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Serval : La PATMAR au combat

Mise à jour  : 20/06/2013 - Auteur : Capitaine de corvette Olivier Roussille, commandant en second de la flottille 23F - Direction : SIRPA Marine

Le 8 janvier 2013, les flottilles 23F et 21F reçoivent l’ordre d’activer leur plan d’alerte. Une semaine plus tard, les deux tiers des équipages opérationnels de la composante des Atlantique 2 (ATL II) sont à Dakar pour opérer à l’opération Serval. Récit par le premier commandant de ce qui constitue, à ce jour, l’un des plus importants détachements extérieurs de la patrouille maritime. Au plus fort de l’opération, près de la moitié des aéronefs en ligne étaient engagés et plus de 220 marins du ciel déployés.

08 janvier. 15h00. Le commandant adjoint opérations de la flottille m’informe que le plan d’alerte est activé. Étant justement d’alerte comme commandant du détachement (COMDET), je cherche à obtenir davantage d’informations. Les flottilles sont en effervescence, tout le personnel s’active. Chacun sait ce qu’il lui reste à faire et déroule sa check-list. L’heure de décollage du premier ATL2 est définie, la deuxième vague du personnel, dont je fais partie, décollera le lendemain matin en Transall.

09 janvier matin. Nous sommes une trentaine de marins à embarquer dans le Transall, direction Dakar. Un premier ATL2 a décollé dans la nuit et est déjà posé sur le tarmac sénégalais. À bord, la pression monte, tous les scénarios sont envisagés.

09 janvier, en fin de journée. Le Transall se pose à Dakar et je prends mes marques dans les locaux «opérations» du détachement. Les vols et les briefings s’enchaînent à un rythme soutenu. Décision est prise de renforcer de manière significative le détachement. Les équipages et techniciens arrivent progressivement. Je mets un point d’honneur à briefer les nouveaux arrivés sur les spécificités du théâtre. Nous sommes au cœur des opérations.

Les missions de l’ATL2 sont multiples et se cumulent au cours du même vol : renseignement, appui des forces au sol, guidage d’avions de chasse sur des objectifs terrestres, commandement et contrôle. Les équipages sont tous rompus à ce genre de missions, qu’ils ont déjà menées, pour certaines, lors de l’opération Harmattan. Les ATL2 deviennent peu à peu les anges gardiens des forces engagées au sol. Les échanges radio témoignent d’une tension palpable lors des progressions vers les territoires aux mains des terroristes. 

12 janvier. Après l’annonce du chef d’état-major des Armées de renforcer significativement les moyens aériens vers le théâtre d'opérations Serval, le commandant de la flottille vient prêter main forte au détachement. Après un cours briefing, il prend le commandement du détachement. Je deviens alors le "deputy COMDET", chargé de la conduite des opérations.

Parallèlement au renforcement de la composante terrestre, les missions de l’ATL2 évoluent et l’utilisation de sa capacité de tir de bombes GBU12 est envisagée. Nous sommes parés en seulement quelques jours, malgré les contraintes de tous ordres. La chaine armement a fait, là encore, une performance remarquable. La première mission armée est ordonnée dans le cadre de la reprise de la ville de Gao. C’est l’équipage Ulysse Charlie de la flottille 21F qui effectuera la mission dont je suis désigné Mission commander.

26 janvier. 03h00. Briefing, puis nous partons vers l’avion. Il fait nuit, la température est encore supportable. Sous l’avion, les «boums»[1]s’affairent. Deux bombes GBU12 sont gréées dans la soute armement. Une fois sur zone, nous renseignons les forces au sol. La situation est complexe : l’imbrication des forces amies et ennemies et la proximité des habitations rendent délicates les options de tir. Après plus de 11 heures de vols, nous nous posons pour refaire les pleins et rentrer sur Dakar, cinq heures de vol plus tard. Nous venons d’effectuer le premier vol opérationnel armé de GBU12 de l’histoire de la PATMAR.

29 janvier : La veille, j’ai reçu un appel du centre de planification et de commandement des opérations (CPCO): une mission offensive de bombardement d’un bâtiment logistique ennemi est planifiée pour l’ATL2. L’équipage désigné est Wallaby Echo de la flottille 23F. Le commandant de la flottille assumera les responsabilités de Mission commander. Toutes les procédures sont révisées et le jour J, l’ensemble de l’équipage est prêt. Il arrive sur zone. Les conditions météo sont difficiles, mais la cible est identifiée et confirmée par le CPCO. Le dialogue s’engage entre l’aéronef et le pilote du drone français déjà présent, en charge de pointer la cible avec son illuminateur à notre profit. L’autorisation de tir est alors donnée. Une première bombe est larguée, puis une deuxième. La cible est détruite. Après douze heures de vol, l’aéronef est de retour. Les boums sont fiers et certains d’entre eux ne dissimulent pas leur émotion… La patrouille maritime vient de faire un grand pas en avant, récompensant des années de préparations et d’entraînements opérationnels indispensables.

D’autres missions similaires seront réalisées par la suite, notamment sur des cibles d’opportunité.

Le rythme des vols est toujours aussi intense et malgré la fatigue accumulée, les équipes sont mobilisées, de plus en plus rôdées et aguerries. Les premières relèves des équipages ayant atteint 120 heures de vol en moins de 30 jours s’effectuent progressivement.

2 Février. Je reprends le commandement. Nous avons vécu des moments forts, intenses, pendant lesquels nous étions fiers de commander nos équipages au combat. C’est une expérience unique en patrouille maritime d’avoir réuni le commandant et son commandant en second sur un théâtre d’opérations, à l’image de ce qui se pratique en flottille de chasse embarquée.

7 Février. J’ai l’honneur d’accueillir l’amiral commandant la force d’aéronautique navale (Alavia) venus appuyer l'action des équipages. Au programme, entretiens avec le personnel et compte rendu notamment sur l'emploi de l’aéronef équipé d'un nouveau senseur (caméra WESCAM) et des ateliers. Lors de son adresse, le CA de Bonnaventure a souligné la polyvalence de cet avion de combat aéromaritime, ainsi que le professionnalisme et la combattivité des marins de la patrouille maritime. L’amiral a pu mesurer les spécificités d’un détachement ATL2 comme celui-là en mission non permanente et son esprit d’équipage. Il résume la journée en inscrivant sur le tableau de tradition du détachement SERVAL les mots suivants: «vous êtes magnifiques!»

10 Février. L’heure de la relève a sonné pour moi. Je transmets mes responsabilités au commandant de la flottille 21F.

              

[1]Armuriers.


Sources : © Marine nationale
Droits : Ministère des armées