Depuis quelques années, la Marine nationale mène une stratégie de déconstruction de ses bâtiments en fin de vie, en recyclant les matières premières qui composent la coque des navires. Une politique qui s’inscrit pleinement dans une perspective de développement durable.
Au fond de la base navale de Brest, elle a perdu de sa splendeur. Retirée du service en 2010 et désarmée, la Jeanne n’est plus qu’un numéro de coque : Q860. Comme des dizaines d’autres bâtiments militaires, l’ex-porte hélicoptères « Jeanne d’Arc » est en attente de déconstruction.
Depuis 2009, le ministère de la Défense met en œuvre un plan d’action de gestion de la fin de vie de ses navires militaires qui s’inscrit dans une perspective de développement durable. « La Marine nationale est précurseur dans ce domaine, explique le vice-amiral Hubert Jouot, chargé de la déconstruction des navires militaire à l’Etat-major de la Marine, nos bâtiments sont déconstruits dans le respect de l’environnement et à des coûts maitrisés, tout en privilégiant la sécurité des personnes qui travaillent sur les chantiers, ainsi que la traçabilité des matières. »
Jusqu’au début des années 2000, la politique de la Marine était de réutiliser les coques des navires condamnés soit en brise-lames, soit comme cible de tir pour tester de l’armement et entraîner les équipages. « La Marinea perçu tout l’intérêt qu’il y avait à revaloriser les métaux, l’acier et le cuivre, qui constituent les coques », note le vice-amiral Jouot. « Ces métaux sont indéfiniment recyclables et ont une forte valeur marchande sur les marchés. » D’ailleurs aujourd’hui, sur le plan financier, certaines opérations de déconstruction se rapprochent de l’équilibre, en raison du cours élevé des matières premières et notamment de l’acier. « Le marché de déconstruction de l’ex-escorteur d’escadre Bouvet a été récemment notifié pour un montant de 670 000 euros hors taxe. La valorisation des matières premières a rapporté 620 000 hors taxe », souligne le vice-amiral Jouot. « Pour cette déconstruction d’un bateau relativement ancien et pollué "amiante", nous sommes proches de l’équilibre. Nous pouvons espérer qu’à l’avenir nous réaliserons des opérations positives. »
Le processus de déconstruction des bâtiments de la Marine prend de l’ampleur. « On a débuté par le plus difficile : la coque de l’ex-Clémenceau. A partir du moment où la Marine a repris ce dossier, elle s’est attachée à le traiter avec rigueur, et dans le complet respect de la réglementation. La déconstruction s’est remarquablement bien passée. Les objectifs ont été tenus et aucun accident n’est survenu. D’une certaine manière, on a "essuyé les plâtres". On était les premiers à déconstruire un bateau d’aussi grande taille. Mais aujourd’hui, cette opération est considérée comme exemplaire et comme une référence », conclut le vice amiral Jouot.
La Marine s’est engagée à déconstruire dans les prochaines années près de 100 000 tonnes de navires et environ 10 000 tonnes de batellerie repartie entre Brest et Toulon. Le plan d’action consiste à déconstruire en priorité les coques les plus anciennes. « Pour l’instant nous devons commencer la déconstruction d’escorteurs d’escadre, d’avisos escorteurs, de transports de chaland de débarquement… c’est ce qui représente aujourd’hui l’essentiel de nos coques les plus anciennes. » Pour cela la Marine a constitué des lots dont le traitement est échelonné dans le temps, de manière à permettre à des entreprises concurrentes de pouvoir se positionner sur le marché de la déconstruction en respectant toutes les exigences (voir encadré).
La déconstruction d’un navire militaire Trois grandes étapes interviennent dans le processus de déconstruction des navires. Les opérations débutent par le désarmement. Certains équipements et matériels, susceptibles de nuire à l’état de conservation du bâtiment, sont retirés du bord. « On prend un certain nombre de dispositions pour que le bateau puisse être conservé en toute sécurité, sans créer de danger ou de risque pour l’environnement », précise le vice-amiral Jouot. Vient ensuite la phase de l’inventaire des matières potentiellement dangereuses. Chaque navire est expertisé afin de cartographier, à bord, l’ensemble des matières polluantes (amiante, PCB (polychlorobiphéniles), peintures au plomb, etc.). « Dans l’esprit de la convention de Hong Kong adoptée en 2009, nous nous obligeons à disposer d’un inventaire des substances toxiques présentes à bord. Cette expertise est fournie aux industriels candidats à la déconstruction », explique le vice-amiral Jouot. La dernière phase est celle de la déconstruction elle-même dans des chantiers spécialisés. « La Francedéconstruit ses bateaux de guerre sur le territoire de l’Union européenne. Ces marchés publics sont négociés avec mise en concurrence. Ensuite il y a un processus d’attribution du marché qui est assez long. Car il faut s’assurer que nos exigences soient respectées, et qu’on ne crée pas de danger, ni sur l’environnement, ni sur le personnel qui y travaille. On exige la traçabilité à la fois des produits polluants, ainsi que des produits à valoriser, le tout sans renoncer à la performance économique », relève le vice-amiral Jouot. |
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Le tri des déchets à bord des BPC... |
Sources : Ministère des Armées
La déconstruction des matériels militaires
Le ministère va consacrer, sur la période 2012-2017, 138 M€ au démantèlement des matériels de guerre, hors sous-marins. En 2010, pour le démantèlement des matériels terrestres, les réalisations (22 000 tonnes) ont été supérieures à l’objectif fixé (17 000 tonnes). En 2011, un accord-cadre a été conclu avec six sociétés pour permettre le démantèlement de lots de matériels.
La déconstruction des matériels militaires
Le ministère va consacrer, sur la période 2012-2017, 138 M€ au démantèlement des matériels de guerre, hors sous-marins. En 2010, pour le démantèlement des matériels terrestres, les réalisations (22 000 tonnes) ont été supérieures à l’objectif fixé (17 000 tonnes). En 2011, un accord-cadre a été conclu avec six sociétés pour permettre le démantèlement de lots de matériels.