En 2017, la Marine nationale accueillera le Suffren, premier sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) issu du programme Barracuda. Jusqu’en 2030, la flotte actuelle de SNA sera progressivement renouvelée dans le but de répondre au mieux aux nouveaux enjeux stratégiques.
Pour les novices, la différence peut paraître minime. La carapace du sous-marin sera toujours noire et il restera de forme cylindrique car les lois de la physique sont immuables. Mais pour tous ceux qui connaissent a minima les secrets des opérations sous-marines, aucun doute, ce type de SNA fera la différence. Les SNA actuels, de première génération, qui arment la flotte française, ont été conçus dans les années 1970. Au-delà de leur remplacement pour cause de péremption programmée, il s’agit de répondre au mieux aux missions inscrites dans les livres blancs successifs.
Pour défendre au mieux ses intérêts nationaux, la France doit projeter ses forces toujours plus loin. Or, ce SNA de nouvelle génération pourra aller plus loin, plus longtemps et plus vite.
Cette amélioration de la composante SNA repose sur trois piliers d’excellence que les constructeurs ont développés de concert avec la Marine nationale, la Direction générale de l’armement et le Commissariat à l’énergie atomique.
Discrétion et don d’ubiquité
Caché de ses adversaires, le SNA de type Suffren sera beaucoup plus discret que son « aîné ». Il bénéficiera des dernières avancées développées notamment pour les sous-marins nucléaires lanceurs d’engin (SNLE) de type Le Triomphant.
De nouvelles techniques éviteront tout rayonnement de bruits, un système de propulsion hybride, ingénieux mariage entre turbines vapeur et moteurs électriques, permettra de disposer de plusieurs plages de vitesse optimales. En opérations, ce nouveau SNA pourra se déployer et « chasser » à des vitesses élevées tout en restant silencieux.
Dans le même temps, ses capacités d’écoutes et de classification seront optimisées grâce à de nouvelles antennes de détection acoustiques, adaptées à un système de combat optimisé.
Autonomie et redondance
L’autonomie du sous-marin est une condition sine qua non pour la réussite des missions. Une capacité accrue de stockage des vivres en est une parmi d’autres. Elle permettra à l’équipage du SNA type Suffren de vivre en complète autarcie pendant de longues périodes opérationnelles (70 à 90 jours contre 45 à 60 jours à bord des SNA type Rubis).
En outre, la redondance des installations vitales a été accrue par rapport à celle de son prédécesseur. Cette qualité, essentielle à la navigation sous-marine, permet, en cas d’avarie d’une partie d’un système (système propulsif, usine électrique, système de combat ou de navigation, …), de disposer de solutions alternatives pour durer à la mer. Une bonne redondance constitue la capacité clef pour conjuguer permanence opérationnelle et sécurité.
Il était d’autre part exclu que modernité s’accompagne de fragilité. L’accent a donc été mis sur la robustesse des capteurs et des équipements. Cela a également permis de regrouper les périodes de maintenance traditionnellement trimestrielles en un seul arrêt technique annuel. L’objectif pour le SNA est de rester opérationnel de façon continue, dans les zones de déploiement lointaines et ce, quelles que soient les conditions.
Attaque et fulgurance
Le Suffren, tout premier né du programme Barracuda disposera de nouvelles torpilles filoguidées et de missiles antinavires modernisés. Ce type d’armements actuellement utilisé sur SNA de classe Rubis sera enrichi d’une nouvelle arme à effet stratégique : le missile de croisière naval (MDCN). Ce dernier permettra en toute discrétion d’atteindre précisément une cible terrestre localisée à plusieurs centaines de kilomètres. Elle offrira une véritable capacité stratégique, pouvant être mise en œuvre en opération « précurseur » ou en coopération directe avec un groupe aéronaval, si nécessaire au plus près de la zone de conflit.
La capacité de projection de forces spéciales sera enfin largement étendue, en particulier grâce au hangar de pont sous-marin. Cet équipement amovible pourra être «accroché» au sous-marin et ainsi faire du SNA type Suffren une base arrière discrète pour les opérations spéciales et même en coalition.
État des lieux
Le Suffren en cours de construction à Cherbourg. Photo prise le 25 juin 2013
Actuellement, les travaux de production concernent les trois premiers sous-marins de la série : le Suffren, le Duguay-Trouin et le Tourville. Le Suffren, qui sera livré en 2017, est le plus avancé : la coque résistante (extérieure) est terminée, les modules entrent en phase de tests et de qualifications avant d’être intégrés dans le sous-marin. La période d’essais à la mer est programmée en 2016.
Dans le même temps, la Marine nationale prépare ses équipages à la prise en main d’un sous-marin moderne avec un certain nombre d’innovations techniques: forte automatisation, appareil à gouverner avec des barres en croix en forme de X. Dans le cadre de la formation du futur équipage composé de 60 marins, onze sous-mariniers sont déjà en phase d’appropriation aux installations du Suffren. Ils seront une trentaine à l’été 2014. Ils apportent ainsi leur expertise d’exploitants, participent à la rédaction des consignes d’exploitation et se forment à la conduite pratique des installations, mises en route notamment dans les plateformes industrielles d’intégration des différents systèmes. Le SNA de type Suffren est un condensé de technologies. Conduit par un équipage entraîné, il deviendra une des pièces maîtresses de notre Marine.
«Barracuda» a été choisi en 1998 comme nom du programme des futurs SNA. Il tient son nom du célèbre carnassier qui vit près des côtes et dans les eaux plus profondes. Ce grand chasseur marin possède une mâchoire puissante pour déchiqueter ses victimes prises par surprise. Le premier SNA issu du programme Barracuda sera appelé Suffren, les suivants porteront les noms de Duguay-Trouin, Tourville, Dupetit-Thouars, Duquesne et De Grasse.
Une nécessaire adaptation des infrastructures portuaires à Brest et à Toulon :
L’arrivée d’une telle génération de sous-marin nucléaire exige une adaptation des infrastructures des ports d’accueil pour en assurer le soutien et le maintien en condition opérationnelle. Le service d’infrastructures de la défense (SID) assure par délégation de la marine la maîtrise d’ouvrage de ce projet à travers le programme accueil et Soutien Barracuda. Les phases d’études et d’avant-projet arrivent en phase terminale, les premiers travaux seront visibles dans les ports de Brest et Toulon dès 2014.
L’école de navigation sous marine (ENSM/BPN de Toulon) va également être agrandie pour accueillir dès l’été 2015 six simulateurs de formation et d’entraînement des équipages de SNA de type Suffren.
Sources : © Marine nationale
Droits : Ministère des armées