La seconde guerre mondiale est pour la spécialité de fusilier marin un moment charnière, le temps d’un renouveau et de l’affirmation d’une fonction au sein de la Marine qui conduira à la réorganisation de la spécialité au lendemain du conflit. Si l’action du 1er bataillon de fusiliers marins commandos, ou 1er BFMC – le fameux Commando Kieffer – est aujourd’hui la matrice mémorielle des fusiliers marins dans la Seconde Guerre mondiale, l’action et l’engagement de la spécialité ne se limitent pas à cette seule unité.
Naissance du 1er BFM
Lorsque la guerre éclate, l’école des fusiliers est dissoute. Seules subsistent deux compagnies de faible effectif. Au moment de l’arrivée des Allemands à Lorient, un des instructeurs, Pierre Le Goffic, parvient à s’emparer des décorations du drapeau des fusiliers et embarque avec quelques apprentis pour l’Angleterre. Pour l’amiral Muselier, fondateur des Forces navales françaises libres (FNFL), ancien commandant d’une compagnie de fusiliers sur le front de l’Yser durant la Grande Guerre, il importe de préserver cet héritage et de maintenir l’existence des fusiliers. Dès le début du mois de juillet 1940, il réunit Robert Détroyat et ses amis Hubert Amyot d’Inville, Élie-France Touchaleaume et Jean des Moutis, pourtant non-fusiliers, pour leur proposer de prendre la tête de la première unité FNFL. C’est ainsi que naît le 1er bataillon de fusiliers marins qui se forme à Aldershot durant l’été.
Marins et civils rejoignent les rangs
Sans surprise, chez des marins impatients de reprendre le combat, les volontaires ne manquent pas. Leur profil est particulièrement notable : à côté des marins ayant rejoint l’Angleterre, nombreux aussi sont ceux qui n’ont aucune expérience militaire. Il s’agit de civils (souvent Bretons ou Normands) qui ont quitté spontanément leurs villages en juin 1940 pour rallier l’Angleterre à bord de petites embarcations. La décision qui conduit à ces ralliements relève donc autant – si ce n’est plus – de sociabilités et d’effets de groupes que de choix individuels.
De l’Afrique noire à la Libération de la France
Le 1er BFM quitte l’Angleterre le 31 août. Il n’y reviendra pas. Cinq années de campagne l’attendent. Ce sera d’abord le fiasco de Dakar, puis les combats fratricides du Gabon où Gaston Salaün, premier fusilier marin mort pour la France Libre, est tué par les vichystes. Suivront Pointe-Noire, au Congo, puis de nouveaux combats entre Français Libres et troupes de Vichy en Syrie qui entraînent la mort d’une trentaine de fusiliers, ainsi que du commandant Détroyat. Il faut toute la persévérance de ses officiers pour empêcher la dissolution du bataillon et le transformer en unité de défense contre aéronefs (DCA). Suivront, sous les ordres d’Amyot d’Inville, la Libye avec Bir Hakeim, El Alamein, puis la Tunisie. À la fin de la campagne d’Afrique, les déserteurs de la Marine vichyste sont si nombreux que les effectifs du 1er BFM croissent de plusieurs centaines chaque semaine. Amyot d’Inville profite de cette occasion pour transformer le bataillon en un régiment motorisé de reconnaissance. C’est ainsi que le 1er régiment de fusiliers marins voit le jour. Il est engagé en Italie, au Garigliano, à Rome et Montefiascone où meurt Amyot d’Inville. Viennent ensuite le débarquement de Provence, Toulon, Lyon, puis les Vosges, l’Alsace et l’Authion. À la fin du conflit, le 1er RFM est fait Compagnon de la Libération, privilège rare détenu par seulement deux autres unités de Marine, le sous-marin Rubis et la corvette Aconit.
Dans son rapport de fin de commandement, en 1945, le commandant de Morsier évoque les difficultés connues par le 1er RFM depuis qu’il est devenu régiment : rarement affecté à des missions de reconnaissance, il est en outre mal armé pour mener des combats de l’avant. L’insuffisante protection des scouts-cars, Jeeps et chars légers, l’absence d’une infanterie d’assaut et la médiocrité des transmissions constituent autant de faiblesses.
Des unités de fusiliers diverses et méconnues
Le 1er BFM/RFM ne fut pas la seule unité de fusiliers mise sur pied par la France Libre. Outre, bien sûr, le 1er BFMC, les FNFL compteront trois bataillons de fusiliers. Le 2e BFM voit ainsi le jour à la fin de l’été 1940. Il ne combattra jamais, mais constituera un vivier de volontaires qui, au moment de sa dissolution, rejoindront le 1er BFM ou le 1er BFMC. Plus singulier, un 3e BFM, composé de Sud-Américains et d’anciens républicains espagnols, verra également le jour. L’idée, était de disposer d’une unité hispanophone pour mener un débarquement contre la Guinée ou le Maroc espagnol dans le cas où Franco entrerait en guerre. L’unité ne survivra pas au départ de l’amiral Muselier, mais c’est en son sein que l’officier-interprète Kieffer deviendra fusilier et profitera de l’occasion pour rassembler des volontaires au début de l’année 1942.
L’histoire des fusiliers marins de la Seconde Guerre mondiale n’est pas que « française libre ». Une grande rivalité qui ne s’effacera jamais véritablement existe ainsi entre ceux du régiment blindé de fusiliers marins de la 2e division blindée issus majoritairement de la Marine vichyste (bien qu’on y trouve quelques Français Libres tels Philippe de Gaulle et Jean Gabin) et le 1er RFM.
À la Libération, d’autres unités de fusiliers marins sont encore mises en place, notamment le 4e RFM formé de marins des FFI (Forces françaises de l’intérieur) et qui prendra part aux combats de la poche de Lorient.
La spécialité se réorganise au sortir de la guerre
Le conflit terminé, le ministère de la Marine réunit en commission les officiers des grandes unités de fusiliers ayant combattu, toutes de manières très différentes (infanterie, DCA, blindés, reconnaissance, commandos). Leur rapport aboutit à l’arrêté du 6 avril 1946 qui réorganise la spécialité selon des règles qui prévalent encore aujourd’hui : les « coups de main » revenaient désormais aux hommes brevetés commandos. Les grandes unités de fusiliers sont dissoutes et ceux-ci sont chargés de la défense des sites stratégiques de la Marine. Depuis cette date, la demi-brigade de fusiliers marins opérant en Algérie, de 1956 à 1962, aura été la seule grande unité de fusiliers reconstituée pour mener des opérations.
Info+
Les gorilles du Général
Sur les quatre gardes du corps du Général durant sa présidence, deux étaient des anciens marins des FNFL : Henri Djouder, qui faisait partie du Commando Kieffer, et Paul Comiti, fusilier marin au 1er BFM puis 1er RFM. Le Commando Hubert a assuré la protection rapprochée de Charles de Gaulle lors du putsch des généraux en 1961 et des événements de mai 1968.
Extrait du Cols Bleus N°3088 - Juilet 2020 - De Gaulle et la Marine - Des FNFL à la Marine du XXIe siècle
Sources : Marine nationale
Droits : Ministère des armées