Les trente prochaines années seront le théâtre d’importants changements démographiques, susceptibles d’accroître les risques de tensions et de crises à travers le monde. Flux migratoires, urbanisation croissante de la planète, pression sur les ressources naturelles (eau, énergie, ressources alimentaires), vieillissement de la population pourraient en effet venir nourrir les conflits de demain et modifier le format comme les missions des forces armées françaises.
La forte croissance démographique de l’Afrique subsaharienne pourrait multiplier le nombre de migrants à destination du continent européen, perçu comme un pôle de stabilité et de prospérité. Dans un éventuel contexte de crise migratoire, les forces armées pourraient être sollicitées pour renforcer leur contribution à la surveillance des frontières et sécuriser des points sensibles.
La croissance continue de la population urbaine pose la question de l’adaptation des forces armées (quel type de matériel, quelle doctrine d’emploi) à de nouveaux théâtres d’opération. Un engagement armé au sein d’une mégapole de plusieurs dizaines de millions d’habitants pourrait ainsi conduire à des manœuvres de contournement, plutôt que d’engagement.
Le développement et la densification des foyers de peuplement vont peser sur les ressources naturelles. Les 2/5e de l’humanité vivant le long de rivières et de lacs partagés par au moins deux pays, la gestion de l’eau sera un enjeu important de développement, de coopération, voire même de confrontation. La production alimentaire devra en outre doubler pour faire face à la croissance des besoins de la population mondiale. L’anticipation des risques de pénurie pourrait dessiner une nouvelle géographie des partenariats stratégiques, entre grandes puissances agricoles par exemple.
Le vieillissement de la population devrait enfin peser sur la capacité de recrutement des forces armées. La raréfaction de la ressource humaine soulèvera la question de notre niveau d’engagement militaire en cas de crises simultanées.
Dans un souci de préservation de la paix, le ministère des Armées est ainsi directement concerné par l’étude des implications géostratégiques des transformations démographiques en cours et à venir. Dans le cadre de ses travaux de prospective, la DGRIS développe actuellement une expertise en matière de géopolitique des populations. Elle servira à alimenter la réactualisation du rapport de prospective « Horizons stratégiques » ainsi que les travaux de long terme menés par le service des questions régionales de la DGRIS. L’analyse des données inscrites dans la démographie doit, au final, contribuer au renouveau de la pensée stratégique pour les décennies à venir.