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Missions - L’hydrographie au cœur de différents domaines de lutte

Mise à jour  : 19/11/2020 - Direction : SIRPA Marine

Déployée dans tous les milieux (air, terre, mer et sous-marin), la Marine sait s’adapter à l’environnement physique dans lequel elle évolue et cherche à l’utiliser à son avantage comme multiplicateur d’efficacité. Elle s’appuie notamment sur des données hydrographiques pour planifier et mener à bien ses opérations.

Le 14 août, au petit matin, la poussière des décombres est encore visible dans l’atmosphère de Beyrouth quand la silhouette du porte-hélicoptères amphibie (PHA) Tonnerre reste figée en mer à quelques nautiques du port. Si le PHA de 199mètres patiente sagement avant de venir épouser les quais libanais, c’est parce qu’il attend le compte rendu d’une équipe de quatre hydrographes affectés au système déployable hydrographique militaire (SDHM). À l’aide d’un sonar de surface et depuis une embarcation semi-rigide, des marins, activés sur ordre de l’état-major des opérations de la Marine (EMO-M), scannent le fond du port pour effectuer une mise à jour des données après les deux explosions survenues le 4 août. L’action de ce détachement d’hydrographes, en alerte toute l’année pour répondre à ces urgences opérationnelles, est indispensable au déroulement de la mission Amitié. « Ils ont permis de réaliser ce que l’on appelle “la levée de doute” dans un port où la cartographie a été modifiée. Ils m’ont donné la garantie que le quai auquel nous allions accoster n’était pas obstrué par des objets dangereux susceptibles d’abîmer la coque », détaille le capitaine de vaisseau Arnaud Tranchant, commandant du Tonnerre. Avant de poursuivre : « Nous sommes arrivés dans un port où près de 300 objets avaient été dispersés par l’explosion. Le SDHM était accompagné par des plongeurs démineurs, et après des relevés hydrographiques, les hydrographes ont fait un compte rendu en moins de deux heures pour me confirmer que les données dont nous disposions étaient favorables. Ils ont ensuite produit une nouvelle carte actualisée, qui a notamment été remise aux autorités libanaises ».

IDENTIFIER UNE ZONE DE PLAGEAGE

Pour le Tonnerre, comme pour tout bâtiment de surface, disposer de cartes régulièrement mises à jour par le Shom est indispensable pour conduire ses opérations côtières : les fonds marins évoluent au gré des courants, au l des saisons et parfois après des catastrophes industrielles ou naturelles. Durant ces trois dernières années, le Tonnerre est intervenu à plusieurs reprises dans des zones touchées par ces phénomènes (ouragan Irma aux Antilles, cyclone Idai au Mozambique, explosions à Beyrouth). À chaque fois, le travail préliminaire des hydrographes a été précieux pour que la composante amphibie puisse intervenir en toute sérénité jusqu’au plageage, rendant possible le débarquement du personnel, du matériel ou des véhicules. Ainsi, les hydrographes contribuent à garantir la liberté de navigation de la Marine mais aussi sa capacité de manœuvre et de projection de force et de puissance. Les opérations de guerre des mines jouent un rôle prépondérant dans la sécurisation de la mise en oeuvre des bâtiments de surface mais aussi des sous-marins. Pour remplir leurs missions, les chasseurs de mines doivent eux aussi disposer d’une connaissance précise du fond des océans. En mer, ils comparent en temps réel les informations sur le fond marin issues de l’analyse des échos de leur sonar à celles de leur base de données hydrographiques an de repérer les anomalies. Cet équipement peut détecter un engin explosif jusqu’à une profondeur de 100 mètres. La mine est ensuite neutralisée par des plongeurs ou des drones.

SOUS LA SURFACE

Taillés pour les grands fonds, les sous-marins ne peuvent naviguer et réussir leurs missions dans les abysses sans carte du relief sous-marin. Là où l’obscurité empêche toute visibilité, la connaissance des caractéristiques hydrographiques de l’environnement est fondamentale : « Pour des raisons de sécurité, le sous-marin doit connaître la hauteur d’eau attendue dans les différentes zones où il va patrouiller, pour ne pas entrer en collision avec les fonds marins », précise le capitaine de vaisseau Jean-Luc, ancien commandant de sous-marins. Il détaille : « À l’aide d’un sondeur ou d’autres senseurs, un sous-marin peut sonder le fond à l’aplomb ou à proximité de sa position. Mais cela permet surtout un contrôle de sa position et la mise en œuvre de réactions d’urgence en cas de remontée de fond inattendue. Disposer d’une cartographie précise est donc vital dès lors que nous naviguons par des fonds proches de l’immersion du sous-marin ». L’hydrographie permet d’anticiper les profondeurs ; elle est également indispensable pour contrôler le bon fonctionnement des systèmes de navigation autonomes du sous-marin et réduire leurs incertitudes : « Lorsqu’ils sont sous l’eau, pour se positionner, les SNA et SNLE utilisent des centrales inertielles. Mais au l de la mission, ces centrales à inertie dérivent. Sonder le fond au sonar permet de contrôler la cohérence de la position qu’elles calculent avec les informations fournies par la carte ». Les données hydrographiques alimentent aussi les choix tactiques. Parmi les informations qui peuvent être lues sur une carte, se trouve en effet la nature du fond constitué de vase, de roche ou encore de sable. La composition et la hauteur du fond conditionnent ses propriétés en matière de réflexion et d’absorption des ondes sonores qui viennent taper dessus, qu’il s’agisse d’ondes émises par un sonar actif ou de bruits générés par les bâtiments. « Certains fonds et profils bathycélérimétriques sont donc plus favorables à la discrétion acoustique que d’autres », concède l’ancien pacha, qui dirige aujourd’hui le centre opérationnel des forces sous-marines. À la surface de l’eau ou au fond des mers, les mesures d’hydrographie sont indispensables ; elles sont un système d’arme du bateau à part entière.

Le Shom produit des ENC (Electronic Navigational Chart) qui référencent, sur une zone donnée, tous les objets maritimes existants et importants pour la sécurité de navigation. À bord, un appareil dédié utilise ces données pour afficher des cartes qui permettent aux marins d’appréhender l’environnement maritime, en complément des cartes papiers traditionnelles. Connaître la nature des fonds et leur profondeur, sur sa route comme autour de lui, permet à un sous-marin de préparer et conduire sa mission en fonction des reliefs, en choisissant des routes adaptées, en identifiant les dangers et contraintes de navigation et en construisant son approche du relief.

Extrait du Cols Bleus N3091 Novembre 2020 - Hydrographie - 300 ans d'opérations


Sources : Marine nationale
Droits : Ministère des armées