Le 14 juillet prochain, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) invitera des pupilles de la nation à passer cette journée de commémoration nationale en compagnie de jeunes porte-drapeaux. Mais qui sont ces pupilles et quel est exactement leur statut créé il y a cent ans ? Pour le savoir, (re)découvrez l’article qu’Armées d’Aujourd’hui leur avait consacré dans son numéro de juillet-août 2016.
La Première Guerre mondiale a laissé une trace dans chaque foyer de France. Avec un père mort au combat ou l’un des deux parents disparus, près d’un million d’enfants se retrouvent orphelins. Pour faire face à cette situation d’urgence, l’Etat instaure le statut de pupille de la nation le 29 juillet 1917. Cette loi permet l’adoption par l’Etat de tous ces mineurs bien souvent dans une situation précaire, voire à la rue. Cent ans plus tard, ce statut marque toujours la reconnaissance du pays faite aux descendants des hommes et des femmes morts au service de la France. Actuellement, près de 320 pupilles sont accompagnés par l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG).
De 1917 à 1990, les pupilles de la nation sont les enfants des soldats morts pour la France, grièvement blessés au combat, ou de victimes civiles de guerre. Trois cent mille enfants sont devenus pupilles de la nation à la fin de la Seconde Guerre mondiale, 30 000 après la guerre d’Indochine et 18 000 après celle d’Algérie.
Élargissement du statut
Mais, ces dernières décennies, face à un contexte sécuritaire de plus en plus fragile, la législation concernant ce sujet a fortement évolué. Le premier grand changement a lieu dans la dernière décennie du XXe siècle. Ce tournant est dû à Françoise Rudetzki. Gravement blessée dans l’attentat d’un restaurant parisien le 23 décembre 1983, elle fait de l’accompagnement des victimes d’actes de terrorisme son combat, créant en 1986 l’association SOS Attentats qui agit comme un lobby auprès des autorités politiques. Elle obtient, en 1990, l’extension aux victimes du terrorisme des dispositions applicables aux victimes civiles de guerre à compter du 1er janvier 1982, et notamment la possibilité d’adoption de leurs enfants par la nation.
Nouvel élargissement en 1993. Le statut de pupille de la nation est ouvert à tout orphelin de moins de 21 ans dont le père ou la mère a été tué lors d’une mission de sécurité dans le cadre de leurs fonctions de : magistrat, militaire de la gendarmerie, fonctionnaire des services actifs de la police nationale, de l’administration pénitentiaire et des douanes, personnel civil et militaire de l’Etat participant aux opérations de recherche et de destruction des munitions de guerre et explosifs, personnes titulaires d’un mandat électif, professionnel de la santé. Puis, en 2011, le statut s’ouvre aux enfants nés d’un parent de nationalité française tué lors d’un acte de piraterie après le 10 novembre 2008. Dernière évolution, la loi du 21 décembre 2012, dont l’article 12 stipule que « le ministre compétent peut décider que la mention “mort pour le service de la nation” soit portée sur l’acte de décès : d’un militaire tué en service ou en raison de sa qualité de militaire ; d’un autre agent public tué en raison de ses fonctions ou de sa qualité ». Dès lors, les enfants des personnes dont l’acte de décès porte cette mention peuvent devenir pupilles de la nation.
Pour bénéficier de ce statut, l’un des deux parents restant, le tuteur ou l’enfant lui-même s’il est majeur, doit lancer une requête auprès de l’ONACVG. Le processus d’adoption, qui prend environ trois mois, est ensuite acté par un jugement du tribunal de grande instance. Tous les pupilles de la nation bénéficient d’aides administratives, sociales et financières, adaptées selon les besoins. L’ONACVG offre à l’enfant un suivi personnalisé jusqu’à la fin de ses études supérieures et bien au-delà. « Nous leur fournissons un soutien pour tout type de besoin – voiture, caution pour un logement, matériel informatique… – afin qu’ils puissent entrer dans la vie active avec le maximum d’atouts et être autonomes, assure Emmanuelle Double, chef du département de la solidarité de l’ONACVG. En cas de problème, nous serons toujours là pour eux puisqu’un pupille de la nation est ressortissant de l’ONACVG jusqu’à la fin de ses jours. Aujourd’hui l’âge moyen est de 75 ans. » Le financement de ce statut est à la charge du ministère de la Défense, plus précisément de l’ONACVG, selon le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre. L’œuvre nationale du Bleuet de France, qui dépend de l’ONACVG, participe largement au financement des aides. Le budget total pour l’ensemble des pupilles mineurs et majeurs s’élève à 2 millions d’euros par an.
Les attentats qui ont frappé la France relancent de façon marquante cette reconnaissance de la nation envers les enfants des victimes de terrorisme. En 2015, 53 mineurs ont été adoptés par la nation, 11 d’entre eux après les attaques de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher. Plus de soixante demandes sont en cours de traitement à la suite des attentats du 13 novembre. Pourtant, ce statut reste méconnu et prête encore à confusion, ce que déplore Emmanuelle Double : « Le grand public ne le connaît pas bien, car, souvent, il est lié à un environnement qui fait peur. Il existe une véritable confusion entre l’adoption par la nation et l’adoption par l’Etat (retrait du droit de garde des parents…). Ce qui explique la réticence de certains proches. Notre priorité est d’installer une relation de confiance et de venir en aide aux familles. »
Sources : Ministère des Armées