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Quand un repère disparaît…

Mise à jour  : 23/07/2012 - Direction : Armée de l'Air et de l'Espace

La base aérienne 103 de Cambrai a toujours joui d’une belle popularité. L’annonce de sa fermeture a causé beaucoup d’émotion. Ses effectifs sont cependant restés opérationnels jusqu’au bout.

Lorsque la fermeture de la base aérienne 103 de Cambrai a été annoncée, une véritable levée de boucliers s’est organisée : une chaîne humaine de 10 km, formée par les habitants des environs et de Cambrai, s’est déroulée en protestation, tout autour de la base. Les commerçants ont même fermé leurs boutiques, faisant « ville morte » pendant une journée entière. Du jamais vu ! C’est dire combien ce site militaire fait partie intégrante du paysage depuis sa création, il y a près de 60 ans. « La sensation que civils comme militaires sont très attachés à cette base est très forte, confie le colonel Éric Gernez, commandant la base aérienne de Cambrai. Elle est à taille humaine, tout le monde se connaît et même si les raisons de sa fermeture sont comprises et acceptées, on ne peut empêcher le pincement au cœur. » À l’image de la région du Nord-Pas-de-Calais, décrite comme un carrefour de l’Europe, un pôle industriel et agricole florissant, et un lieu chaleureux où il fait bon vivre, la base aérienne tisse sa renommée dans la trame socio-économique locale. Premier employeur, beaucoup de Cambrésiens connaissent quelqu’un, de proche ou de moins proche, qui travaille entre ses grilles.

L’engouement général pour la base aérienne 103 s’explique peut-être par le passé mouvementé qu’elle affiche. Initialement créée par la Luftwaffe au début de l’occupation allemande lors de la Seconde Guerre mondiale, elle est reprise par l’armée de l’air française, en 1953. Depuis, de nombreuses unités ont été créées. Pour ne citer que les plus récentes, les escadrons de chasse 1/12 « Cambrésis », 2/12 « Picardie » et de défense sol-air « Somme », respectivement dissous en 2012, 2009 et 2010. Malgré cette disparition au compte-gouttes, la base aérienne quitte la scène militaire avec panache. « Le point marquant à mes yeux est que la base de Cambrai est restée opérationnelle jusqu’au dernier moment », tient à préciser le colonel Gernez. En effet, le site et ses aviateurs ont continué à se mobiliser sur de multiples fronts. Des Mirage 2000 C du 1/12 « Cambrésis » ont contribué à la protection de l’espace aérien balte (Estonie, Lettonie, Lituanie), leur dernier déploiement s’étant déroulé de mai à août 2011. Ils ont également maintenu leur participation à l’opération Épervier jusqu’en décembre 2011, réalisant des missions de présence aérienne au-dessus du territoire tchadien. Le plot chasse au Tchad, mis en place en 1983 par des Mirage F1, était devenu la responsabilité du 1/12 et de ses Mirage 2000 C, en juin 2010. En parallèle, côté soutien, des mécaniciens stationnent en renfort à Djibouti. Bien évidemment, l’une des missions principales de l’armée de l’air, celle de la défense aérienne était également en filigrane de tout le reste. La posture permanente de sûreté aérienne a donc été assurée de manière continue, jusqu’au 16 mars 2012, soit deux semaines avant la dissolution du 1/12. « N’oublions pas de mentionner la préparation des forces, une autre priorité de l’armée de l’air, la qualification des pilotes que nous avons garantie jusqu’au bout, fait valoir le colonel. Le dernier pilote a été qualifié « pilote de combat opérationnel » en février 2012. » Et puis bien sûr, le Nato Tiger Meet. Cerise sur le gâteau, l’exercice otanien le plus important jamais organisé sur le sol européen a été accueilli, en 2011, par une base devant fermer bientôt. Pourtant, bien plus que simplement organiser, il a fallu ériger une mini-ville et son réseau de communications pour recevoir et nourrir un millier d’hôtes étrangers en plus des usagers habituels. Pari gagné !

Comme l’adage le dit si bien, les actes parlent plus que les mots. Toutes les missions et projets dans lesquels la base aérienne de Cambrai s’est investie, garantissent la trace du souvenir impérissable qu’elle laissera. Malgré tout, quelques repères seront préservés, qui défieront de manière concrète le passage du temps. Les traditions du « 2/12 », mises en sommeil depuis sa fermeture, seront reprises par un escadron d’instruction en vol de Cognac. L’escadrille des « Tigres » du 1/12 « Cambrésis » a été transférée au 1/7 « Provence » de Saint-Dizier, devenant une escadrille de Rafale. Quant au nom de parrain que portait la base, le commandant René Mouchotte, as des forces aériennes françaises libres, il est repris par l’école de transition opérationnelle de Cazaux, où sont formés les futurs pilotes de chasse de l’armée de l’air. Tout un symbole. Ce patrimoine militaire perdurera également en dehors de l’institution. La mairie de Cambrai n’est pas en reste. Elle accueillera monuments et stèles à partir d’aéronefs de la base ou reprenant les faits marquants et historiques de sa voisine disparue. Un musée dédié à l’aviation devrait également voir le jour dans la maison natale de Louis Blériot, pionnier de l’aéronautique, et proposer des artefacts symboliques de l’histoire du «Cambrésis». De quoi entretenir le souvenir d’une grande unité.

Commandant René Mouchotte : pilote charismatique

Né en 1914, René Mouchotte se passionne très tôt pour l’aviation. En 1937, il effectue son service militaire sur la base aérienne d’Istres. C’est durant cette période qu’il est formé au pilotage. Il figure sur la liste des réservistes lorsque la guerre éclate en 1939. Il est alors rappelé pour former de jeunes pilotes français à Salon-de-Provence et à Avord. L’unité de formation de René Mouchotte gagne ensuite l’Algérie. La capitulation de la France survient quand elle arrive dans la ville d’Oran. Les avions sont immobilisés pour empêcher les évasions. Le 30 juin, René Mouchotte parvient à s’échapper pour Gibraltar et rejoint la Royal Air Force (RAF) à Liverpool, quelques semaines seulement avant le début de la bataille d‘Angleterre. L’entraînement sur avion de chasse commence aussitôt. Au cours des années suivantes, iI est affecté au sein de plusieurs escadrons, prend le commandement d’autres pour finalement, le 1er septembre 1942, être nommé à la tête du 65 Squadron, devenant ainsi le premier aviateur non-britannique à diriger un escadron de chasse de la RAF. Il est d’ailleurs récompensé par la Distinguished Flying Cross pour son engagement. En 1943, il abat le 1000e avion ennemi. Le 27 août 1943, René Mouchotte disparaît au cours d’une mission d’escorte de bombardiers américains. Une de ses pensées qui illustrent son sens du sacrifice : « Si le destin ne m’accorde qu’une courte carrière de combattant, je remercierai le ciel d’avoir pu donner ma vie à la libération de la France. »


Sources : Armée de l'Air et de l'Espace
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