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Un défi technique et humain

Mise à jour  : 07/07/2021 - Direction : SIRPA Marine

Alors que l’Émeraude a regagné Toulon depuis plusieurs semaines après son périple au bout du monde, Cols bleus est allé à la rencontre des capitaines de frégate Antoine Delaveau (équipage bleu) et Julien Leblanc (équipage rouge). Enjeux, temps forts, vie à bord... Ils revisitent pour nous cette mission.

CAPITAINE DE FRÉGATE ANTOINE DELAVEAU : Rappelons tout d’abord que ce déploiement était plus long que ceux que nous réalisons d’habitude, sans possibilité d’effectuer des opérations de maintenance lourde pendant sept mois. Il a donc fallu anticiper cela lors de l’arrêt technique qui a précédé notre départ. Le fait d’être parfois à dix jours de mer du point d’appui le plus proche nous a conduits à augmenter le stock de pièces de rechange à bord, les pièces les plus lourdes étant embarquées sur le BSAM Seine. Autre spécificité, le fait d’évoluer dans des eaux beaucoup plus chaudes que celles dans lesquelles nous naviguons généralement : dans l’océan Indien, par exemple, à l’immersion périscopique, la température de l’eau peut atteindre 25 °C. Des conditions qui sollicitent beaucoup le sous-marin.

CAPITAINE DE FRÉGATE JULIEN LEBLANC : C’est là que notre expérience intervient. L’un comme l’autre, et nos équipages avec nous, connaissons bien l’Émeraude. Nous savons comment la conduire en sécurité, tout en exploitant au maximum ses possibilités.

CF A. D. : Et ce, même dans des territoires situés hors du périmètre habituel des SNA français. La navigation dans ces eaux que nous fréquentons peu a d’ailleurs fait elle aussi l’objet d’une préparation spécifique. Avec le CF Leblanc, nous avons échangé en amont avec nos homologues américains, qui connaissent bien la zone. Nous n’avons eu à déplorer aucun problème majeur à bord, preuve que la mission a été parfaitement préparée.

CF J. L. : Une préparation à la hauteur du défi à relever ! Avoir mené à bien cette mission, dans des zones contestées, surveillées, c’est une réelle satisfaction. En mer de Chine, Marianne a véritablement ouvert un théâtre aux sous-marins français. Dans cet esprit d’aventure cher au commandant L’Herminier et à ses hommes du « Casa »* ! Cette mission stratégique a été une aventure humaine, technique et opérationnelle extraordinaire, au sens propre du terme.

CF A. D. : D’autant que le contexte Covid a compliqué la donne et éprouvé encore davantage la capacité de l’équipage à se dépasser au profit de la mission. Mais les marins, et leurs familles avec eux, ont été exemplaires. La bulle « covid free », mise en place lors de la quatorzaine sur la base navale avant le départ, n’a jamais été rompue, malgré les escales et la relève à Guam, où nous avons passé le témoin à l’équipage rouge, sous une averse tropicale ! Un des trois moments forts de la mission, selon moi. Avec l’arrivée à Perth où, outre l’accueil très chaleureux de nos homologues australiens, nous avons pu éprouver notre interopérabilité avec ces alliés du bout du monde. Et le franchissement des eaux indonésiennes, qui constituaient un théâtre nouveau pour nous et qui nous ont offert des paysages fabuleux.

CF J. L. : J’ajouterais, côté équipage rouge, l’entrée en mer de Chine bien sûr et le détroit de la Sonde avec le passage de la ligne puis l’océan Indien qui s’ouvre entre les collines de Java et Sumatra avant de plonger devant le volcan Krakatoa fumant. Huit jours en surface bienvenus, qui ont permis à l’équipage de reprendre un peu son souffle, avant l’escale à Djibouti fin mars. Tout au long du déploiement, nous nous sommes efforcés de répondre aux objectifs ambitieux qui nous avaient été fixés, tout en préservant l’ambiance et la vie à bord. Trouver le juste équilibre entre bienveillance et exigence, être attentif aux signaux faibles émis par nos équipages respectifs, dont l’engagement a été total. Au-delà du défi technique et des enjeux stratégiques, la mission Marianne a été un remarquable exercice de commandement. Pour reprendre les termes de L’Herminier**, « quelle joie plus parfaite un chef peut-il éprouver que celle de voir se réaliser la communion généreuse et sans restriction de ses compagnons de tous les jours, dans la promiscuité de la vie à bord ? Sur quel bâtiment, mieux que sur un sous-marin, cette cohésion des esprits et des cœurs peut-elle exister ? ».

* Voir CB n° 3076, mars 2019

** in Casabianca, 1949


Sources : Marine nationale
Droits : Ministère des armées