Accueil | Marine | Magazine | Horizons | Second Empire - La Marine dans la seconde guerre de l’opium Marine ... Horizons | Second Empire - La Marine dans la seconde guerre de l’opium

Second Empire - La Marine dans la seconde guerre de l’opium

Mise à jour  : 03/02/2021 - Direction : SIRPA Marine

Au XIXe siècle, la Chine traverse une crise sociale et économique qui affaiblit politiquement la dynastie Qing, ce qui attise les velléités expansionnistes des Occidentaux. Combinant pressions diplomatiques et opérations militaires, ces derniers veulent obliger la Chine à ouvrir son marché. La Marine, forgée par Napoléon III en instrument d’appui à sa politique étrangère, va alors jouer un rôle central dans les manœuvres françaises en Asie orientale.

Depuis la fin de la première guerre de l’opium qui opposa la Chine à la Grande-Bretagne (1840-1842), le traité de Nankin garantit aux Anglais le libre commerce de l’opium et l’accès à cinq ports, dont Shanghai. Grâce à la concession territoriale du port de Hong Kong, les Anglais sont solidement implantés dans la région et la France, les États-Unis ou encore la Russie signent des accords similaires pour y renforcer leur présence.

LA CHINE, OBJET DE TOUTES LES CONVOITISES

Ces accords sont rapidement jugés insuffisants par les Occidentaux, qui veulent forcer la Chine à s’ouvrir davantage. En 1854, Français, Anglais et Américains demandent à négocier de nouveaux accords, mais se heurtent à une fin de non-recevoir. Pour arriver à leurs fins, les Français et les Anglais vont utiliser l’exécution du missionnaire français Auguste Chapdelaine dans la province du Guangxi (février 1856) et l’arraisonnement d’un navire anglais (l’Arrow) comme casus belli. Les Américains et les Russes se joignent à eux mais ne participeront pas, ou peu, aux opérations.

LA DIPLOMATIE DE LA CANONNIÈRE

En novembre 1856, le contre-amiral Rigault de Genouilly prend la tête des forces navales françaises d’Extrême-Orient, une division qui doit mener des opérations coup de poing pour faire plier la Chine. Le 28 décembre 1857, il prend d’assaut Canton avec la flotte anglaise. Il y reste jusqu’en mars 1858 avant de se diriger vers le nord avec son escadre, composée entre autres des frégates Nemesis et l’Audacieuse, des corvettes à vapeur Primauguet et Phlégéton, des transports la Durance et la Meurthe et des canonnières Mitraille, Fusée, Avalanche et Dragonne. Toujours avec les Anglais, il attaque le 20 mai les forts de Takou à l’embouchure de la rivière Pei-ho (aujourd’hui Hai He) pour ensuite remonter jusqu’à Tianjin. Face à ces démonstrations de force, les Chinois cèdent et signent le traité de Tianjin le 27 juin 1858, qui accorde l’ouverture de onze ports supplémentaires et l’établissement de missions diplomatiques à Pékin, jusque-là interdite aux Occidentaux. Alors que l’affaire paraissait entendue, les Chinois rechignent à faire appliquer le traité. La flotte qui transporte les ministres franco-britanniques se rendant à Pékin pour ratifier le traité est accueillie à coups de canon à l’embouchure de la Pei-ho, le 25 juin 1859.

Face à la résistance chinoise, Napoléon III décide d’envoyer un corps expéditionnaire, sous le commandement du général de division Cousin de Montauban, pour faire respecter le traité de Tianjin, obtenir des réparations et une concession territoriale afin que la France puisse avoir « son » Hong Kong. En décembre 1859, une flotte de 65 navires quitte la France sous le commandement du vice-amiral Charner. Elle transporte 5 590 soldats d’infanteries, 1 200 artilleurs et 311 militaires du génie. Après avoir fait escale à Singapour, la flotte française se regroupe avec celle de la Royal Navy à Hong Kong avant de prendre la direction de Shanghai, choisie pour être le quartier général du corps expéditionnaire. À la fin du mois d’avril, la flotte prend la direction du nord pour rallier la pointe de Tché-Fou (aujourd’hui Yantai) à l’entrée du golfe de Pé-Tché-Li (Bohai).

Des troupes y débarquent pour en faire un camp de base intermédiaire. Le 25 juillet, la flotte franco-anglaise quitte Tché-Fou pour rejoindre l’embouchure de la Pei-ho. Près de 200 navires vont y mouiller pour préparer le débarquement des troupes qui doivent marcher sur Tianjin. Les premiers détachements débarquent le 1er août à Peh-Tang, au nord de la rive gauche de la Pei-ho. Ils prennent le contrôle de forts et de villages côtiers afin de faciliter le débarquement du corps expéditionnaire, qui a lieu le 14 août. Les forts de Takou (qui ont été réarmés après les opérations de 1858) et leur artillerie redoutable sont enlevés le 21 août après de féroces combats soutenus par les canons de la flotte. La route de Tianjin est ouverte. Avec le soutien de la Marine, qui utilise des canonnières et des embarcations locales pour transporter troupes et ravitaillement, le corps expéditionnaire remonte la Pei-ho et atteint Tianjin le 31 août ; elle sera prise le 2 septembre. Après l’échec d’une première tentative de négociation, les troupes franco-anglaises marchent sur Pékin, qu’elles rejoignent le 26 septembre. Le « palais d’été » de l’empereur qui a fui la ville est incendié. Les Chinois, acculés, n’ont d’autre choix que de revenir à la table des négociations. La convention de Pékin, qui met fin aux hostilités, est signée le 24 octobre. La Chine devra appliquer le traité de Tianjin, mais aussi payer des indemnités de réparation, légaliser le commerce de l’opium, réduire ses droits de douane ou encore ouvrir la circulation du Yang-Tsé-Kiang aux Occidentaux.

UNE PRÉSENCE NAVALE FRANÇAISE RENFORCÉE

« Dans cette expédition de Chine, la Marine a bravé toutes les difficultés d’une traversée longue et dangereuse, toutes les fatigues d’un travail incessant, tous les périls de l’action avec un sang-froid, une énergie et une bravoure dignes de tous les éloges. »*

Pour mener à bien cette expédition, la flotte française a assuré le ravitaillement du corps expéditionnaire, en plus de lui fournir un appui opérationnel décisif. Entre l’automne 1859 et l’été 1860, près de 3,6 millions de rations et 100 000 tonnes de charbon sont acheminés en Chine. Une fois les hostilités terminées, la flotte réembarque l’ensemble des troupes pour la métropole tandis qu’une escadre, placée sous les ordres du vice-amiral Charner, fait route vers Saigon (l’actuelle Hô Chi Minh-Ville). Elle doit y porter secours à l’unité d’infanterie de Marine assiégée dans la ville, conquise en février 1859 par le contre-amiral Rigault, et reconstituer la station navale d’Indochine. Si la France n’a pas obtenu de concession territoriale en Chine, la station navale de Saigon, dite des mers de Chine et dont les navires opèrent vers Shanghai et Yokohama, assure désormais une présence française permanente dans la zone.

EV1 Thomas Casaux


Sources : Marine nationale
Droits : Ministère des armées