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UN AUTRE REGARD

Mise à jour  : 21/05/2013 - Direction : SIRPA Marine

Grand voyageur, petit-fils de cap Hornier, homme de Lettres et écrivain de Marine, Olivier Frébourg est un observateur à l’œil exercé…

Un commandant, c’est à la fois un marin, un diplomate, un soldat et avant tout un humaniste. Autant de caractéristiques qui font la grandeur de la fonction. Il faut cependant un art et une maîtrise pour l’exercer. Ce qui n’empêche pas la Marine de disposer de jeunes commandants de qualité, parce que cette fonction hisse l’homme au delà de lui-même. Ainsi, tout marin est transfiguré par son commandement. Il suffit d’observer un jeune « pacha » : il est porté par sa fonction et doit faire preuve de caractère. La qualité d’un commandant n’est pas relative à l’âge mais à cette force d’âme supplémentaire qui crée la différence. Un commandant doit cultiver une extrême civilité vis-à-vis de l’équipage et de l’extérieur. C’est un homme d’ouverture. En ce sens c’est un personnage de la Renaissance. Il donne l’impulsion de vie et de combat à bord d’un bâtiment. A l’instar de ses glorieux aînés (je pense aux capitaines de Jehan Ango, le fondateur de la marine française) tout vrai commandant possède une âme de poète et d’aventurier. Cette dimension romanesque, épique nous rappelle la figure d’Ulysse qui, ne l’oublions pas, est aussi selon Homère, un homme astucieux. Elle seule permet d’échapper à la norme et au principe de précaution qui vitrifie notre société moderne. Aussi un commandant doit-il parfois savoir prendre des décisions non codifiées….

 Le commandant est une figure lumineuse qui doit faire face à l’ombre de l’imprévu. Cette aptitude lui donne du poids, de l’épaisseur, du mystère car, par essence, un commandant est la parole, l’incarnation de l’autorité. Il est également confronté à la solitude tout en étant relié à la communauté de son équipage. Un « pacha » est, de surcroît, sans cesse évalué par ses hommes, d’où une maitrise de soi impérative, un sang froid à toute épreuve. D’où également l’importance du verbe rare et de l’attention constante aux autres. Le commandant est donc à la fois un personnage de la mythologie grecque et un poète taoiste au milieu des hommes affairés : il livre l’oracle et délivre des trompeuses apparences.

 L’Ecole navale enseigne les fondamentaux du commandement, les embarquements les polissent. Mais le commandement est in fine une élégance naturelle. On ne commande pas un bâtiment le nez sur un GPS, ou un écran radar. Le commandant est bien sur un ingénieur qui doit accepter la dimension sacrée d’une fonction dont il est le dépositaire et le serviteur. Il est l’oracle d’un chœur antique. Il embrasse l’ensemble de son bâtiment et l’absolu imprévisible de la mer. Modestie, humilité et orgueil permettant d’anticiper, de prévoir et d’affronter les mauvais coups du destin. Il n’y a pas de commandant qui ne soit un héros aux pieds d’argile.


Sources : © Marine nationale
Droits : Ministère des armées