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Big Data - Gagner la bataille des données

Mise à jour  : 08/04/2021 - Direction : SIRPA Marine

Les GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple), pour ne citer qu’eux, sont passés maîtres dans l’art d’enregistrer, de stocker et de valoriser des données numériques massives. C’est le fameux Big Data. Dans les domaines industriel et militaire, la course à la donnée est également lancée. Au travers du plan Mercator, la Marine a fait de la maîtrise des données une condition incontournable de la supériorité et de la victoire au combat. La donnée doit être exploitée dans tous les domaines : renseignement, analyses environnementales, emploi des systèmes d’armes, élaboration des concepts d’opération, maintien en condition opérationnelle...

LA DONNÉE, NOUVEL OR NOIR

Le recueil et l’analyse des données issues de différents senseurs permettent, par exemple, de faire de la maintenance prédictive, c’est-à-dire d’anticiper la survenue de panne sur un bâtiment ou un aéronef en intervenant à temps sur les matériels qui montrent les premiers signes de défaillance. Sans données, pas d’intelligence artificielle (IA) non plus : pour apprendre et se développer, les outils de machine learning (apprentissage automatique) ont besoin de données « réelles » sur lesquelles s’entraîner. Le volume et la qualité des données d’aujourd’hui conditionnent les performances des algorithmes qui, demain, à bord, aideront les marins à repérer un comportement suspect ou une anomalie de trajectoire d’un bâtiment ou d’un aéronef. Le croisement des données des différents vecteurs (surface, air, sous-marin) permettra, par exemple, d’optimiser l’activité de lutte anti-sous-marine d’une frégate multi-missions avec un Caïman Marine survolant une zone d’intérêt.
Mais le défi est de taille, puisqu’il s’agit de recueillir et d’exploiter les données de formats disparates qui échappent aux systèmes d’information existants et n’étaient jusqu’ici archivées nulle part : données opérationnelles (issues des senseurs positionnés sur les systèmes de combat, par exemple) et données de plateformes (relatives aux systèmes de propulsion, moteurs, pompes...).

TES DONNÉES TU ANNOTERAS

Et ce n’est pas le seul écueil. Google, pour sa part, peut jouer sur une masse colossale de données, en utilisant par exemple les informations brutes des téléphones de millions de conducteurs sur les routes pour enrichir l’expérience Google Map. « Dans la Marine, explique Laurence, chef de la division ingénierie logicielle au Centre d’expertise des programmes navals (CEPN), nous devons nous y prendre différemment. Nous n’avons par exemple qu’un porte-avions : il ne fait pas deux fois la même mission, le contexte géopolitique change, les situations rencontrées sont différentes. » On ne peut donc pas compter sur le seul volume des données pour faire émerger des informations utiles. « Lorsque nous enregistrons des données, elles doivent être annotées, c’est-à-dire qu’il faut les accompagner d’éléments de contexte : conditions météorologiques ; bâtiment de surface, sous-marin ou aéronef participant à la mission ; phase (appareillage, transit, exercice, ravitaillement…) durant laquelle elles ont été enregistrées », détaille-t-elle. Un peu comme les métadonnées présentes dans le fichier contenant une photo numérique. « La donnée, c’est comme du pétrole brut, conclut-elle, il faut la raffiner pour pouvoir l’utiliser. » Et c’est là qu’intervient le Centre de service de la donnée Marine (CSD-M).

LE CSD-M, CHAÎNON MANQUANT

Créé en mars 2020 au sein du Centre d’expertise des programmes navals, le CSD-M a vocation à faire le lien entre les producteurs (aéronef, bâtiment, sous-marin) et les utilisateurs de données. Objectif : constituer des bases de données annotées et contextualisées par les marins pour les mettre à disposition des plateformes étatiques expertes en IA1 à l’horizon 2023, mais également des industriels de la défense et des universitaires l’année suivante.
Doté d’un data center, le CSD-M récupérera des données « en vrac » de tout niveau de confidentialité pour en faire des jeux de données cohérents, triés et structurés. À terme, il sera alimenté par des data hubs embarqués à bord des unités de combat. Implanté sur le site de la Direction générale de l’armement2 au Mourillon, à Toulon, il regroupe des experts métiers du CEPN, connaissant la signification « opérationnelle » de la donnée et capables de faire le lien avec les forces, et des experts en intelligence artificielle de la DGA.

(1) Comme le programme Artémis (Architecture de traitement et d’exploitation massive de l’information multi-source) et la plateforme POCEAD (Plateforme d’ouverture de centralisation, d’exposition et d’analyse des données) du ministère des Armées.
(2) Ici DGA/TN (Techniques navales).

Lilo : à bord d’une frégate numérique

Tester les systèmes d’information d’un bâtiment sous toutes les coutures, évaluer l’interopérabilité de ces systèmes de communication entre eux et avec les systèmes de liaison de données tactiques et de direction de combat, intégrer les derniers développements des industriels et des start-ups avec lesquels travaille la Marine... Tel est l’objectif du projet Lilo (Laboratoire d’interopérabilité opérationnelle). Cette plateforme, située sur le site DGA/TN, sera opérationnelle d’ici la fin de l’année.
Elle occupera 800 m² répartis en 4 zones : une partie accueillant les industriels ; un secteur dédié à la qualification (DGA) ; un espace consacré aux exercices d’interopérabilité avec nos alliés, qui permettra d’acquérir un véritable retour d’expérience sur l’utilisation des systèmes d’information de l’Otan ; et enfin une zone dans laquelle le CEPN a reconstitué le système d’information d’une frégate. « Ce “jumeau numérique” sera utilisé pour évaluer les systèmes d’information opérationnels (SIO) d’une frégate de premier rang en contexte opérationnel », explique le capitaine de frégate Stéphane, chef de la division Systèmes d’information et de communication du CEPN. La réplique sera, à terme, dotée de moyens de communication radio et satellitaires analogues à ceux d’une vraie frégate, qui fonctionneront avec une latence identique à celle rencontrée à la mer.

AXON@V : mettre en réseau les forces aéromaritimes pour l’exploitation des données

Pour conserver la supériorité au combat, il est essentiel de mutualiser les données issues des différentes plateformes (bâtiments de surface, sous-marins, aéronefs, commandos) de la Marine. C’est l’objet du programme AXON@V. « Pour réaliser cette mise en réseau des forces aéromaritimes, il faut au préalable identifier les briques technologiques et programmatiques nécessaires », explique le capitaine de frégate Guillaume, officier correspondant d’état-major du bureau Plans et programmes. Axon@v est construit autour de trois temporalités : le temps long qui impose d’opérer durablement à la mer pour obtenir et conserver la supériorité informationnelle en s’appuyant sur des architectures numériques compatibles avec les technologies Cloud, le temps réel de la conduite des opérations nécessitant d’exploiter pleinement les algorithmes de traitement massif de données issues de la mise en réseau et le temps immédiat du combat aéromaritime collaboratif, face à la fulgurance de la menace. Les objectifs sont multiples : « Juguler l’évaporation des données actuellement produites par les capteurs, fluidifier les flux en augmentant les débits utiles et en réduisant la latence et enfin exploiter ces données, au travers des services numériques dédiés. »


Sources : Marine nationale
Droits : Ministère des armées