Réalistes, pleines de couleurs et de vie, les toiles de Yong-man Kwon h sont aisément reconnaissables à l’indéfinissable précision de ses coups de pinceau. S’il compte parmi les membres de l’académie des peintres officiels de la Marine, il ne se restreint pas à un domaine. Très attaché au milieu des armées, il s’inspire souvent de ses frères d’armes dans ses compositions, mais ne dédaigne pas en effet les sujets ordinaires. Ce peintre polyvalent a accepté d’ouvrir les portes de son quotidien à Cols bleus.
Embarqué trois jours sur le Belem aux côtés des mousses, il tient à participer à la vie du bord mais trouve tout de même le temps de peindre pour qu’au retour à quai, chaque mousse reparte avec son petit portrait. « Peindre, c’est convivial, il faut que cela fasse plaisir aux gens, explique le peintre. Quand je suis dans le milieu militaire, en plus, c’est comme si j’étais en famille. » Car Yong-man Kwon h est un ancien légionnaire. Originaire de Corée du Sud, il arrive en France pour s’engager au titre de la Légion étrangère « à une époque où il y avait moins d’informations qu’aujourd’hui sur cette institution. On nous disait de venir en France, d’essayer et puis, si on n’y arrivait pas, de rentrer chez nous ». À Aubagne, il réussit les tests de sélection et signe un contrat d’engagement de cinq ans. Une rencontre providentielle avec le maître Rosenberg, lui-même peintre officiel de l’armée de Terre, fait germer en lui l’ambition de mettre son talent et son travail artistiques au service des armées. Un talent qu’il a aiguisé quelques années plus tôt au sein du prestigieux Hunter College de Manhattan, avant de rentrer en Corée du Sud et d’y devenir professeur de dessin. Lorsqu’il quitte la Légion étrangère, au terme de ses cinq années de contrat, les conseils du maître Rosenberg portent leurs fruits et Yong-man Kwon h intègre successivement les rangs des peintres de l’armée de Terre et de l’armée de l’Air et de l’Espace. Puis, en 2012, c’est au tour de la Marine de lui ouvrir les portes de son collège de peintres officiels.
De la couleur À la texture
Sa formation de base en dessin lui permet en effet de tout peindre : avions, voitures, paysages urbains. Mais il aime particulièrement les sujets maritimes. « Les bateaux de taille monumentale, je trouve ça magnifique ! Encore plus s’il y a des lumières et des reflets. » Adepte de la lumière artificielle, il la préfère à la lumière naturelle, trop pure à son goût pour pouvoir jouer avec les contrastes et les textures. « La lumière artificielle transforme les objets en véritables statues à peindre, il y a davantage de matière avec laquelle travailler. Je peux manipuler les couleurs, les formes, les ombrages, etc. Alors que, s’il y a un grand soleil, il n’y a plus moyen de manipuler quoi que ce soit car c’est une lumière assez pure. Les objets n’ont plus le même aspect. » Si c’est la lumière qui attire son œil d’artiste, le choix de ses sujets se fait également autour de l’ambiance qui se dégage de la scène qu’il observe. Il revient, par exemple, marqué de son séjour au Liban en 2019 avec l’armée de Terre : « C’est toujours mieux d’aller sur place. Là-bas, j’ai vraiment ressenti la tension qui pesait sur le pays ; cela est incomparable avec le simple fait de voir des photos ».
Un peintre À temps plein
Il participe également à un voyage des peintres officiels à Abou Dabi où il rencontre notamment le commandant d’un chasseur de mines tripartite (CMT) alors en opération. Mais ses déplacements sont limités, car il travaille aussi pour des galeries et ne peut s’autoriser de trop longues absences en raison d’échéances qui le contraignent souvent à composer en atelier plusieurs toiles à la fois. Ayant donc peu le temps de peindre sur le motif, il rapporte de ses déplacements des photos qu’il réagence pour créer une image bien à lui, issue des visuels et de son expérience personnelle. « Les éléments ainsi retravaillés sont plus intéressants. » Si Yong-man Kwon h s’efforce de réaliser des croquis au préalable, bien souvent, après avoir délimité le cadre sur sa toile, il peint directement : « Devant ma toile blanche, je construis l’image, je vois ce que cela va donner à peu près, et puis je commence à peindre ».
Un cœur d’armÉe
Cette composition à partir de plusieurs images est d’autant plus essentielle chez lui qu’elle transmet une interprétation personnelle des photos rapportées de ses immersions au sein des forces armées. « Lorsqu’un œil profane voit et peint une scène militaire, il ne sait pas toujours exactement ce qui se passe devant lui. Moi, quand je peins un soldat, je sais ce qu’il fait et pourquoi il le fait ; au-delà du visuel, je peux intégrer le sens du geste, l’esprit et l’intention du militaire. » S’il admet évidemment découvrir de nouvelles choses à chaque plongée au cœur des entraînements ou des opérations, il affirme retrouver toujours, quelle que soit l’armée, les esprits de camaraderie et de fidélité. Des valeurs qui ne font que renforcer son attachement pour les armées. Ces dernières occupent une place d’autant plus importante chez lui qu’elles sont en effet à l’origine de sa vie actuelle : « Il s’agit des racines de ma présence en France. C’est grâce à l’armée que j’ai obtenu la nationalité française et que j’ai pu m’installer ici. C’est mon point de départ. C’est pour cela que je garde le lien, même en tant que peintre, et que cela me fait autant plaisir. Je suis très heureux, en tant qu’étranger, de pouvoir vivre de mon métier de peintre en France. »
Sources : Marine nationale
Droits : Ministère des armées