Malgré l’automatisation grandissante, les «mécanos» sont garant de la mise en œuvre des machines et systèmes associés. Ils participent pleinement à la mission opérationnelle. Au cœur du CMT la Croix du Sud, les mécaniciens du bord prennent autant part à l'appareillage qu'à la préparation.
À bord, tout est calme et le jour n'est pas encore levé. Dans le PC Navire, le matelot Anthony Le Breton est opérationnel. Il est seul à prendre en charge le quart et se prépare à descendre en machines pour effectuer sa ronde de 6h00. Lorsque le chasseur de mines est au mouillage, le secteur machine fonctionne au ralenti: «Mais cela ne nous empêche pas d'être vigilant, bien au contraire.» précise le marin. Il attrape une tablette, un marqueur et s'engouffre par un panneau étanche. Le groupe électrogène est en fonction pour fournir l'électricité nécessaire au bâtiment. Casque anti-bruit sur les oreilles, le MoT Le Breton est très concentré: «Il ne faut rien oublier lors de cette tournée.»
Il s'attarde sur certaines jauges reprenant trois fois ses mesures. «Je veux être sûr.» Il vérifie également les installations électriques car le temps du mouillage, il endosse les rôles de mécanicien et d'électricien. Les indicateurs de niveaux d'huile et de pression relevés, le matelot remonte au PC Navire pour rendre compte. Très souvent le «chef», c'est-à-dire le comandant adjoint navire, est dans les parages pour entendre les dernières informations venues d'en-bas. «Les rondiers sont les premiers à sentir les machines, nous devons leur faire confiance car nous ne pouvons pas deviner les dysfonctionnements éventuels.» explique le Major Jean-Jacques Dumont.
Derrière la coque en résine, les machines valent le détour ! Pour le Major Dumont : « c'est une chance de toucher aux technologies du CMT. » Le moteur de propulsion s'accompagne de trois turbines à gaz (TAG) : modèle identique à certains types d’hélicoptères. Pour éviter toute nuisance sonore lors d'opérations de chasse aux mines les TAG, ont été installées en hauteur, au-dessus de la ligne de flottaison. Ces dernières exigent des visites de contrôles plus fréquentes que sur le moteur de propulsion. Autre particularité du bâtiment : ses deux propulseurs d'étraves. Situés à l'avant du navire, dans la coque, ces deux bijoux permettent au bâtiment d'effectuer, sans difficulté aucune une rotation à 360 ° en restant en auto position.
Interview du major Dumont |
Le major Dumont comme tout chef d’équipe a une idée bien dessinée de ce qu’est un «bon mécano». |
Retour dans le PC Navire, quelque peu étriqué, où le Comanav[1]réuni son équipe. Petit briefing à propos de l'exercice de lutte contre le feu prévu avant l'appareillage. Attentifs, ils écoutent le scénario. C'est le matelot Le Breton qui découvre le feu factice dans le local barre. Au PC Navire, on est vigilant à toutes nouvelles annonces: «voie d'eau» «un blessé» ... Les autres mécaniciens et électriciens sont en soutien pour combattre le feu. Feu éteint, blessé évacué, l'équipage est regroupé sur la plate-forme le temps du débriefing: «Le Breton, tu dois communiquer plus vite. Ne perds pas de temps à aider les autres dans la coursive. Plus vite tu rends compte et plus vite je peux proposer une solution au commandant.» Malgré les critiques, le chef félicite d'une tape dans le dos le jeune marin.
[1]Commandant adjoint navire
Le bâtiment mouille depuis quelques heures. Il est temps de se dégourdir les turbines. Lors de l'appareillage, chacun son rôle. L’officier de quart «navire» prend toute son importance en étant le relais entre les ordres provenant de la passerelle et les hommes situés en machine. Mettre en branle ces mécanismes, même sur un chasseur de mines, est un travail de chef d'orchestre: «Nous sommes à 300% aux ordres de la passerelle. Nous n'avons pas le droit de dire «manœuvre impossible» pour tel ou tel souci technique» explique le maître Sébastien Cornec. Le bâtiment navigue depuis peu et déjà en machine on commence à s'activer. Le prochain exercice est délicat et c'est une première pour la majorité de l'équipage : il s'agit de remorquer un autre CMT. Les machines tourneront plein régime.
Depuis le PC Navire, l’officier de quart Navire doit faire attention à l’alimentation en électricité accessible à bord pour effectuer les manœuvres. |
Lors de manœuvres délicates, les caméras installées dans les machines permettent de contrôler certains indicateurs directement depuis le PC Navire |
En passerelle, les ordres donnés doivent être réalisables et surtout cohérents avec les capacités mécaniques. «Les marins de spécialité opérationnelle sont complètement liées à notre activité,» rappelle le Major Dumont «c'est pourquoi ils inscrivent dans le programme d’activités les manœuvres spécifiques à la mobilité du bâtiment sans qu'on le leur rappelle.» Le chef évoque par exemple le «décrassage» du moteur. Une heure durant, le bâtiment va brûler les résidus de combustion interne.
Les exercices s'enchaînent et l'après-midi le bâtiment s'entraîne pour la chasse aux mines. En machine on arrête le moteur principal et on passe sur les TAG plus discrètes. La journée passe très vite pour tout le monde et il est plus de 23h00 quand le bâtiment mouille près des côtes bretonnes. Le matelot Le Breton s'éclipse dans son poste. Il profite de ces quelques heures de sommeil car après il redescendra au cœur des machines.
Une semaine durant, quatre chasseurs de mines tripartites (CMT) dont la Croix du Sud ont enchaîné différentes manœuvres et exercices pour préparer au mieux l’équipage. Retrouvez en images l’entraînement Morskoul.
Un travail de dentellière
Les TAG nécessitent un entretien très régulier. Ainsi, toutes les cent heures le Maître Yoann Henriquez, responsable de ce secteur, débouche les micros conduits qui vaporisent le carburant dans la turbine à gaz. Le travail se fait à quai pour éviter de casser le foret à l'intérieure de la machine. « Cela obligerait de débarquer la TAG pour être remplacée. » La tâche se fait à la main et peut prendre plusieurs heures. L'impatience du mécanicien et un geste un peu brusque peuvent bloquer la mécanique et du même coup freiner la mission opérationnelle du bateau. Le maître Henriquez se félicite : « Je n'en ai jamais cassés ! » Il a l'air confiant même si des yeux il cherche un morceau de bois.
Déboucher un trou peut prendre entre cinq minutes et une demi-heure. A raison de huit trous par TAG, le mécanicien doit s’armer de patience.
Être le plus bleu possible Tous les lundi le même rituel, et toujours la même recherche : essayer d'avoir toutes les installations du bâtiment opérationnelles. Le Commandant adjoint du navire (Comanav) rempli donc un formulaire très détaillé qu'il envoie à l'état-major commandant la force d'action navale (Alfan). En fonction des cases cochées, Alfan établira une couleur pour chaque bâtiment. Lorsque celui-ci est bleu on considère qu'il est complètement opérationnel |
Sources : Marine nationale
Droits : Ministère des armées