Dormir, se nourrir, s'habiller, se laver : autant de gestes évidents à terre qui le sont moins sous la mer. L'auteur, surfacier réserviste, s'interrogeait il y a encore peu des petits détails de la vie quotidienne des sous-mariniers. Baptisé à l'eau de mer selon la tradition du SNA Perle et fort d'une expérience rare de 36 heures en immersion je peux dévoiler quelques secrets pour Cols Bleus !!!
Comment se lavent ils ?
Le bord produit sa propre eau douce. Cependant, toute eau consommée doit être à terme "asséchée" ce qui représente une "indiscrétion". Les restrictions et coupures d'eau dépendent donc des efforts de chacun et de la "situation". Une douche tous les deux ou trois jours constitue le meilleur compromis hygiène-économie d'eau. Un tableau de consommation est affiché et éventuellement les trois douches sont consignées par le retrait du flexible.
Y a-t-il des toilettes ?
Les 70 marins disposent de trois poulaines en tous points semblables aux WC de nos maisons. L'usage maîtrisé de la chasse d'eau vous est précisément enseigné. Pour les raisons expliquées au chapitre ci-dessus, vous l'utilisez économiquement.
Quelle est la tenue vestimentaire ?
Le sous-marinier voyage léger ; le short et les sandales sont interdits. À bord, la température étant agréable, vous portez une combinaison ignifuge sur vos sous-vêtements en coton. À vos pieds des chaussures bateau anti-dérapantes. Les galons sont rarement portés lors des grandes missions. Seul le film dosimètrique individuel (enregistrement d'éventuelles traces de radioactivité) attribué par l'infirmier du bord orne votre poche de poitrine.
Les objets personnels sont rangés dans un caisson type "consigne de gare", les sous-vêtements allongés sous le matelas pour gagner de la place et les effets d'uniforme regroupés. Une fois par semaine, vous confiez votre petit sac de linge sale à l'unique machine à laver qui ne connaît pas le prélavage.
Et le tabac ?
Le bord dispose d'un fumoir... utilisable uniquement en surface appelée ici "tenue de navigation". Cinq fumeurs peuvent se retrouver dans un sas sombre, salé, humide et étroit situé sous la passerelle et au dessus du PC/NO. Passerelle et fumoir sont à "l'eau libre" en plongée. Il est totalement interdit de fumer à bord et même les accrocs de la nicotine semblent bien s'en passer !!!
Peut-on tout embarquer ?
Tous les produits en bombe et aérosol, à base d'acétone, les briquets, l'alcool sont interdits. Il en est de même pour les médicaments non prescrits par le médecin de la base. Eau de toilette, lotion avant ou après rasage bien que contenant de l'alcool sont tolérés car utiles pour l'hygiène.
Le bord produit son propre oxygène et le contrôle attentif de sa qualité est une des priorités des mécaniciens. En plongée, nous respirons tous les mêmes molécules.
Et la table ?
Côté cuisine, c'est haut de gamme. Le quotidien est excellent, le bon vin autorisé, le pain cuit chaque jour, les plats copieux et les gâteaux d'anniversaire succulents. Deux services sont nécessaires pour nourrir tout l'équipage qui mange sans crainte du roulis. À partir de 55 m, le sous-marin n'est plus influencé par les mouvements de la mer. Les verres restent stables, les assiettes ne tombent pas...sauf si le commandant décide de changer de profondeur. L'angle d'inclinaison n'oblige cependant pas à s'amarrer pour éviter de glisser.
Comment dort-on ?
Seul le commandant a sa chambre. Chacun dispose de sa propre bannette avec draps bleus, couverture et oreiller. En cas d'embarquement de personnel hors armement, le local des torpilles (tout en longueur) leur est réservé. Une torpille est débarquée ou placée dans son tube, une planche surmontée d'un matelas mise sur son berceau ou rance et voici un bon lit. Attendez vous donc à "dormir sur rance".
Aucune gîte (sauf en tenue de navigation) si craquement ne vient troubler votre sommeil. La propulsion nucléaire alimentant les moteurs électriques est particulièrement silencieuse.
Est-ce solide ?
J'ai eu beau tendre l'oreille et regarder attentivement la coque, aucun craquement, fuite d'eau, explosion de manomètres digne des films grand public n'est apparu lors des prises de plongée ou des reprises de vue (profondeur permettant de sortir les périscopes de veille et d'attaque).
Techniquement, la coque est en acier à haute limite élastique, le kiosque en matériaux composite. Les épaisseurs sont calculées en fonction de l'immersion maximum prévue par le programme militaire du bâtiment. Nos ingénieurs maîtrisent parfaitement le principe de Pascal : "plus on descend, plus la pression augmente".
Y a t-il un service courrier ?
L'échange des e-mail est possible une fois par semaine à partir de 10 jours de mer. Si le programme le permet, le sous-marinier prendra connaissance de la réponse quatre jours après. La prose ne doit pas dépasser 5 Ko soit une page, aucune pièce jointe. Les règles de protection du secret s'imposent. Soyez rassurés, malgré ces conditions un tantinet moins confortables qu'à terre, j'ai trouvé un équipage (le rouge) très professionnel, survivant parfaitement bien après 30 jours de plongée non stop.
Les sous-mariniers sont tous des volontaires passionnés dont la moyenne d'âge est inférieure à 30 ans. Il n'y a ni laisser-aller, ni formalisme intégriste mais l'efficacité continuelle et harmonieuse d'hommes conscients de leurs responsabilités. Qu'ils soient encore remerciés d'avoir reçu trois jours durant un surfacier.
CF (R) François Didierjean
Sources : Marine nationale
Droits : ©Marine nationale