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VAE Jean-Philippe Chaineau, Alfost

Mise à jour  : 07/07/2021 - Direction : SIRPA Marine

Engagée dans un profond renouvellement de ses forces à travers le plan Mercator, la Marine a réceptionné le premier sous- marin nucléaire d’attaque (SNA) de type Suffren en décembre dernier. Actuellement en phase de vérifications de ses capacités militaires dans la perspective de son admission au service actif, le SNA Suffren a assisté le 7 février dernier à l’arrivée à Toulon du SNA Émeraude, de retour d’un déploiement de sept mois qui l’a conduit jusqu’en zone indopacifique. Ces éléments témoignent de l’intense activité habituellement peu visible des forces sous-marines. Le vice-amiral d’escadre Jean-Philippe Chaineau, commandant les forces sous-marines, répond aux questions de Cols bleus.

COLS BLEUS : Quelles sont les missions des SNA ?

VICE-AMIRAL D’ESCADRE JEAN-PHILIPPE CHAINEAU : Les SNA type Rubis ont été conçus au temps de la guerre froide en vue de conflits de haute intensité. Ils ont su, au fil de l’évolution du contexte géopolitique, s’adapter aux missions du temps de paix, du temps de crise, voire du temps de guerre. Régulièrement mis à niveau, en particulier par l’installation de nouveaux senseurs, les SNA conservent un haut niveau de performance opérationnelle. Le spectre de leurs missions est étendu. Il va de la sûreté des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) au recueil de renseignement, en passant par la mise en œuvre de forces spéciales, le pistage ou l’engagement d’unités navales, qu’elles soient de surface ou sous-marines. Les qualités opérationnelles du SNA sont nombreuses : sa discrétion ; la diversité de ses senseurs acoustiques, optiques, optroniques ou encore électromagnétiques ; la puissance de feu et la portée de ses armes : torpille F17 mod 2 (demain la F21), missile SM39 et évidemment le missile de croisière naval (MdCN) à bord des SNA de la classe Suffren ; ses capacités de communication allant de la très basse fréquence en réception à la transmission par satellite ; son endurance et sa capacité de déploiement conférées par la propulsion nucléaire, comme l’a démontré la mission Marianne, et enfin les compétences et le savoir-faire des équipages acquis depuis plusieurs décennies.
C. B. : Pourquoi se déployer longtemps et loin du port-base ?
VAE J.-P. C. : Le déploiement du SNA Émeraude en mission Marianne, suivi au plus haut niveau, a récemment illustré la capacité des sous-marins nucléaires d’attaque de la classe Rubis à se déployer loin et longtemps sur de nouveaux théâtres d’opérations. Il vient illustrer l’éventail des missions et la diversité des zones géographiques dans lesquelles nos SNA sont amenés à opérer. Sans rentrer dans le détail, ces derniers ont navigué depuis leur admission au service actif à proximité de tous les continents, comme en témoignent les relâches opérationnelles effectuées en Atlantique, mer Méditerranée, océan Indien et océan Pacifique. Ces déploiements permettent de développer et de maintenir la connaissance des spécificités des théâtres d’opérations (points d’appui, environnement, activités...). Ils exigent une préparation très approfondie et mobilisent les équipages, l’escadrille des SNA, l’état-major d’Alfost (CENTOPS FSM*), les organismes de soutien, notamment le Service de soutien de la flotte (SSF), et les contrôleurs opérationnels (les commandants de zone maritime, ou CZM).

C.B. : Quel bilan tirez-vous de la mission Marianne ?

VAE J.-P. C. : Le déploiement du SNA Émeraude et du BSAM** Seine, de septembre 2020 à début avril 2021, a montré l’intérêt stratégique que porte la France à la zone indopacifique et illustré la capacité de la Marine à y déployer ses unités. Il a confirmé la capacité de nos sous-marins d’attaque à se projeter loin et longtemps, avec une relève d’équipage dans la base américaine de Guam. Les relations nouées avec les marines américaines et australiennes au cours de cette opération ont été remarquables. Nos unités sont capables de s’entraîner ensemble de façon fluide et naturelle. Dans un contexte Covid exigeant, nos équipages ont montré leur valeur opérationnelle, leur endurance, leur pugnacité et leur résilience dans la conduite de leur sous-marin. Ce déploiement a nécessité une préparation importante. Il a bénéficié d’un travail interarmées fructueux, dans les domaines de la logistique, des transmissions, ou encore du soutien des forces de souveraineté des zones concernées. L’expérience acquise ainsi que les enseignements accumulés sont un socle solide pour la planification d’éventuels futurs déploiements dans cette région.

C.B. : Quel message adresseriez-vous aux équipages ?

VAE J.-P. C. : Le métier de sous-marinier est un métier extraordinaire, de haut niveau, nécessitant une grande rigueur au quotidien. Il est accessible à tous, pourvu que l’on soit volontaire pour servir dans ce milieu très spécifique. Chaque année, les nouveaux sous-mariniers recrutés suivent un cursus de formation spécifique, d’abord dans une des deux écoles de navigation sous-marine puis au sein de leur équipage. À bord, chacun (du matelot au commandant) a un rôle à jouer dans la mise en œuvre du sous-marin. Au cours des entraînements et des navigations, l’acquisition de nouvelles connaissances permet d’évoluer et de tenir des postes de responsabilités de niveau supérieur. Dans cet apprentissage, le jeune sous-marinier n’est pas seul. Il bénéficie du soutien de ses supérieurs, qui ont la responsabilité de transmettre un savoir-faire acquis depuis leur arrivée au sein des forces sous-marines. Dans l’exercice de la mission, il faut donc un esprit d’équipage. Servir à bord d’un sous-marin nucléaire exige donc un engagement fort, une capacité à accepter la promiscuité, d’être coupé de ses proches et une certaine rusticité. Que ce soit en mission à bord d’un SNA ou d’un SNLE, servir est la ligne directrice de notre mission. Depuis ma prise de fonction, j’ai pleinement conscience de l’investissement de chacun des marins et des personnels civils des forces sous-marines. Je constate tous les jours leur haut niveau de compétences et leur très fort engagement. Les escadrilles et les centres de transmissions effectuent un travail remarquable. La réception du Suffren et le déploiement Marianne ne sont que la partie visible du travail effectué. Je voudrais donc profiter de ces quelques lignes pour leur exprimer à nouveau toute ma confiance et ma reconnaissance pour le travail accompli dans un contexte sanitaire particulièrement difficile.

C.B. : Comment se dessine l’avenir des SNA ?

VAE J.-P. C. : Véritable outil militaire du XXIe siècle, les SNA de classe Suffren reprendront, avec des performances bien supérieures, toutes les missions de leurs prédécesseurs. Ils disposeront en outre d’une capacité de frappe contre terre avec le missile de croisière naval ainsi qu’une capacité décuplée de mise en œuvre de forces spéciales (sas nageurs et Dry Deck Shelter***). Pris en charge par la Marine nationale en novembre 2020, le SNA Suffren est le premier de la série du programme Barracuda. Il poursuit actuellement ses essais visant à vérifier ses capacités militaires en vue de sa prochaine admission au service actif. Le remplacement des sous-marins Rubis par les Suffren nécessite une période de transformation des sous-mariniers actuels. Elle a été pensée très en amont pour être optimisée : de nouveaux simulateurs ainsi qu’une adaptation des méthodes pédagogiques ont été mis en place au sein de l’ENSM/BPN**** de Toulon. Tout est prêt pour que chaque marin volontaire puisse servir à bord de cette nouvelle unité...

* Centre opérationnel des forces sous-marines.
** Bâtiment de soutien et d’assistance métropolitain.
*** Module amovible fixé sur le pont du sous-marin pour faciliter l’entrée et la sortie des nageurs de combat.
**** École nationale supérieure de navigation sous-marine et des bâtiments à propulsion nucléaire.


Sources : Marine nationale
Droits : Ministère des armées