Infirmier militaire, Sylvain Favière a souffert d’ESPT à son retour de mission de six mois en Afghanistan. De cette expérience, il a écrit un livre-témoignage « Ma blessure de guerre invisible », (éditions Esprit com’) pour lever les tabous et briser le silence. Avec son aimable autorisation voici quelques extraits sur l’épreuve qu’il a traversée.
« Tout dérapait lorsqu’une habitude, une règle était égratignée. Je partais alors dans une colère noire, mes mots dépassant parfois mes pensées. Mon épouse se trouvait la plupart du temps dans la stupéfaction, ne comprenant pas les raisons de mon emportement exagéré. Toujours forte, elle tentait bien de me calmer, de me raisonner, mais j’étais dans ma bulle. Elle était très diplomate et avait toujours le sens des mots pour arranger les situations. La pression retombait alors. Mais au fond de moi, cela bouillait toujours un peu, quelque part.
Lorsque de la famille proche passait des vacances dans notre maison, j’avais la sensation d’être envahi. Mon espace vital était réduit. La violation de cet espace était pour moi interdite. J’avais durant six mois, lutté contre les tentatives des talibans de pénétrer dans nos campements, ce n’était pas pour subir les assauts de la famille. Je ne supportais pas de succomber aux caprices des enfants. Je refusais de prêter mes affaires. Je possédais, je voulais garder. Là encore, mon épouse devait faire preuve de tact et user de stratagèmes pour ne pas dévoiler mon mal-être. A force d’user ses nerfs, elle allait me tirer une sonnette d’alarme, me demandant de faire quelque chose, de me reprendre. Il fallait impérativement que je corrige ces problèmes d’humeur avant de détruire ma famille. »
« Les envie de pleurer étaient devenues une habitude. Elles faisaient partie de mon quotidien. Au travail, avec l’activité, je n’y étais pas vraiment sujet. Par contre à la maison, c’était chaque jour. Je mettais encore cela sur le compte de la fatigue. Je m’y accommodais comme je le pouvais. Je me cachais tout le temps lorsque les larmes me montaient aux yeux. Je ne voulais pas montrer à mon épouse que je pleurais, ou même que j’en avais envie. En Afghanistan, j’avais été vulnérable une fois, lorsqu’un IED nous avait été destiné mais avait frappé d’autres camarades. Je m’étais demandé ce que je faisais dans ce pays qui n’était pas le mien, loin de mes proches. Et là, je me retrouvais dans mon canapé à éprouver les mêmes émotions. Ce n’était pas normal. »
« J’étais avec Bull et Sam. Nous étions accrochés par des ennemis dont je distinguais les regards derrière leurs foulards. Nous faisions usage de nos armes. C’était un combat dans les règles, comme si j’en avais l’habitude. Puis une détonation de fusil Kalachnikov se fait plus précise. Le tir m’est destiné. La balle me frappe en plein gilet pare-balles. Quand j’ouvre les yeux, je suis assis dans mon lit, le buste vertical. J’ai le cœur qui bat à en sortir de ma poitrine. J’ai quelques sueurs sur le front. Il fait nuit noire. J’entends le souffle lent de mon épouse qui dort à profondément. C’est un mauvais rêve. »
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