14 Juillet : les enjeux de la guerre de demain

À quoi ressembleront les conflits de demain ?

Aucune guerre ne ressemble aux guerres déjà vécues. Le travail de la division Cohérence Capacitaire de l’état-major des armées consiste à réfléchir à l’ensemble des possibles et à construire un modèle d’armées capable d’y faire face tout en conservant une forme d’agilité et de capacité d’adaptation. Actuellement trois grandes tendances se dessinent.

La première est la guerre entre grandes puissances. Nous assistons à un ensauvagement du monde, avec un retour des puissances qui se réaffirment de manière décomplexées. De nombreux Etats réarment massivement. Le risque de guerre majeure n’est pas à écarter. Nos générations ont jusque-là été heureusement épargnées mais il est essentiel de nous y préparer. La seconde concerne l’affirmation de nouvelles puissances et d’Etats voulant à nouveau peser sur les orientations de notre monde. Cela se traduit par des politiques régionales assez agressives et des actions d’influences qui pourraient conduire à des affrontements impliquant l’Europe et la France. La dernière tendance est celle des combats que nous connaissons dans la lutte contre le terrorisme : une guerre asymétrique contre des groupes qui agissent lâchement sans règles, sans éthique et de manière barbare.

Comment préparer nos armées à ces différents scénarios ?

C’est un travail d’équipe. Dans le domaine des futurs équipements, nous travaillons étroitement avec la Direction générale de l'Armement. Nous le faisons aussi de plus en plus avec nos partenaires européens. Ensemble, nous préparons le renouvellement de nos capacités et menons des projets extraordinaires comme par exemple l’avion de combat du futur ou le char du futur. Mais nous menons également des travaux sur des domaines de rupture comme le spatial ou le cyber. Nous développons des drones qui trouvent une application dans tous les champs d’affrontement : le futur système de combat aérien mettra en œuvre des essaims de drones contrôlable par le pilote depuis son cockpit. Dans le domaine naval, ils vont permettre de lutter encore plus efficacement contre les mines. Dans quelques années, certains hélicoptères à bord de nos bâtiments seront remplacés par des drones. Dans le domaine terrestre, des drones de très petite taille seront largement utilisés pour apporter au soldat une meilleure perception de son environnement, faire de la reconnaissance et réduire la vulnérabilité des forces. Vous le constatez, il y aura plus d’engins robotisés. Mais l’homme restera au cœur du combat futur. C’est à lui que reviendra la prise de décision.

Quel sera l’impact des nouvelles technologies dans la préparation de la guerre de demain ?

Avoir l’avantage au combat repose sur de nombreux facteurs. La performance des équipements, des moyens d’analyse, la rapidité du cycle de décision comptent. La force morale, l’entrainement, le volume de moyens engagés aussi. Nous veillons donc à développer et intégrer les technologies dès lors qu’elles permettent à nos armées de prendre l’ascendant sur des adversaires bien équipés et formés. Mais il serait faux de penser que la technologie conduira à une guerre robotisée, désincarnée. L’homme restera au cœur du combat car la guerre est in fine une confrontation de volontés. Les armées sont l’expression de la volonté de leur pays.

La technologie doit simplement apporter au combattant tous les éléments qui lui permettront de conserver l’initiative et de gagner demain une bataille qui sera très difficile. C’est donc un outil que nous essayons d’apprivoiser au mieux et d’adapter au combattant et aux conditions dans lesquelles il en fera usage.

Aujourd’hui le soldat, le marin ou l’aviateur s’oriente vers un combat connecté : une connectivité qui les relie les uns aux autres et qui leur permettra de comprendre et agir avant l’adversaire. C’est ce qui doit leur permettre de garder l’initiative en permanence et d’accroître les chances de survie de leur groupe. Nous voyons, par exemple, que l’intelligence artificielle peut apporter énormément, que le domaine du numérique bouleverse le tempo d’évolution de certains moyens de combats. Nous voyons également que la cyber sécurité et la protection des informations revêtirons également un rôle important.

L’humain aura donc un rôle clé. Comment préparez-vous les combattants à ces futurs conflits ?

Dans les guerres de demain, il est beaucoup question de technologie, c’est ce qui nous attire. Nous pourrions nous demander s’il y aura des combattants augmentés dotés de superpouvoirs : si Ironman combattra Superman. En fait, le combat restera humain. La préparation physique et mentale du combattant restera essentielle. Nos futurs combattants devront porter des valeurs très fortes mais aussi des notions d’éthique très importantes pour mener l’action de la République et de la France sur des théâtres d’opérations extérieures extrêmement complexes. Le champ de bataille évolue et le profil du combattant change. Nous ne sommes plus dans la recherche permanente d’un soldat capable de porter un sac de 50kg sous 50 degré au soleil. Avec le commandement de la cyberdéfense et le commandement de l’espace, nous sommes aussi à la recherche de compétences et expertises modernes, très pointues. Avec l’essor du numérique dans nos outils de combat, nous aurons besoin de soldats capables de programmer, de développer des moyens immatériels. Ces agents agiront dans des champs d’affrontement nouveaux et essentiels pour la guerre de demain.