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Retour sur l’opération Daguet : 3 questions à l’adjudant-chef Mathieu

Mise à jour  : 26/02/2021

Retour sur l’opération Daguet, première interview de notre série par ceux qui l’ont vécue. L’adjudant-chef Mathieu fut projeté sept mois sur l’opération Daguet, de fin septembre 1990 à début mai 1991. Il était conducteur secrétaire du trésorier de la 6e brigade blindée légère, au sein du détachement du commissariat au 6e régiment de commandement et de soutien. Actuellement affecté au 14e régiment d’infanterie et de soutien logistique parachutiste, il accepte de partager son expérience à l’occasion des trente ans de l’opération.

Mon adjudant-chef, quel était votre état d’esprit lors de l’opération ?

Désigné à la fin septembre 1990 afin d’armer le poste de secrétaire et de conducteur de la trésorerie de la 6e BLB dans le cadre de l’opération Daguet et après un bref au revoir à mes parents, j’ai embarqué sur l’Estérel (bateau SNCM). Après quelques jours de navigation, j’ai débarqué en Arabie saoudite à Yanbou, puis nous nous sommes déplacés en rames tactiques dans les environs de la cité du roi Kaled (CRK) King Khalid Military City (KKMC) à Miramar à une trentaine de kilomètres de CRK.

Début janvier 1991, la division s’est déplacée de Miramar vers le Nord de Rafha (frontière saoudo-irakienne).

Fin février, à l’issue de la grande offensive "Tempête du désert", nous sommes passés en Irak où nous avons stationné à AS-Salman durant un peu plus d’un mois. Entre les mois de mars et avril 1991 l’ensemble du personnel est rentré en France.

Ma fonction en qualité de secrétaire-conducteur de la trésorerie de la 6e BLB était de réaliser de multiples tâches administratives, de conduire le trésorier de la 6e BLB, le LTN F du 6e régiment étranger de génie, en TRM 4000 sur les différentes zones afin de distribuer les avances de solde au profit du personnel de l’ensemble de la force française.

Quant à moi je suis rentré en France début mai 1991. Une fois la réintégration des matériels réalisée, j’ai pu bénéficier de quelques jours de congé afin de me ressourcer auprès de mes proches.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur l’opération Daguet ?

Cette opération m’a beaucoup apporté sur le plan personnel et professionnel. Je suis arrivé soldat en Arabie saoudite, en fin d’opération j’étais caporal. Pendant sept mois, j’ai eu comme chef un lieutenant de la Légion étrangère. Il m’a beaucoup appris et a su me guider dans mes tâches en tant que jeune soldat. J’ai parcouru du chemin depuis cette guerre. Pourtant, je ne me suis jamais égaré de ce fil conducteur que m’a enseigné mon chef de section du 6e REG de Laudun.

Avez-vous des anecdotes à nous partager sur cette opération ?

J’ai beaucoup de souvenirs de cette opération, et cela sur des thèmes très variés.

La grande offensive

Au moment de la grande offensive "tempête du désert", j’étais de service ce soir-là. L’horizon était rouge, nourri par les feux de l’artillerie française. À chaque passage d’hélicoptères, un bruit sourd résonnait dans nos tympans.

Menaces NRBC

Nous étions en permanence sous menace biologique-chimique. Régulièrement, à chaque alerte Scud, je devais porter ma tenue NRBC avec mon ANP et sans tarder, rejoindre une zone en attendant la fin de l’alerte, cette dernière mettait souvent du temps à arriver. Parfois, avec la fatigue, je m’endormais avec l’ensemble de l’équipement.

Courrier et nouvelles des proches

Il fallait environ trente jours pour recevoir des nouvelles de nos proches, même si à la fin de l’opération le courrier arrivait sous quinze jours. Pendant, l’opération j’ai pu téléphoner à mes parents pendant cinq minutes. 

Hébergement et climat

Nous étions logés sous tente avec un équipement très rudimentaire.

La température pouvait descendre à moins 7°C la nuit et elle montait souvent jusqu’à 50°C la journée.

Alimentation

L’alimentation en RCIR était peu variée. Nous avions souvent les trois mêmes menus. À l’issue de l’opération Daguet, un système de menus panachés a été mis en place. Lors de mon retour en France, j’ai dû réapprendre à me nourrir correctement, mon organisme s’étant habitué à recevoir peu de nourriture.

Santé

Avec le manque d’eau, la chaleur le jour, le froid la nuit et une hygiène très réduite, j’ai eu la voûte plantaire des deux pieds brûlée au second degré.

A quinze jours de rentrer en France, j’ai eu un gros coup de chaleur avec un pronostic vital engagé. Le service médical m’a évacué en VAB vers le centre médical français le plus proche qui était positionné à CRK à ce moment-là, lors de la phase de redéploiement, afin d’être perfusé. Au bout de quelques jours, le médecin m’a autorisé à rejoindre mon unité pour rentrer en France.


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