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«Entretenir la connexion entre la terre et la mer»

Mise à jour  : 06/04/2012 - Direction : SIRPA Marine

Le vice-amiral d'escadre Bruno Nielly, préfet maritime de la Manche, mer du Nord, fait le point sur ses fonctions et les enjeux actuels pour la PREMAR.

Comment mieux comprendre la fonction si particulière de préfet maritime en France ?

Deux faits importants permettent de mieux comprendre la nature de la fonction de préfet maritime. Depuis les temps immémoriaux, les hommes se sont engagés en mer pour pêcher ou pour favoriser les échanges commerciaux. La mer relie les hommes. Il existe par conséquent un réel besoin de connexion et de communication entre les mondes terrestre et maritime. Une grande partie de la fonction consiste à entretenir cette connexion entre la terre et la mer. L'autre fait important est l'épuisement progressif des ressources de la terre. Avec la nécessité de s'éloigner de tout hydrocarbures, un secteur d'activité nouveau vient d'éclore : chercher en mer des énergies nouvelles. En mer, de nombreuses ressources restent encore inexploitées. Il existe donc une demande forte des gens de la terre vers les gens de la mer.

Comment se passent les relations avec les autorités terrestres qui participent à l'action de l'État en mer ?

La différence d'approche et de culture peut induire une difficulté de communication. Cependant, il existe une communauté d'objectifs. S'il n'y avait pas cette différence essentielle d'approche, on aurait moins besoin de préfets maritimes pour assurer les relations entre le monde maritime et les administrations de l'État à terre. C'est un processus long, il faut prendre le temps d'établir le lien entre les marins et les terriens, des populations qui ont des intérêts très souvent divergents. C'est un vrai travail de dialogue à établir. Le préfet maritime se doit d'être à la fois un médiateur, un facilitateur et un pédagogue. Il est indispensable que le préfet maritime dispose d'une culture maritime forte.

L'expérience de la mer est donc votre cœur de métier ?

Etre préfet maritime et un métier de marin, un métier qui demande d'avoir travaillé à bord des bateaux à la mer. Tout officier de quart s'est fait peur un jour. Avoir été responsable en mer, c'est ce qui permet de garder les pieds sur terre, ce qui donne la juste perception de la réalité du danger de la mer. Un préfet maritime me confiait récemment qu'il avait une expérience solide du maintien de l'ordre public mais qu'il se sentirait peu à l'aise dans le domaine de l'action de l'État en mer. Une culture différente demande des hommes différents. Dans son esprit, avoir un marin comme préfet maritime s'imposait comme une évidence.

Quelles sont les qualités requises pour faire un bon préfet maritime ?

Le marin vit sur ce qui relie les hommes, il y accumule des expériences et doit ensuite faire preuve d'une bonne capacité à expliquer pour faire vivre le lien terre-mer. La première qualité que vous apprend la Marine, c'est l'humilité, la capacité à se remettre en cause. Une carrière dans la Marine fait rapidement passer des sommets à l'oubli. Les préfets civils ont leur propre et très riche expérience, leur propre formation qui leur permet de connaître parfaitement les rouages de l'État. Le préfet maritime est pour sa part attendu comme le spécialiste de la mer mais restant capable de se remettre en cause. En plus de l'expérience maritime que je viens de détailler, être préfet maritime demande une formation humaine plus que politique. Emission ou réception, je dois être en mesure de communiquer avec mes semblables. Le marin possède la même langue, mais pas le même langage que le terrien. Il faut ainsi être capable de donner du sens politique à ce qui se vit en mer.

Le préfet maritime est également garant du lien avec les pays voisins.

La Manche et la mer du Nord sont la fin de l'autoroute maritime entre l'Asie et les pays du Nord. Avec nos voisins, nous sommes tout naturellement partenaires. Les modalités de cette coopération avec les Britanniques sont définies dans le Manche-Plan auquel sont associés les Belges, les Irlandais et les États anglo-normands. L'actualisation de cet accord est prévue pour la fin du premier semestre 2012.

Quelles difficultés particulières devez-vous surmonter au quotidien ?

Il n'y a pas de vie permanente en mer, pas de société vivant en mer, mais une société vivant de la mer. La pêche est l'activité la plus ancienne, le trafic commercial également. Au fil des années se sont ajoutées l'activité industrielle, avec entre autres l'extraction de granulats marins, la recherche en sous-sol, l'exploitation des énergies marines renouvelables, la protection de la biodiversité. Sur tous ces sujets, nous sommes en étroite relation avec les administrations civiles terrestres. La division action de l'État en mer de la préfecture maritime doit gérer à effectifs constants de nombreux déplacements et de nombreux échanges sur ces dossiers particulièrement chronophages. La terre regarde de plus en plus vers la mer, donc le nombre de missions tend à augmenter. Malheureusement, le personnel pour mener à bien ces missions ne suit pas la même courbe. Il faut don cultiver la polyvalence.

Propos recueillis par LV Colomban Errard


Sources : © Marine nationale
Droits : Ministère des armées