Lorsqu’on l’observe depuis l’extérieur, le Chevalier Paul est au premier abord un bateau imposant, ancré dans la mer. Si sa longueur de 153 mètres et ses plus de 7 000 tonnes y sont pour beaucoup, il ne faut pas s’arrêter aux apparences. Avec des tourelles de 76 mm disposées devant la passerelle et 6 radars, dont un de veille-air tridimensionnel et un autre de conduite de tir missiles (MFR), le Chevalier Paul est avant tout une frégate de défense aérienne (FDA), tournée vers le ciel. Efficace dans la lutte anti-sous-marine et antinavires, le Chevalier Paul a surtout des capacités lui permettant d’assurer la supériorité aérienne d’un groupe aéronaval sur les théâtres d’opérations extérieures ou dans les approches maritimes du territoire national. « Une FDA est faite pour être à côté du porte-avions, pour le protéger lui, ses escorteurs et ses avions contre des missiles supersoniques autopropulsés ou des bombes d’aéronefs », explique le capitaine de corvette Amin, officier de lutte anti-aérienne au sein de la force navale (OLAAFN) et représentant du commandant sur la fréquence de lutte. À l’intérieur du bateau, dans le central opérations, centre névralgique du bâtiment, c’est l’effervescence. Une vingtaine de marins, impliqués dans des missions très variées, ont les yeux rivés sur leurs consoles. Dix d’entre eux participent ce soir-là à un exercice bien spécifique. Ils observent, scrutent et analysent le ciel à travers leurs radars et écrans tactiques.
PLUSIEURS MOYENS DE DÉTECTION
Les interrogations et les ordres fusent entre le Chevalier Paul et les navires alliés à proximité ; les opérateurs passent rapidement du français à l’anglais et inversement, sous l’œil vigilant de l’officier de 31 ans : « Aujourd’hui, dans le cadre d’un exercice Gabian (du 11 au 15 janvier, NDLR), nous nous entraînons à réagir face à une menace aérienne. Grâce à nos équipements, nous voyons loin et nous pouvons également contrôler des chasseurs. L’objectif est d’établir une bulle de protection de plusieurs dizaines de kilomètres autour du groupe aéronaval ». Mais alors, comment détecter un aéronef suspect avant qu’il n’entre dans cette fameuse bulle ? Pour cela, la frégate dispose de plusieurs moyens de détection, comme son radar de veille-air tridimensionnel à longue portée qui lui permet d’assurer la surveillance de l’espace aérien sur plusieurs centaines de kilomètres et d’identifier les menaces aériennes. « Les avions, c’est comme les voitures, ils naviguent sur des routes. Lorsque l’un d’eux sort de sa trajectoire, qu’il effectue un changement de direction brutal, il est classifié suspect », détaille le maître Frédéric, opérateur radar, dont la mission est d’identifier et de classer les pistes aériennes évoluant à proximité de la force aéronavale. Dans ce cas, le contact radio est établi avec l’aéronef suspect afin de lui demander de clarifier ses intentions. Mais parfois, la communication ne peut être établie et le changement de direction est la conséquence de mauvaises intentions. « Grâce à nos moyens de guerre électronique, nous sommes en mesure d’intercepter et d’exploiter les émissions électromagnétiques des bâtiments et aéronefs à proximité. En d’autres termes, ces émissions radio/radar nous permettent d’identifier et de classifier les différents mobiles : ami, neutre, suspect, voire hostile », explique l’OLAAFN. L’autre moyen, c’est l’identification visuelle grâce à un aéronef du groupe aéronaval chargé d’intercepter l’avion suspect et de mieux connaître ses intentions : “a-t-il les ailes propres ?” Ce jour-là, au large des côtes varoises, plusieurs avions en provenance de la base aérienne 125 d’Istres jouent la menace en sortant de leurs routes et font office de missiles en s’approchant autant que possible du Chevalier Paul.
DES MISSILES ANTI-AÉRIENS DE HAUTE TECHNOLOGIE
L’exercice Gabian est l’occasion idéale de s’entraîner à la guerre dans un contexte géopolitique rempli d’incertitudes et dans lequel des compétiteurs stratégiques veulent prendre l’ascendant. « Nous nous entraînons à faire face et à conserver l’initiative, car nos adversaires peuvent venir mettre en jeu la sécurité de nos propres aéronefs et celle de nos bateaux », prévient le capitaine de corvette Amin. Quand la tension monte d’un cran, la FDA dispose de missiles anti-aériens Aster. Ces missiles de haute technologie ont été développés pour l’interception des menaces aériennes que constituent les aéronefs ou les drones et leurs armes, notamment les missiles antinavires supersoniques. L’Aster peut contrer des missiles assaillants extrêmement rapides et manœuvrant en vol rasant. Les missiles Aster sont logés dans des cellules situées au niveau des lanceurs verticaux, à l’avant du bâtiment. Grâce à la puissance de son système de combat, une FDA peut ainsi s’opposer à une attaque saturante et lancer en quelques secondes de nombreux missiles contre des cibles multiples. « Les missiles Aster nous donnent assez souvent l’avantage sur les avions. C’est notre capacité d’action principale pour les abattre. Ils sont aussi utilisés pour détruire les missiles ennemis qui ciblent notre bâtiment ou une autre unité de la force. » Dans cette lutte anti-aérienne particulièrement intense, la difficulté principale réside dans la capacité à réagir de manière quasi instantanée aux attaques fulgurantes de l’ennemi : « Il faut être attentif et très réactif », explique le maître Frédéric. En moins d’une minute, les missiles doivent être détectés, classifiés « hostile missile », engagés puis réengagés si nécessaire ; une montée d’adrénaline en temps réel : « C’est ce qui me plaît », témoigne l’officier marinier. Avant de conclure : « Je me suis engagé dans la Marine pour travailler au cœur des opérations. La raison même de notre déploiement, c’est justement de coordonner les opérations aériennes menées à partir de la mer dans les zones où nous sommes déployés. Ce rôle de surveillance et de mise en oeuvre de notre système d’armes en cas de nécessité va permettre de sécuriser la progression du groupe aéronaval ». Au premier semestre 2021, le Chevalier Paul sera déployé dans le cadre de la mission Clemenceau 21, en escorte du porte-avions Charles de Gaulle.
EV1 Nicolas Cuoco
Sources : Marine nationale
Droits : Ministère des armées