Du 5 au 19 janvier 2021, la base aérienne 188 "Colonel Emile Massart" des Forces françaises stationnées à Djibouti (FFDJ) accueille une campagne valorisée axée sur l’Entry Force. Outre les moyens aériens prépositionnés à Djibouti, de nombreux aéronefs ont été déployés depuis la France. L’occasion pour eux de s’entraîner ensemble, dans un cadre unique, similaire aux théâtres d’opérations les plus difficiles.
Deux Mirage 2000D de la 3e escadre de chasse à Nancy, six Rafale des 4e et 30e escadres de chasse (EC) de Saint-Dizier et de Mont-de-Marsan, deux Mirage 2000-5 appartenant à la 2e escadre de chasse de Luxeuil, un A330 Phénix déployé par la 31e escadre aérienne de ravitaillement et de transport stratégiques d’Istres et les moyens des FFDJ (Casa, Puma, Mirage 2000-5) sont mobilisés pour cette campagne valorisée. Pilotes, mécaniciens, opérateurs L16, contrôleurs aériens, techniciens des systèmes d’informations et communications ou encore spécialistes du renseignement sont à la manœuvre pour permettre le bon déroulement de cet exercice à plus de 8 000 kilomètres de la France. « Cet entraînement est comparable à “Volfa”, explique le lieutenant-colonel Sébastien, directeur de l’exercice. Le nombre d’avions est certes plus modeste, mais les missions, reposant sur un scénario ayant pour dominante la notion d’Entry Force (entrée en premier au déclenchement d’une opération), demeurent tout aussi complexes. » Tous les jours, des Basics waves et des Advanced waves décollent de la piste de la base aérienne 188. Les Advanced, plus ardues et destinées aux équipages qualifiés, donnent la part belle aux Composite Air Operations (COMAO) qui regroupent dans un même dispositif, plusieurs types d’appareils aux rôles distincts. Les différents escadrons s’affrontent sur des scénarios variés, dans lesquels les Aviateurs sont tour à tour alliés ou agresseurs.
Aux commandes de ces COMAO, des pilotes se relaient afin d’assurer la fonction de Mission Commander, chef d’orchestre du raid aérien. Depuis le poste de commandement des opérations, un Airboss anime quant à lui les missions grâce à une visualisation de la situation aérienne tactique en temps réel diffusée par CSI. Cette interface de l’OTAN fusionnant les différents capteurs de la zone – radar Centaure des FFDj et capacité liaison 16 (L16), est déployée pour l’exercice par l’Escadre aérienne de commandement et de conduite projetable (EAC2P) d’Évreux. Elle peut également injecter en live et en virtual des pistes « sol » simulées sur le réseau afin de faire évoluer le scénario et ainsi tester les capacités de réaction des Aviateurs. « La liaison 16 permet à tous les acteurs de voir l’effet que nous avons voulu simuler, comme un système de défense sol-air par exemple », explique le capitaine François, spécialiste de l’outil collaboratif Tacview, logiciel qui permet aux pilotes de débriefer leurs entraînements, en passant au peigne fin l’ensemble des actions réalisées et en restituant les trajectoires prises en trois dimensions.
Un échange de culture entre les escadrons
Pour les différentes unités mobilisées, les objectifs d’entraînement sont multiples. Du côté des équipages Mirage 2000-5 du 1/2 « Cigognes », dont le 3/11 « Corse » est comme leur escadron frère et Djibouti, leur deuxième maison, il s’agit « de se perfectionner, d’aller dans le détail » pour reprendre les propos du chef de détachement, le lieutenant-colonel Joan. « Ici tous les moyens et les acteurs sont colocalisés, indique-t-il. Ce sont des conditions idéales pour côtoyer nos homologues sur Rafale et Mirage 2000D, mais, surtout, pour cerner leurs attentes. Le fait de pouvoir préparer les missions puis de les débriefer ensemble, de visu, sans l’intermédiaire d’un téléphone ou d’un mail, est une vraie plus-value. » Quatre sorties aériennes par jour sont programmées pour le 1/2 « Cigognes » qui vole en patrouille mixte avec le 3/11 « Corse ». Des scénarios riches et variés les attendent. Pour en citer quelques-uns : défense aérienne de l’espace aérien djiboutien, protection d’aéronefs lents comme des hélicoptères, attaque (fictive) d’appareils à haute valeur ajoutée tel qu’un ravitailleur, passes de tir canon sur le site de Koron, ravitaillement en vol ou encore recherche et sauvetage de personnel.
Du côté des Mirage 2000D, un détachement de 50 personnes a posé ses bagages dans la Corne de l’Afrique avec en ligne de mire six sorties aériennes par jour. « Nos objectifs sont les suivants : prendre à nouveau part à un exercice haut du spectre dans le domaine de l’Entry Force, entraîner les plus jeunes dans un environnement beaucoup moins restreint qu’en France et mettre en situation de leader nos pilotes de combat opérationnel qui préparent leur qualification de sous-chef de patrouille », détaille le commandant Nicolas, mission commander du raid Shaheen et chef de détachement Mirage 2000D. Nous avons également poussé la porte du détachement Rafale composé de cinq pilotes de la 30e EC ainsi que de sept pilotes et sept NOSA (navigateur officier système d’armes) de la 4e EC. « Au-delà de l’Entry force, nous nous entraînons aussi à la protection d’un raid et à la défense de zone. Le fait de pouvoir réaliser du tir réel dans un cadre tactique complexe est une vraie plus-value, indique le commandant Rémi. Dans nos rangs, certains vivent leur premier exercice. La colocalisation avec d’autres escadrons est d’autant plus intéressante pour eux qui ont beaucoup à découvrir et à apprendre. »
Un espace aérien de 250 kilomètres de long sur 200 kilomètres de large
L’environnement djiboutien offre un cadre d’entraînement hors-norme, exceptionnel, car très proche des théâtres d’opérations les plus exigeants. Milieu montagneux, étendues désertiques ou encore espace maritime, environnement interarmées et interallié permettant les scénarios les plus complexes : voilà le décor dans lequel les FFDJ évoluent au quotidien. Une aubaine pour tous les équipages. « L’espace aérien est beaucoup moins restreint qu’en métropole. Nous disposons de vastes étendues avec une faible densité de population et peu de trafic aérien civil, ce qui accroît les possibilités de manœuvres », explique le commandant Rémi. De plus, les zones de travail sont situées à proximité immédiate. En effet, quatre minutes suffisent pour rejoindre les zones d’entraînement, contre 20 à 25 en France. Sur une heure de vol, 50 minutes peuvent, par conséquent, être consacrées à l’entraînement à la mission, contre 20 à 30 minutes en France. Des conditions optimales dont compte bien tirer parti cette campagne valorisée qui battra son plein jusqu’au 19 janvier.
Rencontre avec un expert des liaisons de données tactiques La mise en œuvre des liaisons de données tactiques (LDT) en exercice ou en opération repose sur une organisation rigoureuse. Ce n’est pas le capitaine Mathieu, le Joint Interface Control Officer (JICO) de la campagne valorisée, qui dira le contraire. Lors de la phase de planification, c’est lui qui était en charge de définir l’architecture LDT afin de répondre aux besoins de l’exercice. « Les LDT, ce n’est pas uniquement la liaison 16 (L16), explique-t-il. Il en existe une grande variété, toutes adaptées à un emploi particulier, telles que les liaisons 1, 11, 22. Il existe également le JRE (Joint Range Extension), un protocole de transformation d’informations LDT en données IP (Internet Protocol), afin de les envoyer sur de très grandes distances et permettant à un centre de commandement et de contrôle (C2) en métropole de recevoir une situation tactique d’un théâtre lointain en quasi temps réel. Ce fut d’ailleurs le cas lors des raids Shaheen et Minotaure, retransmis aux C2 basés à Lyon et Taverny, à plus de 8 000 kilomètres de là. »
Une fois le plan de déploiement LDT défini, ce sont deux techniciens L16 de l’EAC2P qui ont mis en œuvre tout le système (antenne L16, routeurs, KGML (kit de gestion multiliaison) et L11 qui permet de récupérer les pistes des radars Centaure de Djibouti. Le capitaine Mathieu est également chargé de rédiger l’Optask link, un document qui définit les paramètres d’utilisation des différents réseaux et attribue, entre autres, des identifiants à l’ensemble des participants. « En conduite, je dois faire en sorte qu’ils les respectent. S’ils venaient à se tromper et que deux aéronefs prenaient le même identifiant, cela créerait un conflit et le réseau ne serait plus stable. » Et d’ajouter : « J’adapte également le réseau en fonction des besoins de l’exercice. Si demain, une frégate passe au large de Djibouti et qu’on souhaite la faire participer à nos entraînements, je peux intégrer ce nouvel acteur dans le réseau. » Mais le rôle du capitaine Mathieu ne s’arrête pas là. Il doit également résoudre les éventuels problèmes relatifs aux LDT qui pourraient se poser durant la campagne valorisée. « La liaison 16 est un peu comme un chat lunatique, plaisante-t-il. Certains jours, elle ronronne, d’autres jours, elle griffe. Aujourd’hui par exemple, les Rafale ne parvenaient pas à entrer dans le réseau. C’est à moi de trouver pourquoi. » Il assiste donc régulièrement aux débriefings des missions afin notamment de recueillir les difficultés rencontrées par les équipages ou de signaler le non-respect des paramètres par les participants. Un travail de l’ombre pourtant essentiel au bon déroulement de cet exercice et, d’une manière générale, des opérations menées par l’armée de l’Air et de l’Espace. |
Sources : Armée de lair et de lespace
Droits : Armée de lair et de lespace