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Interview du CV Benoit Rouvière, commandant de la frégate Aquitaine. « Convertir l’Aquitaine d’un chantier en un bâtiment de guerre »

Mise à jour  : 06/06/2011 - Auteur : EV Grégoire Chaumeil - Direction : SIRPA Marine

Commandant, quel est votre première analyse après trois semaines de mer ?
C’est une belle première étape franchie. Cela faisait près de 8 mois que nous nous préparions à prendre la mer pour la première fois avec ce magnifique bâtiment, mais les inconnues avant appareillage étaient encore nombreuses. Comment allait se comporter « l’Aquitaine à la mer », serions-nous capables de dérouler l’ensemble des essais prévus, « la bête » tiendrait-elle les performances requises, serions nous à la hauteur de l’enjeu ?

Au final, tout s’est parfaitement déroulé. Les trois semaines ont certes été intenses et quelques réglages ont été parfois nécessaires avant d’atteindre pleinement les objectifs mais le bilan est extrêmement positif. Le bâtiment est bien né. La plateforme est saine, paraît fiable et l’équipage n’a éprouvé aucune difficulté pour la prendre en main. De plus, les relations avec l’industriel ont été excellentes : chacun a trouvé sa place et des relations de confiance réciproque ont pu être établies. C’est de très bon augure pour la suite.

Quelles conclusions en tirez-vous ?
Il est encore un peu tôt pour tirer des conclusions définitives. La première sortie à la mer nous a uniquement permis de tester les installations plate-forme l’Aquitaine, c'est-à-dire le système de navigation du bâtiment, sa propulsion et ses installations sécurité.

Parmi les points positifs, je retiendrai tout d’abord l’ergonomie de la passerelle, particulièrement réussie. La souplesse de la propulsion électrique, la forte intégration des fonctions de conduite, la stabilité du bâtiment à la mer et son niveau de discrétion acoustique paraissent également à la hauteur des espérances, même s’il reste encore quelques améliorations à apporter.

L’Aquitaine a par ailleurs atteint la vitesse de 27.5 nœuds, avec une bonne réserve de puissance non exploitée qui rassure sur le potentiel de croissance du bâtiment tout au long de sa future vie opérationnelle. Enfin, le peu d’avaries survenues pendant ces premiers jours valide les principes d’intégration et de test préalables à terre du système d’exploitation navire, retenus pour l’ensemble de la série.

Au bilan, je suis très satisfait du déroulement des premiers essais et rassuré sur la capacité future à conduire la plateforme avec un équipage optimisé. Mais les prochaines étapes seront cruciales : dès le mois de juin, nous débuterons les tests du système de combat. C’est là que se situent les véritables enjeux. Comme pour la plateforme, il faut espérer que les résultats seront au rendez-vous et que les performances seront rapidement atteintes.

Pouvez-vous nous présenter votre équipage ?
Mon équipage a un rôle déterminant dans le processus. C’est tout d’abord un équipage de conduite agissant au profit de DCNS : il assure la sécurité du bâtiment et sa mise en œuvre pour les essais à la mer. En parallèle, il prépare l’admission au service actif de l’Aquitaine et agit comme équipage d’armement, notion qui avait été un temps abandonnée mais qui reste pertinente sur un premier de série. Enfin, mes marins se font l’écho auprès de l’équipe de programme parisienne du retour d’expérience et des améliorations nécessaires qui doivent être intégrés pour l’ensemble des Fremm. Ils sont les pionniers d’un projet novateur, sur lequel la marine fonde de grands espoirs.

Aujourd’hui, avec l’aide des ingénieurs et techniciens de DCNS, je peux dire que les marins ont réellement commencé à s’approprier le navire, même s’il reste contractuellement propriété de DCNS jusqu’à l’acceptation. Les premiers tours d’hélices réalisés ont entraîné un profond changement : de chantier, l’Aquitaine s’est transformée au cours de cette sortie en mer en un véritable bâtiment, animé par un véritable équipage.

Quels sont vos prochaines échéances ?
La Marine attend que l’Aquitaine soit au rendez-vous de l’été 2012 pour son acceptation. Le bâtiment rejoindra la force d’action navale et son port d’attache (Brest) au second semestre de la même année, afin de renforcer la capacité ATBF (actif très basse fréquence) sur la façade Atlantique et de débuter la deuxième et ultime phase de vérification de ses caractéristiques militaires, comprenant probablement une traversée de longue durée (TLD). L’admission au service actif devrait être prononcée courant 2013.

Auparavant, l’Aquitaine doit encore suivre un planning d’environ 15 à 17 semaines d’essais en mer, principalement dédiées au système de combat. En parallèle, nous poursuivons notre réflexion sur l’impact de l’arrivée prochaine des frégates multi-missions dans les forces. Je l’ai dit à mes hommes : tous les regards sont tournés vers nous car, pour la marine, le projet Fremm est désormais une réalité et les attentes sont considérables. Nous alimentons ainsi tous les groupes de travail chargés de préparer la mise en service opérationnelle prochaine de la nouvelle série de frégates. Nous sommes force de proposition sur des sujets aussi variés que la formation future des équipages et leur entraînement, les renforts nécessaires pour assurer l’entretien d’un bâtiment de cette taille par un équipage optimisé, les infrastructures d’accueil à mettre en place dans les ports et bases navales ou les apports capacitaires à attendre de ces bâtiments et leurs utilisations futures.

Sur tous ces points, nous entretenons des relations étroites avec nos homologues de la marine italienne, qui s’apprêtent à vivre une révolution comparable avec la mise en service prochaine de leur propre série de Fremm et sont confrontés aux mêmes problématiques.

EV Grégoire Chaumeil


Sources : © Marine nationale
Droits : Ministère des armées