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L’Influence française à Bruxelles : un champ à cultiver

Mise à jour  : 17/09/2010 - Auteur : Sous la direction de Frédéric Charillon et Frédéric Ramel - Direction : DICoD

Si l’influence française se renforce dans les sphères européennes, elle n’est pas acquise et doit être cultivée. Acteurs et experts français de la sécurité et de la défense doivent se familiariser avec les lieux de pouvoirs européens de leur domaine.

AVERTISSEMENT : Les opinions émises dans ce document d’engagent que leurs auteurs. Elles ne constituent en aucune manière une position officielle du ministère de la défense ni institutionnelle.

La France reste un acteur important à bruxelles. L’Histoire, son poids politique, culturel, diplomatique, militaire, démographique et économique, lui ont conféré une place centrale. L’actualité l’a confirmée : avec la présidence française de l'Union Européenne du second semestre 2008, les nominations qui ont accompagné la nouvelle architecture européenne fin 2009, et son retour dans le commandement intégré de l’Alliance atlantique, la France intéresse, et l’étude de sa politique étrangère comme de sa défense redevient à la mode dans les circuits d’experts internationaux. L’apparition puis le renforcement, au fil des dernières années, de militaires aux côtés des diplomates, a encore renforcé cette influente présence française 1.Pour autant, sa position n’est jamais acquise. Et l’influence se cultive. Très clairement, les règles de fonctionnement explicites et implicites de l'Union à 27 comme de l’OTAN à 28, se jouent sur un mode qui n’est pas familier à l'administration hexagonale, ni même, peut-être, à son tissu d’experts.

Des adaptations sont donc nécessaires. Nous avons identifié ici cinq grands domaines en la matière, et avancé quelques suggestions, issues le plus souvent des analyses livrées par les acteurs concernés eux-mêmes. Certaines évolutions nécessitent de simples ajustements techniques, peut-être un choix différent en termes d’allocation de moyens, ou la mise en œuvre, même modeste, d’idées qui circulent déjà dans les esprits « autorisés ». D’autres, en revanche, pourraient réclamer de travailler plus en profondeur sur les cultures et habitus bureaucratiques, administratifs, sur les usages classiques de la gestion des ressources humaines, chez les civils comme chez les militaires.

L’enjeu est clairement stratégique, au sens le plus noble du terme, et c’est la raison de son traitement ici. A la veille de changements importants dans le paysage stratégique euro-atlantique, il importe en effet de se pencher sur les dimensions politiques, sociologiques, administratives, intellectuelles, de la pratique de l’influence en milieu allié. Ce travail est naturellement loin de répondre à toutes les questions posées. Il ouvre simplement un agenda de recherche, qui mériterait que l’on prenne l’initiative d’une véritable sociologie politique comparée de l’influence. Celle-ci devrait mobiliser un vaste éventail d’acteurs et d’observateurs, d’experts et de décideurs, de civils et de militaires, qui doivent y travailler ensemble, pour examiner au mieux les hypothèses ainsi dégagées.

Parmi les priorités de cet agenda de recherche, les lieux de pouvoir européens naissants ou confirmés, qu’il s’agira d’investir et d’investiguer, pour mieux en connaître les rouages et la sociologie. Le nouveau service européen d’action extérieure de l’UE en fait indéniablement partie, tout comme d’autres lieux de pouvoir créés par le traité de Lisbonne, mais également, à l’OTAN, où les liens et courroies de transmission entre les activités bruxelloises et celles de Norfolk devront être étudiés de près. De la même manière, et au-delà de bruxelles, les lieux de formation des futures élites européennes et transatlantiques, qui vont du Collège européen de Bruges au Saint Antony’s college d’Oxford en passant par la London School of Economics ou l’Institut Européen de Florence – et pas seulement Sciences-Po et l’ENA…. – doivent être connus des personnels français (et apprendre eux-mêmes à connaître les positions françaises). Les lieux de diffusion d’idées (principaux think tanks européens), ou les lieux d’expression des normes (comme Wilton Park, en Grande-Bretagne), doivent faire l’objet de davantage d’attention également. En un mot, il faut que les acteurs comme les observateurs français se familiarisent d’urgence avec les acteurs et les lieux qui comptent en Europe, en matière d’action extérieure, de sécurité et de défense. L’étude de l’exercice de l’influence, thème sociologique important des études stratégiques, doit être largement développée. Le chantier est ouvert.

1 Voir N. Bagayoko-Penone, les officiers français et la construction européenne : l’européanisation du point de vue des acteurs de la Défense, les documents du C2SD, no 77, 2005, p203


Sources : Cahier de l’Irsem N° 1, Conclusion, p 35 à 48.