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LES PORTE-AVIONS - OUTILS STRATÉGIQUES INCONTOURNABLES

Mise à jour  : 20/11/2020 - Direction : SIRPA Marine

Symboles politiques, instruments de puissance, de projection et de souveraineté, le Clémenceau et le Foch, ces deux porte-avions portés par la volonté de la France de l’après-guerre, se sont inscrits naturellement dans l’esprit d’indépendance nationale prônée par le général de Gaulle.

Nomy à la manœuvre

À la fin des années quarante, la France entreprend pas à pas la reconstruction de sa flotte de combat. Grâce au plan Marshall, qui a fourni au pays dévasté par la Seconde Guerre mondiale des unités de petit tonnage, Paris dispose de toutes les cartes pour se concentrer sur des projets de plus grande ampleur.

En novembre 1945, le contre-amiral Nomy, figure de l’aéronavale de la France Libre, est envoyé en mission à Londres pour y négocier des cessions de matériel nécessaire à la reconstitution des forces de surface. Fin diplomate, il parvient, en août 1946, à convaincre les Britanniques de lui confier le porte-avions Colossus pour remplacer le Béarn, désarmé un an auparavant après avoir transporté de l’aviation destinée au corps expéditionnaire français en Indochine. Lancé le 30 septembre 1943 et commissionné en décembre 1944 dans la Royal Navy, le Colossus est rebaptisé Arromanches et loué à la France pour cinq ans ; il sera finalement acheté par la Marine nationale en 1951. La victoire a démontré aux marines alliées, marquées par les opérations du Pacifique et l’attaque japonaise sur Pearl Harbour, tous les avantages qu’il y avait à disposer de réelles capacités de projections aéronavales pour prendre l’ascendant stratégique.

Le porte-avions s’est imposé comme Capital Ship du combat naval durant la Seconde Guerre mondiale. Pour la IVe République, qui entend jouer un rôle prépondérant sur l’échiquier international et vient de créer l’Union française pour administrer son empire colonial, disposer de forces de projection est une priorité absolue. Toujours sous l’impulsion d’Henri Nomy, devenu chef d’état-major général de la Marine, l’Arromanches est alors rejoint par l’ancien Langley de l’US Navy renommé pour l’occasion La Fayette en 1951, puis par l’ex-USS Belleau Wood américain devenu Bois-Belleau en 1953. La France dispose aussi depuis 1945 du Dixmude, anciennement HMS Biter, un ancien porte-avions d’escorte de la Royal Navy. Mais ces quatre unités passées sous pavillon français montrent assez rapidement leurs limites opérationnelles en dépit de leur participation active à la guerre d’Indochine, aux opérations à Suez et à la guerre d’Algérie. La nécessité de lancer un programme ambitieux de construction est devenue une évidence.

Des porte-avions made in France
Le Clémenceau est commandé en 1954 et le Foch, son sistership, l’année suivante. Alors que le projet de statut naval établi par l’état-major général portait initialement sur la livraison de quatre porte-avions d’escadre de 20 000 tonnes, afin d’en avoir deux disponibles en permanence, le Conseil supérieur de la Marine espère en obtenir six. En vain. Ce sera trois. Mais malgré toute la force de persuasion de l’amiral Nomy, qui quitte le service actif en juillet 1960, la construction de trois porte-avions d’escadre, envisagée de 1958 à 1960, sera définitivement abandonnée. Deux seulement verront le jour.
En novembre 1958, les Gaullistes remportent les élections législatives et obtiennent une confortable majorité. Le 21 décembre suivant, le général de Gaulle est élu président de la République et prend ses fonctions le 8 janvier 1959, succédant à René Coty. Dernier président du Conseil de la IVe République et premier président de la Ve République, de Gaulle veut affirmer avec encore plus de poids sa politique d’indépendance à l’égard de l’Alliance atlantique et du bouclier nucléaire américain. Plus que jamais, il défend l’idée d’une France autonome capable d’assurer seule sa souveraineté et sa défense dans un monde toujours plus polarisé par la montée de la guerre froide.

Si pour le général de Gaulle la dissuasion repose essentiellement sur la constitution d’un arsenal nucléaire, la question des capacités de projection aéromaritime demeure incontournable. Avec le lancement des deux premiers porte-avions français, le Clemenceau mis en service le 22 novembre 1961, et le Foch, en 1962, tous deux capables de mettre en œuvre une aviation d’assaut, d’interception, de reconnaissance et anti-sous-marine, la France entre dans la cour des grands. Jusqu’en 1997 et 2000, dates de leurs désarmements respectifs, ils formeront la « pointe de diamant » de la Marine française.

Le Clémenceau et le Foch sur tous les fronts
Au cours de sa longue carrière, le « Tigre »1 a participé à la majorité des opérations navales : déploiement de la Force Alfa dans le Pacifique en 1968, opérations Saphir I et II dans l’océan Indien en 1974-1977, opérations Olifant en Méditerranée orientale lors de la guerre civile libanaise en 1983-1984, Prométhée en mer d’Oman, lors de la guerre entre Iran et Irak en 1987-1988, Salamandre en mer Rouge et mer d’Arabie lors du conflit entre l’Irak et le Koweït en 1990, Balbuzard, puis à nouveau Salamandre en mer Adriatique lors de la guerre civile yougoslave en 1993-1996. Le Foch n’est pas en reste. En 1977, il croise en mer Rouge et participe au soutien du contingent français dans le cadre des missions Olifant en 1983. Puis de 1993 à 1999, il a été engagé régulièrement dans les opérations Balbuzard Salamandre et Trident dans le cadre de la Forpronu2, de la SFOR3 et de la KFOR4 et effectué des frappes aériennes sous le commandement de l’Organisation des Nations unies et de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord. Le Clem’ atteint son apogée le 10 décembre 1978 quand il reçoit la qualification « nucléaire » après avoir été modifié pour accueillir quatre ou cinq bombes d’armes nucléaires AN-52 mises en œuvre par les avions Dassault Super-Étendard de la Flottille 11F. Le Foch est qualifié à son tour le 15 juin 1981. Outils de projection, les porte-avions deviennent également des instruments non permanents de dissuasion de premier plan, avec la création de la force aéronavale nucléaire (FANu), en 1978. Un attribut majeur de puissance. Aujourd’hui, l’esprit du Clemenceau et du Foch souffle sur un seul porte-avions… le Charles de Gaulle.

1 Surnom donné à Georges Clémenceau
2 Force de protection de l’ONU
3 Force de stabilisation de l’OTAN
4 Force pour le Kosovo de l’OTAN

Info +
Henri Nomy, le marin du ciel
Résistant, fin diplomate, grand bâtisseur de la Marine d’après-guerre, l’amiral Nomy a marqué l’histoire de la Marine et notamment celle de l’aéronautique navale. En hommage à son action, une des cinq futures frégates de défense et d’intervention (FDI) portera son nom.

 

Extrait du Cols Bleus N°3088 - Juilet 2020 - De Gaulle et la Marine - Des FNFL à la Marine du XXIe siècle


Sources : Marine nationale
Droits : Ministère des armées