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La France au sein de l'Otan

Mise à jour  : 12/11/2013 - Auteur : Linda Verhaeghe - Direction : DICoD

Le prochain sommet de l’Otan se déroulera à Chicago (Etats-Unis) en mai 2012. Trois mois avant cette échéance majeure, nous vous proposons ce nouveau dossier illustrant la place de la France au sein de la structure militaire intégrée de l’Alliance. L’occasion également d’expliquer comment la France  participe activement  aux évolutions de cette organisation.

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La France, allié moteur de l'Alliance

« La France reprend toute sa place dans l’Alliance, parce que la position de la France n’était plus comprise. Nous sommes de la famille, nous sommes dans la famille, nous sommes des alliés, nous sommes des amis. Nous avons nos convictions, nous voulons être des alliés et des amis debout. » C’est en ces termes que le Président de la République, Nicolas Sarkozy, annonçait officiellement le retour d’une pleine participation de la France dans les structures militaires intégrées de l’Otan, à l’occasion du sommet qui s’est conjointement tenu à Strasbourg (Bas-Rhin) et à Kehl (Allemagne), un peu plus de deux ans auparavant, les 3 et 4 avril 2009.

Cette annonce a ainsi fait évoluer la position définie par le général Charles de Gaulle, alors lui-même Président de la République, qui fut à l’origine du retrait de la structure militaire intégrée de l’Otan au nom de « l’indépendance nationale », en 1966. « Il faut préciser que ce retrait est intervenu à une période au cours de laquelle la France développait sa capacité de dissuasion nucléaire qu’elle souhaitait conserver autonome », explique le capitaine de vaisseau François Drouet, adjoint au chef de bureau Otan au sein de la Délégation aux affaires stratégiques du ministère de la Défense et des Anciens combattants.

« Pour autant, la France a et a toujours eu toute sa place dans l’Alliance stratégique que constitue l’Otan, depuis sa création en 1949, et dont elle est l’un des membres fondateur », ajoute-t-il. La France a notamment continué à participer au Conseil de l’Atlantique Nord, qui gouverne politiquement l’organisation, ainsi qu’aux opérations militaires menées sous son égide, à l’image des interventions en ex-Yougoslavie ou de la Force intérimaire d’assistance et de sécurité (FIAS), déployée en Afghanistan à partir de 2001.

Depuis, elle a repris sa place pleine et entière au sein du commandement militaire intégré de l’Alliance atlantique, qui comprend le Comité militaire, l’Etat-major international, ainsi que les commandements opérationnels stratégiques (voir encadré ci-contre, ndlr). Tout en choisissant de rester en-dehors du Groupe des plans nucléaires, responsable de la planification de l’emploi des armes nucléaires mises à disposition de l’Otan, et de conserver une pleine souveraineté sur ses armes nucléaires. « Car cette arme est rattachée à la défense ultime des intérêts vitaux de la Nation », précise le capitaine de vaisseau François Drouet.

« A travers ce retour à une pleine participation dans les structures militaires intégrées de l’Otan, la France est donc revenue sur une situation légitimement choisie, mais dans laquelle elle se retrouvait en quelque sorte avec un pied dans l’organisation et un pied en-dehors de celle-ci, et qui la mettait dans une position ambigüe vis-à-vis de ses alliés », poursuit-il. C’est donc avec enthousiasme que cette décision de l’allié français a été accueillie et sa reconnaissance a été immédiate.

« Nous avons intégré un certain nombre de militaires français dans la structure de commandement, parmi lesquels l’un des deux commandements militaires stratégiques de l’Otan, le Commandement allié Transformation (ACT) : soit l’un des deux postes militaires les plus importants avec le Commandement allié opérations (ACO), ce qui traduit un gage de reconnaissance des compétences et de l’expérience des forces armées françaises et constitue un geste politique fort de la part des alliés », selon le capitaine de vaisseau François Drouet.

Si ACO est en charge des opérations, c’est avec les outils actuels qu’il le fait, alors qu’ACT a la responsabilité de construire l’outil de demain, en préparant les évolutions de l’Otan dans les domaines du développement capacitaire, de l’entraînement, de l’interopérabilité des forces et de la doctrine militaire de l’organisation, sous le commandement d’un Français, le général d’armée aérienne Stéphane Abrial (voir interview du général, ndlr).

La vision française trouve ainsi encore plus à s’exprimer et à se réaliser concrètement, car une pleine contribution à l’Alliance permet à la France de mieux faire entendre et voir accueillie sa position auprès des alliés. Déjà, en l’espace d’un peu plus de deux ans, elle a joué un rôle moteur dans le lancement de trois réformes majeures : la rénovation de la structure de commandement, des agences spécialisées et des finances.

Elle a donné une nouvelle impulsion à l’organisation, en collaboration avec d’autres grands pays tels que les Etats-Unis et le Royaume-Uni, en particulier. L’ambition est donc à la fois de s’affirmer comme allié clé au sein de l’Alliance et, à travers elle, de conforter la responsabilisation des Européens dans les affaires de défense, la France étant déjà motrice sur la question du développement d’une politique de défense au sein de l’Union européenne. Première à envoyer son aviation dans le ciel libyen, elle a enfin assumé un rôle de leader dans l’opération contre les forces de Mouammar Kadhafi, entre mars et octobre 2011.

La structure des commandements militaires de l’Otan

Deux commandements opérationnels stratégiques composaient la structure militaire de l’Otan, jusqu’en 2003, suivant une répartition géographique : le Commandement allié pour l’Europe et  le Commandement allié pour l’Atlantique. C’est lors du sommet de Prague, qui s’est tenu en décembre 2002, que les alliés ont pris la décision de restructurer l’organisation. Depuis lors, l’Otan dispose toujours de deux commandements stratégiques, mais définis selon une répartition basée sur ses missions.

Le Commandement allié Opérations (ACO/Shape : Supreme Headquarters Allied Powers Europe), basé près de Mons (Belgique), constitue le niveau stratégique et est en charge de la planification des opérations militaires menées par l’organisation. Il commande ainsi les différents commandements de niveau opératif, c’est-à-dire les Etats-majors de l’Otan, qui sont eux-mêmes établis selon des compétences régionales (à Brunssum aux Pays-Bas, à Naples en Italie et à Lisbonne au Portugal) ou tactiques (Air, Terre, Mer). C’est donc, par exemple, l’Etat-major situé aux Pays-Bas qui dirige les opérations de l’Otan en Afghanistan.

Le Commandement allié Transformation (ACT), basé à Norfolk (Etats-Unis), se charge, pour sa part, de mener à bien la « transformation », c’est-à-dire de l’évolution des structures, des forces, des capacités, ainsi que la doctrine militaire de l’Otan (en termes de concepts, de capacités futures, ou encore d’entraînement des forces). Celui-ci se charge également d’améliorer la coopération avec les partenaires nationaux et les organismes internationaux.

A côté des deux commandements stratégiques, l’Otan dispose d’un quartier général international à Bruxelles (Belgique). Celui-ci est, en particulier, composé du Comité militaire : la plus haute instance militaire de l’Otan, au sein de laquelle se réunissent les chefs d’Etat-major des armées, ainsi que les représentants militaires permanents de chaque allié. Mais également du Comité des plans de défense et du Groupe des plans  nucléaires : ceux-là mêmes que la France avait d’ailleurs quittés, en 1966, selon la volonté du général Charles de Gaulle, alors Président de la République.

Si la France a réintégré le Comité des plans de défense, elle reste néanmoins toujours absente du Groupe des plans nucléaires, pour des raisons liées à une volonté d’autonomie quant à sa capacité dans le domaine de la dissuasion nucléaire.

Le quartier général accueille également le commandement politique de l’Alliance, le Conseil de l’Atlantique Nord (organe que la France n’a, par contre, jamais quitté), qui représente la plus haute autorité de l’organisation et où siègent donc les ambassadeurs des 28 Etats-membres de l’Alliance.

La contribution française à l’Otan

Depuis la décision prise par la France de revenir à une pleine participation dans les structures militaires intégrées de l’Otan, elle constitue toujours le quatrième contributeur au budget de l’organisation (11,17%), derrière les Etats-Unis (22%), l’Allemagne et le Royaume-Uni, avec une participation financière annuelle qui s’élève à environ 203 millions d’euros en 2011.

La France constitue toujours également le 5e pays contributeur en termes de troupes déployées sur le terrain, avec environ 4 000 hommes engagés dans les opérations menées par l’Alliance atlantique.

Changement plus significatif, ce sont plusieurs centaines d’officiers et de sous-officiers supplémentaires qui ont rejoint les Etats-majors intégrés, offrant ainsi une meilleure représentation de la nation au sein des instances militaires de l’Otan. La France compte aujourd’hui environ 700 militaires « insérés » : contribution qui va se stabiliser dans les années à venir.

S’agissant plus spécifiquement de l’opération de l’Otan en Libye « Unified Protector », la France a fourni plus d’une centaine de personnes supplémentaires, en complément de la cinquantaine de personnes déjà insérées dans les différents Etats-majors de l’Otan, pour armer les Etats-majors italiens de Naples et de Poggio Renatico.

Un général français à la tête de la modernisation de l’Otan

Pour la première fois, un général européen, et plus précisément français, a pris ses fonctions à la tête d’un des deux commandements stratégiques de l’Otan : le Commandement allié Transformation. Moteur de la restructuration et de la modernisation de l’organisation, le général Stéphane Abrial nous explique ce que signifie et implique le fait d’être aux commandes de cette structure.

Quels sont les rôles et missions du Commandement de la Transformation de l’Otan et comment celui-ci est-il organisé ?

Le Commandant allié Transformation (ACT) a une position sans équivalent dans l’Alliance, ses responsabilités couvrant la pensée stratégique militaire, le développement capacitaire et l’entraînement des forces. Il a cette mission unique de préparer l’avenir, depuis le futur immédiat jusqu’au très long terme. Cela repose sur deux grands axes : aujourd’hui et demain. Aujourd’hui, c’est le soutien aux opérations en cours ou comment faire pour améliorer l’efficacité et la protection des forces engagées sur les divers théâtres. Demain, c’est réfléchir aux risques et menaces futurs et veiller à ce que les capacités militaires soient adaptées aux crises tout en tenant compte de nos ambitions et de nos moyens. Pour y répondre, ACT s’appuie sur une structure ternaire originale avec un pilier pensée stratégique, un pilier développement capacitaire et un pilier entraînement. Ces trois piliers interdépendants sont eux-mêmes nourris en permanence par notre dispositif de retour d’expérience et alimentent nos travaux sur les partenariats.

Quelles sont vos responsabilités en tant que commandant suprême allié transformation et quels sont les « grands dossiers » sur lesquels vous travaillez ?

Je suis chargé de la transformation militaire au sens large. Ce n’est pas un objectif en tant que tel, mais c’est plutôt un état d’esprit qui nous pousse à nous adapter en permanence aux circonstances souvent les plus imprévues. Aujourd’hui, crise économique oblige, la transformation est dans toutes les bouches, surtout si elle se traduit par des économies budgétaires. Il faut pourtant éviter que la crise économique ne se transforme en crise sécuritaire. La transformation doit donc rester avant tout synonyme de dynamique de changement pour une plus grande efficacité à un coût raisonnable. Parmi les principaux dossiers en cours, il y a la déclinaison des engagements prioritaires pris il y a un an à Lisbonne comme la cyber-défense ou la défense anti-missile, le développement des relations avec l’industrie, la préparation du prochain sommet de l’Otan et surtout la « Smart Defence ».

Pourriez-vous nous expliquer la notion de « Smart Defence » (ou « Défense intelligente ») ?

L’initiative « Smart Defence » a été lancée par le secrétaire général de l’Otan, Anders Fogh Rasmussen, il y a un peu moins d’un an. Elle vise à promouvoir plus de cohérence et d'efficacité dans les dépenses de défense des Etats-membres : nous ne pouvons dépenser plus, donc dépensons mieux, ensemble. Cette démarche est aujourd’hui un impératif si l’on ne veut pas que les capacités de l’Alliance soient réduites au même rythme que les budgets de défense de ses pays membres. Nous travaillons d’arrache-pied avec les nations pour trouver des solutions, en explorant plus particulièrement trois pistes : la hiérarchisation, la spécialisation et la coopération. Je me rends dans chaque capitale des pays de l’Alliance pour en discuter et en assurer la cohérence globale. Les marques de soutien que je reçois partout me permettent d’être confiant. Les premières réalisations concrètes devraient pouvoir être annoncées d’ici au sommet de l’Otan, en 2012.

Qu’apporte concrètement à la France cette pleine réintégration dans les structures de l'Otan et plus spécifiquement le fait de détenir ce commandement stratégique ?

Notre pleine réintégration est avant tout la preuve de la volonté française de peser sur le futur de l’Alliance et d’inspirer ou d’accompagner les réformes. Mon commandement est aujourd’hui impliqué dans tous les grands dossiers en cours. Après un peu plus de deux ans à sa tête, je peux affirmer que nous sommes beaucoup plus écoutés, efficaces et influents qu’avant. Etant « à l’intérieur », nous pouvons, comme tous les autres pays, faire passer nos idées dès le stade de l’élaboration. Cela permet d’exprimer une sensibilité française et européenne au quotidien dans l’ensemble des sujets dont s’occupe l’Alliance. Notre place nouvelle dans l’organisation a été un élément clef lors de l’opération en Libye. Il y a trois ans, les Alliés n’auraient sans doute pas accepté que nous puissions assumer ce rôle majeur de la même façon. Il faut souligner que c’est la première fois que les Européens démontrent qu’ils sont capables de prendre la tête d’une opération de l’Alliance, alors que nos amis américains restent en soutien.

Qu’en est-il des relations entre l’Otan et l’Union européenne, dans le cadre de l’Europe de la Défense ?

La collaboration entre l’Otan et l’Union européenne est une priorité, ne serait-ce que parce que 21 pays sur 28 appartiennent aux deux organisations et qu’ils ne peuvent pas dupliquer leurs capacités ou travailler dans des directions opposées. Désormais, la plupart des préventions sont tombées et nous avons démontré que l’on pouvait être membre des deux institutions de manière pleine et entière, faisant progresser les deux dans une logique de complémentarité. Certes, les relations politiques entre les deux institutions sont restreintes pour les raisons que chacun connait. Mais, en respectant le cadre imparti, les contacts entre états-majors sont fructueux. Un bon exemple en est la nature étroite des relations nouées autour des initiatives « Pooling and Sharing » pour l’Union européenne et « Smart Defence » pour l’Otan.

Quels seront d’après-vous les enjeux du prochain sommet de l’Otan qui se tiendra à Chicago en mai 2012 ?

Ce sommet sera un événement majeur dix-huit mois après le sommet de Lisbonne. L’Alliance a adopté un nouveau Concept stratégique et confirmé son niveau d’ambition en novembre 2010. A Chicago, l’accent sera mis sur les moyens nécessaires pour atteindre ce niveau dans un contexte de crise économique majeure. Enfin, à l’heure où certains craignent un désintérêt des Etats-Unis pour l’Europe, ce sommet montrera la vigueur du lien transatlantique, qui reste un des fondements de l’Alliance.

ACT et le renforcement des capacités opérationnelles

Le Commandement suprême allié transformation (ACT) assume aussi la responsabilité du renforcement des capacités opérationnelles. Il prend, à ce titre, des décisions concrètes dans le domaine de l’entraînement et des équipements notamment, voire du développement de concepts et de travaux de recherches.

Pour ce faire, certaines structures lui sont rattachées, dont le JALLC (Joint analysis and lessons learned center), un commandement subordonné basé à Monsanto, près de Lisbonne (Portugal), en charge du retour d’expérience.

Plusieurs centres de formation, répartis dans le monde, dépendent aussi d’ACT : le Centre de guerre interarmées (JWC), situé à Stavanger (Norvège), le Centre d’entraînement interarmées JFTC (Joint Force Training Center), situé à Bydgoszcz (Pologne) et le Centre de recherche sous-marine NURC (Nato Undersea Research Center), de La Spezia (Italie).

Ces centres de formation entraînent chaque année des milliers de personnels, civils et militaires, des pays membres de l’Otan, ainsi que de pays partenaires.

Un général français à la tête du centre de guerre interarmées de l'Otan

Le général de division Jean-Fred Berger a pris le commandement du centre de guerre interarmées de l'OTAN (Joint Warfare Center), le 17 juin 2011. Situé à Stavanger (Norvège), ce centre de formation a pour mission de conduire des exercices interarmes et interarmées, et de participer ainsi à améliorer l'efficacité et l'interopérabilité des forces de l'Alliance Atlantique. Reportage sur le JWC, à l'occasion d'un exercice multinational de niveau Etat-major.


Source : Ministère des Armées