Plus de cinquante ans après le drame, le sous-marin disparu a été retrouvé au large de Toulon. L’occasion pour cet homme d’écrire un livre afin de retracer le « combat de sa vie ».
COLS BLEUS : Le 21 juillet 2019, la Minerve a été localisée cinquante et un an après sa disparition. Qu’avez-vous ressenti ce jour-là ?
HERVÉ FAUVE : Une forte émotion et un profond soulagement. C’était quelque chose que les familles attendaient depuis si longtemps qu’elles ne croyaient plus cela possible. Pour beaucoup, l’émotion a été tellement intense que cette annonce a presque été équivalente à celle du décès des disparus. Un soulagement aussi car on attendait ce moment depuis plus de cinquante ans et cette attente était enfin terminée. Tout au long de ma vie, j’étais convaincu que l’on retrouverait l’épave. Mais en juillet 2018, soit un an avant la découverte, je dois avouer que je n’y croyais plus du tout. L’espoir a commencé à renaître lorsque la préfecture maritime de Toulon m’a détaillé le travail de préparation entrepris pour la phase de recherche avec le traitement des données depuis 1968. J’étais littéralement impressionné !
C. B. : Pourquoi avoir coécrit « Retrouver la Minerve » ?
H. F. : La première raison est toute simple : de très nombreuses personnes m’ont demandé d’écrire un livre sur ce sujet ; l’idée a donc fait son chemin progressivement. Quand Léonard Lièvre (le second auteur) est venu me proposer de coécrire un livre, je me suis dit que c’était pour moi un moyen de répondre à ces attentes. Enfin, dans ces écrits, il était important de donner ma version de l’histoire car je commençais à entendre des choses qui, selon moi, s’éloignaient un peu de la réalité, des spéculations. Cette envie d’informer m’a demandé beaucoup d’efforts puisque j’ai été amené à me replonger dans les archives et à étudier de nouveau tous les événements de cette histoire depuis cinquante ans.
C. B. : À la lecture du livre, on apprend notamment que vous avez plongé sur la Minerve peu de temps après sa découverte. Racontez-nous.
H. F. : C’était un moment d’une intensité comme je n’en avais jamais vécu. Dans un premier temps, il y a eu cette opportunité extraordinaire de pouvoir plonger à une profondeur exceptionnelle (2 200 m) à bord du sous-marin Limiting Factor. Je mesurais donc l’immense privilège qui m’était fait. Enfin, il y a eu l’émotion de voir de mes propres yeux la Minerve. Cet instant est difficile à décrire car, durant toutes ces années, retrouver l’épave a été le combat de ma vie. Il était donc inimaginable d’être à seulement quelques mètres de tout cet équipage. Cela a provoqué en moi une émotion extrêmement intense. D’ailleurs, il m’a fallu plusieurs semaines pour m’en remettre.
C. B. : Aujourd’hui, dans quel état d’esprit êtes-vous ?
H. F. : Serein, avec le sentiment du devoir accompli. Je me dis que j’ai contribué à provoquer quelque chose qui répondait aux attentes de toutes les familles des marins de la Minerve et des frères d’armes de ces hommes qui ont péri. J’ai reçu énormément de témoignages et de remerciements, c’est une certaine forme de soulagement de l’avoir fait. Enfin, je dois dire que, tout au long de ces années, j’ai beaucoup apprécié le climat de franchise et de transparence absolu dans lequel j’ai pu travailler avec la Marine. Il y a eu des échanges réguliers, toujours dans un esprit de confiance. Lorsque la Minerve a été retrouvée, j’ai demandé toutes les photos et les films réalisés, et la Marine me les a fournis sans délai. Tout s’est parfaitement déroulé. Certains me disaient : « On doit te cacher des choses ». Moi, je n’ai jamais eu ce sentiment.
Propos recueillis par l’EV1 Nicolas CUOCO
Le drame de la Minerve
Le 21 juillet 2019, Florence Parly, ministre des Armées, annonçait que l’épave du sous-marin Minerve, disparu en 1968 avec 52 marins à son bord, avait été retrouvée. De nombreux moyens et acteurs ont contribué à localiser l’épave tels que Ocean Infinity, l’Ifremer, le Service historique de la défense, le Shom, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies renouvelables (CEA) ou encore l’emploi de sonars, de drones et d’engins sous-marins téléopérés. Cinquante et un ans plus tôt, le 27 janvier 1968, ce sous-marin de la classe Daphné effectue un exercice avec un avion de patrouille maritime Breguet Atlantic au large de Toulon. De mauvaises conditions météorologiques rendent les communications difficiles, entraînant une suspension de l’exercice. Le dernier échange entre l’aéronef et le sous-marin a lieu à 7h55 alors qu’une onde de choc est enregistrée à 7h59 par les stations sismologiques de la côte, dernière trace laissée par le sous-marin.
Retrouver la Minerve
« Aux 52 hommes d’équipage de la Minerve. À ceux qui se sont éteints sans savoir où ils reposaient. À ceux qui les ont connus. À ceux qui auraient aimé les connaître et qui auraient voulu les aimer. À tous les sous-mariniers disparus en mer. » C’est avec ces hommages que l’on entame la lecture de cet ouvrage passionnant de près de 300 pages. Grâce à un long travail d’enquête, Hervé Fauve, fils du commandant de la Minerve, et Léonard Lièvre reviennent avec précision sur les derniers signes de vie du sous-marin et les importants moyens mis en œuvre pour le retrouver dans les heures qui suivirent l’accident le 27 janvier 1968. De la disparition de la Minerve à l’annonce de la reprise des recherches en passant par la solidarité qui unit les cinquante-deux familles et leur combat pour faire vivre la mémoire des leurs, les auteurs retracent sous différents angles ce demi-siècle de doutes et d’espoirs. Retrouvés le 21 juillet 2019 au large de Toulon, la Minerve et ses hommes reposent à plus de 2 200 mètres de profondeur. Une sépulture qu’Hervé Fauve a pu voir de ses propres yeux. Un épisode « improbable », raconté avec émotion.
Retrouver la Minerve, Hervé Fauve et Léonard Lièvre, Éditions Konfident, 2020, 293 pages, 19,50 €.
Sources : Marine nationale
Droits : Ministère des armées