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« UN PROCESSUS EXIGEANT »

Mise à jour  : 03/05/2013 - Direction : SIRPA Marine

Chef d’état-major de la Marine depuis septembre 2011, l’Amiral Bernard Rogel a auparavant occupé différents postes à hautes responsabilités dans la Marine, à l’état-major des armées et à la Présidence de la République. À la mer, il a notamment commandé les sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) Casabianca (équipage bleu) et Saphir (équipage rouge) ainsi que le sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) l'Inflexible (équipage bleu). Pour ce dossier, nous lui avons demandé comment, et sur quels critères, il sélectionne ses commandants. 

«La réponse à cette question est difficile à résumer en quelques mots tant leur sélection  est individualisée. Aucun commandant ne se ressemble, et c’est heureux ! Il y a cependant, de fait, certains critères qui sont déterminants. S’interroger sur les qualités d’un commandant potentiel, c’est tout d’abord se demander quels résultats on attend de son action et donc de son unité. Vaincre au combat, être prêt à s’adapter à tout type de mission, faire durer à la mer les marins comme leur matériel, encadrer son équipage et le pousser au meilleur de lui-même, faire connaître la Marine en France et représenter la France dans le monde : les tâches sont multiples et le commandant est au centre des chaînes opérationnelles comme organiques. Il peut même avoir un rôle stratégique du fait de la médiatisation désormais immédiate et planétaire de tout évènement dans lequel son unité peut être impliquée.  

En découlent les qualités que je privilégie dans la sélection. Les premières d’entre elles sont les valeurs morales : la loyauté, l’humilité, le sens du bien commun, l’honnêteté. Le commandant a des responsabilités très fortes au combat et dans l’usage des armes, bien sûr, mais également vis-à-vis de son équipage. En mer, isolé de ses supérieurs hiérarchiques, il détermine par son attitude celle de l’ensemble du bord.

Viennent ensuite les qualités humaines : le charisme, la volonté, la ténacité, l’enthousiasme. Nous avons besoin de commandants qui gagnent. Nous avons besoin de commandants qui ne renoncent jamais. Parmi les qualités humaines, citons aussi celles qui concernent l’écoute et le dialogue. Un bâtiment est un lieu confiné et isolé où les relations humaines prennent une dimension particulière. Commander suppose l’adhésion intellectuelle, surtout lorsque l’on touche à la mort, celle donnée ou celle que l’on risque. S’il doit centraliser les décisions, il doit aussi être capable de largement déléguer à ses subordonnés pour leur laisser la part de responsabilité qui leur revient.

Enfin,  je porte bien sûr une grande attention aux qualités intellectuelles : la compétence technique, la rigueur, mais également la hauteur de vue, l’inventivité, la culture générale. Pour vaincre, il faut pouvoir s’appuyer sur des connaissances solides, mais surtout avoir plus de génie que l’adversaire. Il ne s’agit pas seulement d’être bon, il s’agit d’être meilleur que l’autre.

Il faut aussi être capable d’innover, de s’adapter aux situations et surtout de ne pas confondre conservatisme et respect des traditions. Les militaires doivent absolument vivre au rythme du monde qui les entoure et ne peuvent s’isoler dans une contemplation intérieure stérile.

Un commandant n’est pas un surhomme, mais il doit être un homme ou une femme d’exception, en raison des énormes responsabilités qui vont peser sur ses épaules. Il doit connaître ses forces mais aussi ses faiblesses, ainsi que celles de son équipage.

Lorsque je propose au Ministre la liste des commandants sélectionnés, je m’engage personnellement et par écrit sur leur aptitude. Leur sélection est donc un processus particulièrement exigeant qui demande un investissement conséquent mais absolument nécessaire du chef d’état-major de la Marine»


Sources : © Marine nationale
Droits : Ministère des armées