« Nos bateaux sont conçus pour se défendre des agressions venant de l’extérieur, nous devons être inventifs pour mieux protéger nos marins », annonçait l’amiral Prazuck, chef d’état-major de la Marine devant la commission de la défense nationale, le jeudi 14 mai. La Marine, comme l’ensemble des Français, est confrontée à une menace qu’elle découvre peu à peu et face à laquelle elle doit progressivement adopter des mesures pour se protéger et protéger les autres.
En interne comme en interarmées, elle se reconfigure donc avec réactivité et esprit d’équipage, comme elle l’a démontré lors de la prise en charge des équipages du groupe aéronaval (GAN), touchés par le coronavirus.
L’expertise au service de l’esprit d’équipage
Si la Marine est attentive à l’état de santé de chacun de ses marins, ces derniers n’en oublient pas pour autant leur esprit d’initiative au service de l’ensemble de l’équipage. Dans diverses bases navales ont éclos des dispositifs locaux nés des besoins particuliers et de l’expertise des marins, destinés à endiguer la propagation du virus. Le Fuscol@b et le service logistique de la Marine (SLM) de Brest ont, par exemple, tous deux pallié le manque de visières de protection individuelle, exprimé par le personnel des hôpitaux d’instruction des armées (HIA) et l’hôpital du Scorf à Lorient. Ce dispositif, produit par impression 3D et réutilisable, a ensuite été livré aux 2 hôpitaux de Clermont-Tonnerre.
« La livraison de ces visières de protection s’est montrée très utile dans le cadre de l’épidémie. Elle a été appréciée par les soignants qui l’ont vue comme un acte de solidarité de la part de leurs frères d’armes. Cela montre également la force des liens existant entre la Marine nationale et l’HIA Clermont-Tonnerre », témoigne le médecin-chef des services Renaud, directeur de l’établissement. D’autres impressions de ce type ont été conduites, notamment à bord du Dixmude ou, encore, par l’École des systèmes, technologies et logistique navales au profit des marins-pompiers du Pôle Écoles Méditerranée participant à la désinfection des locaux de la base de défense de Toulon.
Sur la base opérationnelle de l’île Longue, c’est le service de protection radiologique du site qui, voyant la demande en gel hydroalcoolique augmenter, en a lui-même conçu à l’aide d’eau oxygénée, d’alcool à 90°, de glycérine et d’eau purifiée. Les nombreux distributeurs à disposition sur le site sont ainsi approvisionnés par cette solution. Pour éviter de toucher avec ses mains les portes qui, pour des raisons d’hygiène ou de confidentialité, ne peuvent demeurer ouvertes, les ateliers militaires de soutien de la base navale de Cherbourg ont, eux, conçu un ingénieux système de poignée. Grâce à ce dispositif, d’abord imprimé en 3D puis confié à l’atelier charpentage pour une production plus large, les portes s’ouvrent désormais à l’aide de l’avant-bras. Ces initiatives viennent compléter les mesures prises au niveau national et témoignent de l’engagement des marins dans la lutte pour endiguer la propagation du coronavirus.
Éradiquer le Covid-19 à bord des unités du GAN
Entre le 11 et le 12 avril, les bâtiments et les aéronefs du groupe aéronaval (GAN) constitué autour du porte-avions Charles de Gaulle ont rejoint leurs ports-bases et bases d’aéronautique navale. C’est à la suite de l’augmentation à bord de cas symptomatiques compatibles avec une infection par le coronavirus que la ministre des Armées a pris, le 7 avril, la décision du retour anticipé du GAN, alors en mission Foch. Dès leur arrivée et jusqu’au 29 avril, le porte-avions, la frégate de défense aérienne Chevalier Paul, les Hawkeye de la Flottille 4F ainsi que les Rafale Marine et les hélicoptères du groupe aérien embarqué ont fait l’objet d’une vaste opération de désinfection. L’objectif était de permettre aux marins de reprendre au plus tôt leurs missions en toute sécurité. Réalisée par des équipes mixtes interarmées, dont le 2e régiment de Dragons, les marins pompiers de Toulon, le Bataillon de marins-pompiers de Marseille (BMPM), un prestataire extérieur, ou encore des marins des bâtiments concernés, cette minutieuse désinfection s’est montrée particulièrement efficace. En atteste l’analyse des prélèvements effectués par le BMPM, confirmant l’absence du virus à bord des unités infectées.
Témoignage
Trois questions au commissaire général Patrick Henry, chef du GSBdD de Toulon
Comment le groupement de soutien s’est-il reconfiguré en entrée de crise ?
Dès l’annonce du confinement, le groupement de soutien de la base de défense (GSBdD) a ajusté son organisation et son fonctionnement à ces circonstances exceptionnelles. Un PC de crise, composé de personnels de la chefferie, des services et antennes et de renforts externes a été constitué, pour participer à la conception de la manœuvre anti-Covid et venir appuyer les décisions du commandant de la base de défense (COMBdD) et du service de santé des Armées. Son action et son interaction avec la cellule éponyme du commandement de zone et d’arrondissement maritimes Méditerranée ont été décisives. L’offre de services s’est, bien sûr, adaptée pour protéger les marins civils et militaires.
Quelles actions marquantes avez-vous menées durant la crise sanitaire ?
Approvisionner masques et gel, peu disponibles au début de la crise, se doter de matériel de désinfection pour reconquérir logements et restaurants, continuer à assurer les rotations des militaires de l’opération Barkhane, charger le Dixmude en partance pour les Antilles et la Guyane dans le cadre de l’opération Résilience, transporter, loger, nourrir, assurer la quarantaine et la prise en charge médicale des marins du GAN en un temps record à leur retour de mission : les défis n’ont pas manqué, mais nous les avons relevés collectivement, avec tous les acteurs de la BdD et aussi du service du commissariat des armées (SCA) !
Comment avez-vous préparé le déconfinement ?
Il a fallu anticiper la reprise de l’activité (industrielle dans l’arsenal, pédagogique au Pôle Écoles Méditerranée et opérationnelle dans les forces, sur la base d’aéronautique navale, au 54e régiment d’artillerie et au 519e régiment du train), au travers d’un plan de reprise d’activité coordonné avec celui du COMBdD et intégrant les contraintes sanitaires imposées par la coexistence avec le virus. Vis-à-vis des militaires dont nous assurons le soutien, et au-delà de la fourniture d’équipements (masques, gel hydroalcoolique), nous assumons également un rôle « pédagogique » dans la diffusion et l’adoption effective des mesures de protection dans tous les lieux de service. Il faut rester vigilant !
Extrait du Cols Bleus N°3087 - Juin 2020 - Sur le pont ! Fiers de nos marins
Sources : Marine nationale
Droits : Ministère des armées