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ROBERT SURCOUF - Quand l’île Maurice était un nid de corsaires français

Mise à jour  : 07/05/2021 - Direction : SIRPA Marine

Pendant les guerres révolutionnaires et napoléoniennes, la France des îles Mascareignes tient en échec l’Empire britannique des Indes. Basée à Port-Louis sur l’Isle de France (actuelle Maurice), une  flotte de corsaires, dont le célèbre Robert Surcouf, met à mal le commerce anglais.

Curieux destin que celui de La Réunion et de l’île Maurice.

En 1715, alors que des  négociants malouins ont établi un négoce de café  avec le Yémen, le capitaine Dufresne d’Arsel

est chargé par le ministre de la Marine de prendre au passage possession de l’île Mauritius que les Hollandais ont abandonnée, tant elle leur paraît inhospitalière. Ayant accosté sur le site du futur Port-Louis, il la rebaptise Isle de

France. Au même moment, un autre capitaine malouin revient de Moka, le grand port yéménite, avec dans ses cales, en plus de sa cargaison, six plants de caféiers.

Décision est prise de faire relâche sur l’île Bourbon (ancien nom de La Réunion) où une petite communauté de Français s’acharne à coloniser cette terre jusqu’alors déserte.

L’un des caféiers y est planté, et c’est ainsi que les îles Mascareignes, confiées à la Compagnie des Indes, vont devenir de gros producteurs de café!

En 1735, le gouverneur Mahé de La Bourdonnais y développe la culture du manioc et du coton, tandis que la canne à sucre est traitée dans des sucreries et des distilleries. Chacune des îles prend dès lors son caractère propre.

Bourbon aux terres fertiles devient le grenier des Mascareignes. Mais comme elle ne possède aucun mouillage abrité, l’Isle de France devient le centre administratif de l’archipel, Port-Louis offrant une escale idéale aux navires sur la route des comptoirs français des Indes.

L’ÉTERNELLE RIVALE ANGLAISE

En ce même XVIIIe  siècle, l’Angleterre développe ses propres établissements dans l’océan Indien. Aussi, lors de chacun des con its incessants qui vont opposer l’Angleterre et la France, des corsaires basés à Port-Louis traqueront sans relâche les navires marchands qui transportent les riches denrées coloniales depuis l’Inde vers la métropole.

Et ce d’autant plus facilement que l’Isle de France se trouve sur leur route. La guerre d’indépendance américaine (1773-1783) puis les guerres révolutionnaires et napoléoniennes apparaissent comme l’âge d’or de la guerre de course: entre juin 1793 et avril 1802, 69 corsaires français font 200 prises anglaises, 40 autres étant capturés par des bâtiments de l’État. 

À cette époque, les négociants américains préfèrent souvent s’approvisionner en achetant les prises des corsaires plutôt que de se fournir directement auprès des Anglais! Parmi ces corsaires, la chronique de l’Isle de France est pleine des exploits de Dutertre, Le Même, Le Joli , Malroux... Mais la mémoire populaire retient un seul nom: Surcouf, et plus précisément Robert, qui lui-même éclipse ses deux frèresCharles et Nicolas.

Fils d’un armateur malouin, Robert Surcouf (1773-1827) découvre l’océan Indien comme  matelot puis comme lieutenant et en capitaine sur des bâtiments pratiquant la traite négrière entre le Mozambique et les Mascareignes. Il a 22 ans lorsqu’il effectue sa première croisière corsaire, et l’audace dont il fait preuve alors sur un tout petit bâtiment faiblement armé lui vaut de recevoir bientôt le commandement de puissants bâtiments aux équipages pléthoriques.

EN S’EMPARANT DU KENT, SURCOUF ENTRE DANS LA LÉGENDE

La campagne accomplie par Robert Surcouf avec La Confiance est emblématique de la guerre de course, telle qu’elle se pratiquait entre Révolution et Empire. Le 10 mai 1800, ce trois-mâts dont la longueur de coque ne dépasse pas 38 mètres appareille avec un équipage de 250 hommes. On peine à imaginer pareille promiscuité. Certes, à chaque capture de navire, La Confiance se déleste des hommes qui forment les équipages chargés de ramener les prises à Port-Louis, sans compter les pertes, mais quand même…

L’itinéraire suivi par La Conance  à travers l’océan Indien ne laisse pas d’étonner non plus. De l’Isle de France, elle fait d’abord route sur Java en empruntant la route australe, celle des puissants vents d’ouest. Après avoir patrouillé dans le détroit de la Sonde, Surcouf traverse de nouveau l’océan pour faire relâche et compléter ses vivres aux Seychelles.

De là, cap à l’est sur Ceylan (actuel Sri Lanka) et le golfe du Bengale. Personne avant Robert Surcouf n’a osé attaquer le trac marchand anglais sur les brasses du Bengale, pour ainsi dire aux portes de Calcutta. Dans la gueule du loup, en quelque sorte. Le 16 novembre, après avoir réussi huit captures de fortes valeurs, La Conance  est de retour à Port-Louis sur l’Isle de France. En tout, elle aura passé cinq mois à la mer et couvert quelque 20 000 milles nautiques, soit presque la circonférence de la Terre!

Ces prises rapportent au corsaire une fortune, qui s’ajoute encore aux énormes profits de ses campagnes précédentes, toujours dans l’océan Indien. 

Mais avec l’expédition  de La Confiance , Robert Surcouf devient surtout une légende vivante: le corsaire qui, avec son tout petit navire et 150 hommes, s’est emparé d’un colossal vaisseau de la Compagnie anglaise des Indes, défendu par près de 450 hommes.

Comment est-ce possible? Par un coup d’audace qui consista à aborder le Kent par son arrière et à se rendre maître de l’état-major anglais groupé sur la dunette, ce qui entraîna la reddition rapide du vaisseau.

Ce fait d’armes hallucinant s’est fixé dans la mémoire collective des marins français en inspirant la chanson bien connue Au 31 du mois d’août , et il a surtout piqué à vif l’Angleterre, qui n’aura dès lors plus qu’un but : neutraliser le nid des corsaires. Elle y parviendra en 1810, et l’Isle de France retrouvera son nom d’origine: Mauritius.

DOMINIQUE LE BRUN - ÉCRIVAIN DE MARINE


Sources : Marine nationale
Droits : Ministère des armées