Sur 18 semaines de sorties en mer prévue pour l’Aquitaine, trois sont consacrées aux essais de propulsion du navire. Un premier test en forme d’examen de passage.
8h. Oubliée la silhouette svelte des anciennes frégates, leur forêt d’antennes radar et leurs canons ostentatoires. Pour sa première sortie en mer, l’Aquitaine affiche ses formes anguleuses, ses lignes pures, sa surface plane et sa mature unique. D’ailleurs, rien ou presque n’accroche le regard. Et aucune activité humaine n’est également perceptible depuis l’extérieur. Pourtant, à bord, ce sont quelques 160 personnes, ingénieurs, techniciens et militaires qui s’affairent pour les essais de qualification et d’intégration du navire.
10h. Au large des côtes morbihannaises, l’Aquitaine est tel un laboratoire flottant ; ici un technicien en bleu de travail mesure le taux de CO2, là un autre assis à même le sol dans un dédale de câbles, saisit des données sur ordinateur. « Tenez-vous, ca va remuer » met en garde un homme d’équipage. Lancé à vive allure, 20 nœuds, le bâtiment louvoie en virages serrés. « Nous procédons actuellement à des essais de giration du navire » confirme le capitaine de frégate Fabrice Quénéhervé, « comanav » de l’Aquitaine. Après les essais constructeurs réalisés à quai, notre objectif est de conduire des essais d’ensemble y compris des essais cinématiques pour les moteurs électriques de propulsion et la turbine à gaz. Cette première sortie à la mer permet en particulier de porter à ses limites l’appareil propulsif, en jouant sur des vitesses maximales ou de forts angles de barres. Ces essais nous permettront ensuite de déduire les paramètres de fonctionnement nominaux et les éventuelles marges conservatoires».
12h. En passerelle, les hommes du bord se sont pressés pour observer les premiers « tours de roue » de l’Aquitaine. Une passerelle qui fait justement la fierté de DCNS. Car, pour améliorer les tâches de gestion de la plate-forme, l’industriel a porté une attention particulière à la simplification et à l’optimisation du travail des opérateurs. « L’ergonomie et la concentration des systèmes de commandement et de contrôle de cette passerelle nous permettra bientôt de n’y affecter que trois personnes pour la conduite du navire » avance le lieutenant de vaisseau Jean-Pierre Texier du service « Pont ». « La passerelle centralise tous les systèmes de plate-forme et permet en parallèle la surveillance de la sureté et la sécurité du navire. Les opérateurs travaillent sur des consoles multifonctions et interchangeables » complète M. Dominique Vandenbosch, représentant DCNS embarqué. « Une des clauses de notre contrat était la mise en œuvre de la frégate par un équipage réduit. Le haut niveau d’automatisation de l’Aquitaine, notamment au niveau de la passerelle, répond directement à cette exigence ».
14h. Le vrombissement quasi imperceptible des machines a cessé. Jusqu’à 16 nœuds, la frégate peut évoluer en silence afin de mener des opérations de lutte anti-sous-marine. Sur l’Aquitaine, et c’est une autre spécificité, la propulsion est scindée en deux, à l’avant et à l’arrière, pour réduire la vulnérabilité du navire en cas d’avarie. Entre les deux, les locaux « vie » - logement et repas- sont concentré dans les premières tranches de la superstructure. L’Aquitaine compte 145 cabines, bien que son équipage soit prévu pour 94 marins seulement. C’est deux fois moins que sur les frégates d’ancienne génération. A l’inverse, c’est aussi l’équivalent de l’équipage d’un aviso pour un navire d’un tonnage six fois supérieur. La réduction des équipages est un des nouveaux enjeux des marines européennes. Les frégates de même tonnage de la classe des Nansen en Norvège ou les F125 en Allemagne comptent une centaine de personnels par bâtiment. « Nous avons mené de longues études en collaboration avec Alfan pour ajuster notre plan d’armement remarque le capitaine de frégate Yonec Fihey, commandant en second de l’Aquitaine. Naturellement l’automatisation du navire et la polyvalence de l’équipage permettra d’atteindre ces objectifs. Mais il faudra aussi compter sur le transfert à terre, dans des structures dédiées, de certaines fonctions : la formation et l’entraînement de façon à ce que le personnel soit directement employable dès son ralliement, un complément de main d’œuvre et d’expertise pour la maintenance et l’entretien ou encore la prise en charge de certaines tâches administratives ».
19h. Un joyeux brouhaha anime la cafétéria où se mêlent indifféremment, officiers, officiers mariniers et matelots. Et pour cause « les carrés n’ont pas encore été inaugurés » rapporte un des occupants de la table, « c’est peut-être tout ce qui manque à l’équipage de l’Aquitaine ». Intervention du second : « A mon sens la prise de commandement du pacha- le 29 mars dernier - a créé l’esprit d’équipage et donc a déjà donné sens, même symboliquement, à l’Aquitaine. Aujourd’hui nos marins se sont largement approprié le navire dans les trois domaines de responsabilité du commandant : la sécurité nautique, la sécurité et la sûreté. Nous sommes arrivés à Lorient il y a presque un an. Ce qui n’était alors qu’une coque en construction, est actuellement un bateau possédant un niveau de maturité plus que satisfaisant et armé par un équipage volontaire et dynamique».
EV Grégoire Chaumeil
Sources : © Marine nationale
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