?

Nous accueillons à la fois les pilotes en section de transformation de chasse, les pilotes en «transformation» (passage de SEM à Rafale) et les pilotes plus expérimentés.

Et du côté des formateurs?

Les instructeurs simulateur ont différentes origines: mécaniciens, avionique, contrôleurs… Tous doivent bénéficier d’une bonne culture générale sur les avions et leurs missions.  Notre rôle consiste à décliner l’instruction permanente entraînement qui liste les missions opérationnelles auxquelles les pilotes seront confrontées: reconnaissance, guidage, défense anti-aérienne etc. Nous paramétrons différents éléments: l’environnement défense, l’armement de l’appareil, la météo, certaines pannes… avec un souci de réalisme permanent.

Quelles sont les avantages du simulateur?

Le simulateur permet de proposer de nombreux scénarii tactiques ou de procéder à la simulation de nombreuses pannes. Nous apprenons également en permanence au fil des missions que nous paramétrons et des échanges avec les pilotes à l’occasion des debriefings.

Mais rien ne remplace les vols. La part de réalisme qui manque encore au simulateur est complétée par l’expérience du tandem instructeur – chef de patrouille (pilote expérimenté), qui animent la formation en simulateur. Le pilote expérimenté apporte ainsi sa connaissance pratique de l’appareil et son retour d’expérience des missions opérationnelles.


Sources : © Marine nationale
Droits : Ministère des armées