Médecin responsable d’antenne au sein de l’antenne médicale de Gap, le médecin en chef Benoit témoigne de ses missions en tant que médecin d’expédition. Il partage sa passion et les défis liés à ses fonctions exercées en conditions extrêmes.
Quel est votre parcours ?
Je suis entré à l’école du service de santé des armées de Lyon en 1997. Originaire de l’Isère, j’ai développé une passion pour la montagne pendant mes études de médecine. J’ai notamment effectué mon stage de médecine générale à l’école militaire de haute montagne à Chamonix. En sortie d’école, en 2006, j’ai été affecté à Gap au soutien du 4e régiment de chasseurs, unité de la 27e brigade d’infanterie de montagne. J’ai effectué trois OPEX tout en suivant les formations militaires « montagne » allant de l’autonomie individuelle jusqu’à l’encadrement (chef de détachement haute montagne). Il y a quelques mois, je suis revenu à Gap, en qualité de médecin responsable d’antenne par suppléance.
Quel est le rôle du médecin d’expédition ?
La médecine d’expédition est un soutien médical de proximité pour un effectif de petite taille (5 à 20 personnes) prenant en compte les contraintes et les risques spécifiques de l’environnement parcouru. La conception globale du soutien répond aux mêmes problématiques que les autres missions du SSA : évaluation des risques, logistique, modalités d’évacuation.
La particularité réside dans l’organisation de bout en bout du soutien par le professionnel de santé désigné. Pour les expéditions effectuées, au profit des armées, les pathologies spécifiques anticipées étaient liées au froid, à l’altitude et à la traumatologie.
La responsabilité est grande du fait de l’isolement géographique et décisionnel, même si les moyens de communications s’améliorent d’année en année. Le point essentiel pour tout détachement de petite taille est celui des relations humaines avec la construction d’un lien de confiance réciproque bien avant le départ en mission.
Le médecin d’expédition est le plus souvent le seul professionnel de santé au sein d’un groupe d’experts du milieu. Il est la seule référence du fait de l’isolement. Il participe à la construction du cocon, du lieu de sécurité que doit être un camp de base. La qualité de l’acclimatation et la bonne remédiation des petits problèmes du quotidien participeront à la réussite de l’ascension entreprise.
Combien d’expéditions avez-vous soutenues et quelles étaient leurs particularités ?
J’ai médicalisé cinq expéditions entre 2012 et 2018 : quatre en Himalaya (notamment Inde, Chine, Népal) et une au Canada en zone polaire. Il s’agissait, à chaque fois, d’expéditions d’alpinisme dont l’objectif était une ascension de très haut niveau d’un sommet parfois vierge (« une première »). Toutes ces missions se sont réalisées dans des zones désertiques peu ou pas du tout fréquentées.
La première mission s’est faite de façon inopinée, il s’agissait de ma première confrontation au long cours à la très haute altitude (plus de 5000 m). La pression était très forte avec l’appréhension de ne pas être à la hauteur notamment en terme d’adaptation à l’altitude. Le médecin accompagne l’acclimatation des autres alors qu’il subit lui-même les symptômes du mal aigu des montagnes (céphalées, troubles du sommeil).
L’expédition de 2014 avait pour objectif l’ascension du Shishapangma (sommet chinois de plus de 8000 m d’altitude). Il s’agissait d’une expédition particulièrement exigeante physiquement et techniquement. En lien avec l’IRBA, nous avions mené un protocole expérimental visant à décrire les troubles de la mémoire et de l’attention en altitude.
Toutes les expéditions revêtent une part d’expérimentation ou d’innovation au travers du matériel emporté (outils de télémédecine, ampoulier chauffant…) ou des protocoles de prise en charge envisagés.
Quels sont les éléments clés pour une préparation optimale avant ce type d’expédition ?
Les éléments clés de la préparation sont une évaluation préalable de la mission et une bonne connaissance du groupe qui nous accompagne.
L’évaluation de la mission avec le chef d’expédition consiste à bien comprendre l’objectif et la chronologie, ainsi que les contraintes logistiques. Le médecin effectue ensuite des recherches sur les moyens d’évacuation et les structures médicales sur place.
La connaissance du groupe passe par des moments de vie partagés (préparation physique, séances d’éducation médicale) et également par une mise en condition opérationnelle classique (visite médicale avant départ, constitution de trousses de secours individuelles…).
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