Les marins l’ont adoptée comme uniforme dès le XIXe siècle et les couturiers s’en sont emparés, la rendant emblématique. La marinière traverse les générations et elle met en lumière l’inspiration que trouvent les créateurs dans la Marine. Cette année, la Marine nationale lance sa propre marque afin de la faire entrer un peu plus dans le quotidien des Français.
En 1846, quand le Prince de Galles Albert Édouard (futur Édouard VII), alors âgé de quatre ans, apparaît vêtu de la même tenue qu’un matelot du yacht royal, toute la société britannique est sous le charme. En quelques mois, la mode est lancée et, dans les cours européennes, la plupart des garçons et filles de six à quatorze ans portent désormais des vêtements inspirés par ceux des gabiers et des manœuvriers. Mais ce style, qui revisite tricot rayé, jersey, vareuse, caban, pantalon à pont, bâchi et pompon rouge, reste essentiellement enfantin. Si quelques tailleurs et modistes de la fin du XIXe et du début du XXe siècle proposent parfois aux élégantes des versions du col bleu des équipages de la Flotte, c’est Gabrielle Chanel qui, la première, fait sortir des ports et des arsenaux le vêtement marin par excellence : la marinière.
DE LA BLOUSE À LA MARINIÈRE
À l’époque, cette tenue de travail de matelots d’équipage est une blouse de couleur unie équipée d’un grand col, qui n’a rien à voir avec le tricot rayé bleu et blanc que l’on appelle de nos jours « marinière ». Mais, à Deauville où Coco Chanel a ouvert une boutique pendant la Première Guerre mondiale, sa version de la marinière attire l’attention du Tout-Paris qui la trouve aussi pratique que délicieusement transgressive. En soie ou en jersey, portée avec des pantalons à pont, elle devient rapidement une pièce que l’on s’arrache. Il faut attendre la fin des années 1940, pour que le « vrai » tricot rayé bleu et blanc s’impose dans les vestiaires. Ce vêtement apparaît pour la première fois vers 1810 sur des gravures de pêcheurs à Boulogne-sur-Mer, près de la Manche, ou en Bretagne. À l’époque, il descendait jusqu’à mi-cuisse et, rentré sous le pantalon à pont, servait de sous-vêtement. Adopté par la marine impériale russe, puis par la Royal Navy, il s’impose peu à peu dans la vie du bord. Car si les officiers et les officiers mariniers ont alors une tenue de travail réglementée, les matelots d’équipage, eux, n’en ont aucune, et les premiers règlements de la Marine indiquent seulement le nombre de pièces que doit comporter leur trousseau (quantité de pantalons, de tricots, etc.).
INTRONISÉE DANS LA MARINE IMPÉRIALE
Il faut attendre le 27 mars 1858 pour qu’un texte publié au Bulletin officiel de la marine impériale introduise définitivement dans la liste des uniformes du matelot « un tricot rayé bleu et blanc ». Fait d’une seule pièce pour que les marins soient libres de leurs mouvements, il est sans coutures ni boutons, pour éviter qu’ils se prennent dans les cordages. Un décret va même jusqu’à préciser le nombre de rayures, leur largeur et l’espace qui doit les séparer au millimètre près : « 21 raies blanches larges de 20 mm et 20 ou 21 raies bleues larges de 10 mm ». Pour les manches, le tricot doit comporter « 15 raies blanches et 14 ou 15 raies bleues ». Une « tolérance » qui dépendait tout simplement de l’endroit où était coupé le tissu. On dit parfois que les rayures permettaient de repérer un marin tombé à l’eau et que le nombre 21 pour les raies bleues correspondrait au nombre de victoires remportées par les armées napoléoniennes... Mais d’autres assurent au contraire que ce nombre est seulement lié à sa technique de tissage.
LA MARINIÈRE, UN VÉRITABLE OBJET DE MODE
Quoi qu’il en soit, cette tenue caractéristique des quartiers-maîtres et des matelots est peu à peu devenue un symbole de l’élégance française. De nombreuses célébrités l’ont portée, comme John Wayne, Jean Cocteau, Pablo Picasso, le Mime Marceau, Jean Seberg ou Brigitte Bardot. Dès ses premières collections, Yves Saint Laurent s’est pris d’une telle passion pour elle qu’il n’aura de cesse de la mettre en valeur sous toutes ses formes, dans tous les styles et dans les matières les plus diverses. Mais c’est surtout Jean Paul Gaultier qui lui est resté le plus fidèle. En 2006, il la détourne en robe du soir, puis en habille l’accordéoniste Yvette Horner. Dans les années 2000, Kenzo dessine à son tour des marinières, mais avec des pois, tandis que Prada en élargit les rayures. Puis en 2010, l’agence de mannequin Elite fait poser les finalistes de son concours annuel en marinière échancrée... Son succès est presque planétaire. Propulsée en 2012 par Arnaud Montebourg, alors ministre de l’Économie, du Redressement productif et du Numérique dans le gouvernement Valls, sous la présidence de François Hollande, elle est même devenue l’icône du Made in France. Presque tous les grands couturiers, de Jeanne Lanvin à Christian Dior en passant par Hermès, Givenchy, Jean-Charles de Castelbajac, Marithé + François Girbaud, Martin Margiela, Sonia Rykiel, et beaucoup d’autres, ont décliné à l’infini leurs propres interprétations de la tenue du marin. Comme l’a notamment montré en 2009 le Musée national de la Marine avec son exposition « Les marins font la mode », rien ne leur aura échappé.
MARINE NATIONALE, UNE MARQUE À PART ENTIÈRE
Il était donc plus que temps pour la Marine nationale de déposer sa propre marque et de « la faire entrer dans le quotidien des Français tout en contribuant à augmenter son rayonnement », comme le précise l’EV1 Anne-Marine, chef du bureau marque et partenariat du Sirpa Marine et créatrice de la marque Marine Nationale. « Déposée à l’Institut national de la propriété intellectuelle, cette marque, qui mise sur la qualité et l’authenticité, devrait disposer très prochainement de ses premiers produits, poursuit l’EV1 Anne-Marine. Des vêtements, bien sûr, mais aussi bien d’autres objets et accessoires qui plairont très certainement aux marins comme à tous ceux qui sont sensibles au milieu et à l’environnement maritime. » Pour accéder au site de la marque Marine Nationale, rendez-vous dès la fin du mois de mars sur www.boutique.marinenationale.gouv.fr
LA RÉDACTION
Sources : Marine nationale
Droits : Ministère des armées