De quand date la prise en charge du stress post traumatique ?
Dans l’armée française, ce syndrome est connu depuis 1915, quand on a mis en place des hôpitaux neuro-psychiatriques au plus près du front. Ce qui a vraiment changé avec l’Afghanistan, c’est le volume d’hommes passé sur le terrain et l’augmentation du nombre de cas rencontrés. Mais le travail des psychiatres a toujours été de prendre en charge les militaires présentant ce type de syndrome.
Quels sont les traumatismes dont peuvent être victimes ces soldats ?
Il y a autant de syndromes psycho-traumatiques qu’il y a de patients. Cela va de l’état d’hyper-vigilance où le combattant n’arrive pas à revenir en mode « paix » et reste toujours sur le qui-vive, à des syndromes beaucoup plus lourds avec des cauchemars itératifs stéréotypés toutes les nuits et plusieurs fois par nuit qui peuvent conduire à une désinsertion sociale et un isolement personnel. C’est ce que le professeur Clervoy appelle le syndrome de Lazare.
Comment l’armée prend-elle en compte des traumatismes ?
Il y a le dispositif habituel, institutionnel, qui a toujours été là dans l’armée française : la visite médicale, une fois par an, qui est l’occasion pour le médecin du régiment d’interroger le soldat, de savoir comment ça va. C’est tout l’intérêt d’avoir des médecins en unités : ils connaissent les hommes et peuvent voir très rapidement ce qu’il se passe. Il y a aussi les interlocuteurs, les cadres de contact, qui peuvent détecter un traumatisme parce qu’eux aussi connaissent bien leurs hommes.
Et puis, depuis quelques années, on a mis en place le sas de décompression, cette interface permettant au soldat de retour d’Afghanistan, pendant 48 à 72h, de reprendre pied dans la réalité quotidienne et de passer du mode combat au mode « métropole » et « monde en paix ». Les combattants disent avoir l’impression que l’on prend en compte leur mission, c’est-à-dire que, quelque part, la France reconnaît qu’ils ont eu une mission difficile et cette reconnaissance prend la forme du sas. On leur offre cet espace pour pouvoir se reposer. Je pense que c’est très important pour un combattant, au-delà de tout ce que l’on pourrait mettre en place comme dispositif, l’impression d’être reconnu par la Nation.
Le rôle des familles est important aussi au retour. Il y a une sorte de préparation de la famille pour accueillir les soldats, qu’il faut laisser souffler encore quelques jours ?
C’est la grande nouveauté, cette prise en compte beaucoup plus importante des familles, et à tous les niveaux hiérarchiques. C’est le point où l’on péchait un peu, parce que – et c’est aussi culturel - la France avait plutôt l’habitude de séparer le monde du travail et le monde de la famille. Depuis une quinzaine d’année, il y a ce que l’on appelle la « cellule famille » qui est chargée de s’occuper de tous les petits problèmes, de soutenir les familles le plus isolées, de leur apporter des informations. On prend de plus en plus en compte ces familles, aussi pour les préparer, leur expliquer ce que va être le retour et permettre à nos combattants de pouvoir se réadapter plus facilement, plus rapidement, et de ne pas avoir tous ces petits ou grands accros au retour.