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300 ans d’hydrographie française - Du Dépôt des cartes et plans de la Marine aux capacités du futur

Mise à jour  : 19/11/2020 - Direction : SIRPA Marine

La France prend très tôt la mesure des enjeux de la connaissance des océans, en devenant notamment le premier État à se doter d’un service hydrographique national.

Dès le 19 novembre 1720, le Dépôt des cartes et plans de la Marine, ancêtre du Shom, voit le jour via un arrêt du Conseil du roi Louis XV, sous la régence du duc d’Orléans : « Il paraît convenable au bien du service et au bon ordre qu’il est nécessaire de maintenir dans la Marine, qu’il y ait toujours à Paris un ocier capable et de confiance qui soit préposé à l’examen et à la garde des plans, cartes, journaux de voyages, rapports et autres mémoires envoyés par les officiers commandants des vaisseaux, à leur retour de la mer ».

 

BEAUTEMPS-BEAUPRÉ, LE PRÉCURSEUR

Considéré comme le père de l’hydrographie moderne, Charles-François Beautemps-Beaupré, ingénieur de formation, est celui qui va poser les bases de la cartographie en apportant une méthode et des techniques rigoureuses. Lors de l’expédition menée par d’Entrecasteaux à la recherche de Lapérouse (1791-1794), Beautemps-Beaupré met au point de nouvelles méthodes de levés, en s’appuyant notamment sur le cercle de réflexion de Borda (instrument de mesure d’angles utilisé pour faire le point en mer). À son retour, il cartographie les côtes des régions conquises par Napoléon (mer Adriatique, Hollande, Allemagne) puis celles qui étaient déjà françaises. C’est encore lui qui formera la première génération d’ingénieurs hydrographes de la Marine. De nombreuses campagnes d’hydrographie sont ainsi menées au XXIe siècle dans toutes les colonies et, en 1838, la bibliothèque du Dépôt compte déjà 18 000 ouvrages. Mais il faut attendre les deux guerres mondiales pour voir une rupture technologique nette en matière de sondage en réponse aux nouveaux besoins de navigation : augmentation des tirants d’eau, meilleures performances des sous-marins, évolution des techniques de pêche, exploitation des ressources pétrolières o-shore… Autant de raisons qui poussent les hydrographes à faire évoluer leur méthode de levés. Le plomb de sonde, avec ses mesures ponctuelles, est abandonné au profit du sondeur vertical, dans un premier temps, puis du sondeur multifaisceaux, orant une couverture complète des fonds marins.

 

RÉPONDRE AUX NOUVEAUX DÉFIS

Aujourd’hui encore, le Shom continue d’adapter ses activités en fonction de l’évolution du climat, des besoins de nouveaux usagers et aussi de ceux déjà existants comme la Marine. Le changement climatique impacte déjà considérablement la physionomie des océans. La fonte des glaces ouvre de nouvelles routes maritimes, comme le passage du Nord-Est qui devient accessible de plus en plus longtemps durant l’année. Pour le Shom, il s’agit d’assurer la sécurité maritime et de protéger l’environnement de cette zone vierge. Outre l’ouverture de nouvelles routes maritimes, le changement climatique menace particulièrement le littoral et les territoires insulaires. Implanté en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, le groupe océanographique du Pacifique (GOP) est dédié à l’acquisition de mesures dans ces territoires, très loin d’avoir été exhaustivement hydrographiés. Le GOP réalise donc des mesures de bathymétrie pour combler le déficit de données sur cette zone, mais aussi des mesures de niveau de la mer grâce au réseau de marégraphes côtiers permanents installés dans le Pacifique depuis 2008. Prochainement, le GOP recevra un nouveau sondeur pouvant apporter une aide précieuse, notamment lors des opérations de secours aux populations touchées par un cyclone. Mais tout ne se déroule pas qu’en surface ou dans les premiers mètres… Le fond des océans est devenu en quelques années un enjeu stratégique essentiel et le lieu où se joue le Seabed Warfare. Dans les profondeurs, la confrontation s’articule autour de l’accès aux ressources naturelles et de la protection des câbles sous-marins. Ces enjeux nécessitent la mise en oeuvre de drones sous-marins pour cartographier les grands fonds. C’est d’ailleurs l’une des caractéristiques du programme CHOF : augmenter considérablement les possibilités des systèmes d’acquisition, notamment pour l’intervention par grands fonds.

DES OUTILS DU FUTUR

La capacité du Shom à assumer ses responsabilités repose en grande partie sur la flotte de bâtiments hydrographiques et océanographiques de la Marine. Le renouvellement des bâtiments hydrographiques (BH2) est planifié dans le cadre de l’opération d’armement CHOF (capacité hydrographique et océanographique future) dont la ministre des Armées a lancé officiellement la phase de préparation en mai 2019. Ce programme ne doit pas seulement renouveler les navires anciens mais aussi adapter les capacités hydrographiques aux nouvelles technologies disponibles, dont l’utilisation de drones. Il s’agit de disposer de nouveaux moyens innovants de description ne de l’environnement sous-marin pour répondre à des besoins émergents dans l’extension des domaines de lutte. En préparation de ce programme, plusieurs expérimentations seront réalisées cette année et en 2021, avec notamment pour objectif de tirer des enseignements en matière de conception et de spécification des bâtiments hydrographiques de nouvelle génération (BH NG) destinés à remplacer les BH2. Le retour d’expérience capitalisé lors des essais servira à enrichir les réflexions entamées sur le dimensionnement de la capacité hydrographique et océanographique future de la Marine. L’arrivée du premier BH NG est prévue en 2026. Complémentaire du programme CHOF et développé en interarmées, le système GEODE-4D délivrera aux forces les connaissances sur la nature et les caractéristiques des théâtres pour planifier et conduire les opérations. GEODE-4D répond à un besoin de mutualisation et de partage des données, an de perfectionner les outils de prévision et de visualisation géographie hydrographie océanographie météologie (GHOM) en mettant en application le concept Otan de recognized environemental picture (REP).

Drone hydrographique de surface supervisé

En préparation du programme CHOF, le Shom a conduit, avec la Marine et la direction générale de l’armement, durant tout le mois de septembre des essais d’évaluation d’un drone hydrographique de surface supervisé et de son système de mise à l’eau et de récupération. Des levés bathymétriques ont été réalisés à différentes profondeurs en mer d’Iroise (jusqu’à 200 mètres dans la fosse d’Ouessant), avec pour objectif de qualifier les performances globales de l’engin en matière d’endurance et de qualité des données. Le Shom peut ainsi évaluer l’apport de telles capacités par rapport aux systèmes actuellement en service (vedettes et navires hydrographiques). Ce dispositif permettra de gagner en endurance (72 heures de présence en mer) ainsi qu’un facteur 4 dans les vitesses d’acquisition des données.

Extrait du Cols Bleus N3091 Novembre 2020 - Hydrographie - 300 ans d'opérations


Sources : Marine nationale
Droits : Ministère des armées