Le capitaine de corvette Georges-Antoine Florentin est l’actuel « pacha » de l’Aviso « Commandant Ducuing ».
«J’ai eu la chance de servir sous les ordres d’excellents commandants. Les quelques lignes qui suivent sont ainsi inspirées de mon expérience personnelle du commandement mais également de l’observation de mes aînés.
Depuis le 21 décembre dernier, l’aviso « Commandant Ducuing » occupe en permanence une partie de mes pensées. Polyvalents, les avisos sont de véritables « petites » frégates qui sont employés aussi bien pour assurer la protection de nos côtes que dans des missions de combat, comme ce fut le cas en Libye. L'aviso est, en outre, très adapté pour protéger une unité précieuse face à une menace asymétrique.
Fort d’un équipage de 90 marins vivant dans des postes «à l’ancienne», l’ambiance à bord y est familiale. L’ingéniosité est une nécessité pour faire fonctionner le bateau au quotidien. Je mesure la chance qui m’est donnée d’être le commandant heureux d’un équipage épanoui.
Commander à la mer est une aventure humaine hors du commun. D'abord parce qu'il est donné au commandant de porter les armes de la Nation, c’est-à-dire d’être prêt à employer la force mais également de savoir la maîtriser. Cette responsabilité, que je ne peux assumer sans l’aide de chacun de mes marins, est immense car il nous est demandé d'être prêts à faire face le moment venu. Ce jour-là, il nous faudra, à l'image du Commandant Ducuing, héros de la seconde guerre mondiale, nous tenir debout quand tout s'écroule et faire ainsi flotter haut notre pavillon.
Ensuite parce qu’il faut établir avec l’équipage une relation de confiance, ce qui demande un engagement sans faille de part et d’autre, et tous les jours renouvelé. Car le commandant et l’équipage sont « coresponsables » de ce que nous appelons « l’esprit d’équipage ».
Celui-ci permet de relever tous les défis. L’entretenir relève de l’alchimie. Pour le commandant, cela demande de prêter une très grande attention à chacun de ses marins, d’être soi-même et d’avoir une certaine liberté d’esprit.
Pour l’équipage, je livre trois clefs : « Vérité » car il ne peut y avoir, en mer, de place au mensonge, c’est un milieu trop dangereux. « Service » car il fonde l’autorité. « Responsabilité », car un commandant tout seul ne peut rien, chacun à bord doit remplir sa mission pour que puisse s’appliquer le principe de subsidiarité.
Enfin, parce que le commandant, en cherchant à faire grandir ses subordonnés, s’édifie lui-même. Il lui faut apprendre à faire preuve de mesure pour être exigeant sans décourager, directif sans brider l’initiative, bienveillant sans mollir quand il faut sanctionner. Patience, capacité d’écoute, délicatesse et humilité sont des qualités qu’il faut développer de façon à connaître chacun pour renforcer la chaîne que forme l’équipage là où elle est le moins solide.
Commander à la mer c’est faire vivre ensemble, dans un univers hostile, des gens qui ne sont pas identiques et adapter son action pour fédérer les énergies, avec pour seul objectif : vaincre. Une chose est sûre, sans enthousiasme, cela ne fonctionne pas.
Une anecdote ? Avarie de la console radar en passerelle, le diagnostic est sans appel, nous n’avons pas la pièce de rechange. Sans l’ingéniosité de mes marins, cela sonnait le retour à Toulon. Deux heures plus tard, nous naviguions avec un radar fait d’un écran d’ordinateur, surmonté d’un plexiglas pour calculer les CPA au crayon gras et recouvert d’un sac poubelle rouge pour atténuer la luminosité la nuit… Vingt-quatre heures après l’avarie, nous étions d’alerte pour intercepter un bateau. Force morale et innovation à tous les niveaux permettent d’apporter des solutions à nos chefs»
Sources : © Marine nationale
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