En opération, on parle de sauvetage au combat et non de secourisme : contexte oblige, le sauvetage suppose de prendre « moins de précautions ». Au combat, la priorité est la mission en cours.
L’Afghanistan et l’embuscade d’Uzbin, dans laquelle dix soldats français ont trouvé la mort en 2008, ont été le catalyseur de cette prise de conscience. Comme l’armée de Terre, la Marine a donc développé ses propres standards en matière de sauvetage au combat tout en intégrant ses contraintes spécifiques : possibilités de dégagement limitées au sein du navire, navigation souvent isolée, sans soutien sanitaire à court terme, nécessité de maîtriser les conséquences matérielles de l’avarie de combat dans un environnement hostile… Formateurs, gendarmes maritimes ou encore fusiliers marins, ils expliquent pour Cols bleus pourquoi le sauvetage au combat est une arme vitale.
Témoignages
Maréchal des logis chef Jacques-Olivier, gendarme maritime, formateur de formateurs
« On ne peut répondre à une mission opérationnelle si on n’a pas la capacité de porter secours à un équipier »
La loi oblige chaque citoyen à porter secours à toute personne en détresse. La gendarmerie maritime repré sente l’État, et notre compétence va au-delà de la terre. Chaque gendarme a, au minimum, le PSC1, ce qui va lui permettre de gérer une urgence cardiaque mais également de pratiquer les gestes de premiers secours dans le cadre d’une hémorragie externe. Lorsque nous sommes en mer, nous savons qu’il y a le risque d’être les seuls à pouvoir porter secours. Si un plaisancier a un problème, il doit pouvoir compter sur nous.
Par exemple, l’an dernier, au large d’Ajaccio, une jeune femme de 22 ans s’est blessée lors d’un accident en bouée tractée. Son pied s’est pris dans l’hélice du bateau et son cas était sérieux car elle perdait beaucoup de sang. Il fallait agir vite. Nous étions présents dans la zone et avons pu aider cette femme jusqu’à l’arrivée des secours et son transport à l’hôpital.
Nos formations de secourisme ne servent pas seulement à l’exécution de notre métier, mais aussi aux personnes que nous rencontrons. C’est une compétence qui vient s’ajouter à notre travail. Voilà pour le côté civil. Sur le volet militaire, nous pouvons être confrontés à la blessure d’un camarade. Il faut alors pouvoir apporter une solution pour éviter que ce dernier ne soit en situation de détresse, mais aussi pour être en mesure de mener à bien la mission. Nous ne pouvons pas répondre à une solicitation opérationnelle si nous n’avons pas la capacité de porter secours à un équipier. Nous avons donc deux casquettes : action publique et militaire.
Vincent Bonola, référent secourisme de l’École des fusiliers marins
« La question pour un OPSC, ce n’est pas de savoir s’il prendra en charge un jour un blessé, mais quand »
Depuis 2008, tous les combattants sont dotés d’une trousse individuelle (TIC) avec un garrot, de la morphine, des poches à perfusion… Dans un groupe de combat commando, on a deux opérateurs de premiers secours de combat (OPSC) par groupe. Être OPSC, c’est une fonction très particulière, une responsabilité énorme. Les former ce n’est pas uniquement leur apprendre à poser une perfusion, c’est bien plus technique. Quand il y a un blessé, c’est qu’il y a eu un accrochage comme un tir ou une explosion.
Le fusilier qui viendra sauver le blessé sera donc potentiellement encore pris sous le feu. La formation est donc basée sur le « savoir-être ».
Évidemment, il y a une première phase pour apprendre tous les gestes techniques et les procédures, mais on demande en permanence de pouvoir apprécier la situation, c’est-à-dire d’être capable de faire
le bon geste au bon moment. Et parfois le bon geste, c’est de ne rien faire car la situation tactique ne le permet pas. Cela reste des combattants, leur mission première est de combattre et, quand tactiquement c’est possible, d’aller porter secours à leurs camarades. En 2019, il y a eu plus de 80 prises en charge par les OPSC des différents commandos dans diverses situations. La question pour un OPSC, ce n’est pas de savoir s’il prendra un jour en charge un blessé, mais quand. Il y a une véritable mise en pratique de leurs compétences et des situations auxquelles ils sont formés.
Maître Tony, chef d’équipe au commando Hubert, formateur
« Nous travaillons en conditions de stress, de nuit, toutes les semaines »
Le secourisme de combat est une donnée acquise dans les unités ; ses techniques sont enseignées dès les premières semaines suivant l’engagement. C’est notamment le cas au PEM, sur la presqu’île de Saint-Mandrier, réunissant quatre écoles (l’école des systèmes de combat et des opérations aéromaritimes, l’école des systèmes, technologies et logistique navals, l’école de plongée et l’école des matelots).
Formateur de formateur au PEM – l’échelon le plus haut du secourisme institutionnel – le maître Tony est chef d’équipe de niveau SC2 au sein du commando Hubert : « À Saint-Mandrier, nous nous entraînons avec le médecin d’unité. Nous travaillons en conditions de stress, de nuit, toutes les semaines. Le chef de groupe fait travailler une compétence spécifique à travers chaque exercice. Chaque année en septembre, nous prenons une journée pour nous remettre à jour sur le secourisme institutionnel », assure-t-il. Parfois, formation théorique et pratique se rejoignent. Ce fut le cas pour le maître Tony lors d’une mission à Djibouti : « Les commandos pouvaient aller régulièrement à l’hôpital Bouffard pour participer à la pose des perfusions, suturer et même assister à des interventions chirurgicales. Cela contribuait à accroître notre “culture” médicale et à nous faire découvrir des cas non conformes ».
Chaque année, le PEM forme 8 000 militaires. L’expérience du commando Hubert en la matière est un atout précieux pour les futurs marins.
École des fusiliers marins
Le secourisme 2.0
La formation en secourisme peut faire appel à de nouvelles solutions immersives pour permettre aux élèves d’approcher au plus près la réalité. C’est le cas ’un mannequin utilisé par la force des fusiliers marins et commandos pour la formation au secourisme de combat. « C’est un mannequin qui fait la taille et le poids d’un être humain, explique Vincent Bonola, référent secourisme de l’École des fusiliers marins. Il peut parler, respirer, on perçoit son pouls carotidien… On peut réaliser dessus tous les gestes qu’un opérateur de premiers secours de combat pourra être amené à faire. »
L’école dispose également de salles de simulation équipées de fenêtres virtuelles permettant de créer des événements extérieurs, comme la venue d’un hélicoptère.
Le saviez- vous?
La Capinav
Le cas d’une catastrophe à bord d’un navire de croisière nécessitant une prise en charge rapide d’un grand nombre de victimes a été anticipé et a conduit à la création d’une capacité nationale de renfort pour les interventions à bord des navires (Capinav).
Lorsqu’elle est activée, elle s’appuie sur l’expertise du BMPM pour apporter la réponse opérationnelle la plus opportune.
Les marins-pompiers des trois façades s’intègrent à ce dispositif aux côtés des pompiers du SDIS 59.
Sources : Marine nationale
Droits : Ministère des armées