Haute altitude, reliefs marqués, aérologie capricieuse : la montagne est un des environnements les plus exigeants sur le plan du pilotage. Immersion dans les Alpes françaises.
Sous leur faux air paisible, les montagnes cachent un caractère impétueux et imprévisible, attendant l’occasion de piéger les pilotes qui s’y aventureraient. Zoom sur les techniques propres au vol dans ces contrées hostiles.
Si la montagne est un des environnements les plus extraordinaires qui soient pour voler, il est aussi le plus exigeant. Les conditions météorologiques particulières qui y règnent, le relief marqué, les hautes altitudes en font un milieu à risque, qui nécessite des savoir-faire précis. Il exige notamment du pilote une attention sans faille et ce, dès l’élaboration au sol du profil général du vol. En effet, avant de prendre la voie des airs, l’aspirant Jérémie, copilote à l’escadron de transport 1/64 «Béarn», et le capitaine Anna, instructeur à l’escadrille d’instruction et d’entraînement Transall d’Évreux, ont passé de longues heures à préparer leur mission. «En montagne, vous devez tenir compte de certaines particularités, explique le capitaine Olivier, réserviste opérationnel au centre d’instruction des équipages de transport (CIET), à ses deux stagiaires. Comment utiliser le relief ? Où se positionner en fonction des turbulences ? Comment traiter le passage de tel col ? Ce sont autant de questions auxquelles il faut être capable de répondre.» Concentrés sur leurs cartes aéronautiques, l’aspirant Jérémie et le capitaine Anna élaborent l’itinéraire de leurs vols. Seul le bruissement fugace des papiers qu’on prend, qu’on feuillette, qu’on repose, vient rompre le silence qui règne dans la salle de préparation. De nombreux paramètres doivent être considérés : anticiper les réactions dans le cas de la perte d’un moteur, respecter les altitudes de survol des zones protégées, veiller à ne jamais s’engager dans une vallée sans être certain de pouvoir faire demi-tour en sont quelques exemples. Le vent et son effet sur le relief, l’ensoleillement ou la nébulosité sont des facteurs déterminants. «L’aérologie constitue un des facteurs de réussite d’un vol de montagne», souligne le capitaine Olivier. Les deux stagiaires doivent également prêter attention à certains points de vigilance, comme la présence de câbles à haute tension tendus de crête à crête. «Il faut toujours prendre l’axe des pylônes, au moins on est certain de ne pas croiser de fils sur son parcours», indique le réserviste. Prudence également vis-à-vis des sports aéronautiques. Parapentes, delta-plane, planeurs ou tous autres aéronefs constituent un autant de risques de collision.
Des vols techniques et chronophages en termes de préparation, mais qui présentent des avantages indéniables en opération. La montagne offre une meilleure discrétion aux aéronefs face aux radars et des opportunités de camouflage grâce au relief, aux ombres et à la végétation. De ce fait, l’acquisition visuelle est plus difficile pour un ennemi potentiel. «Même si nos opérations actuelles ne nécessitent pas cette qualification vol de montagne, il faut la détenir et l’entretenir. Peu de pilotes de transport l’ont. Par le passé, nous l’avons notamment utilisée dans le relief montagneux afghan où elle s’est avérée précieuse», précise le capitaine Olivier.
2003, un Casa s’écrase dans la vallée du Vicdessos, en Ariège. Décision est prise d’établir une vraie formation de vol de montagne pour les pilotes de transport, déclinée en deux volets : à la sensibilisation s'ajoute une labellisation. Si la première est obligatoire pour tous les pilotes, auxquels elle assure une première approche des techniques de vol, la seconde, qui a pour prérequis la sensibilisation, est basée sur le volontariat. Le label est indispensable pour être commandant de bord sur une mission dédiée en montagne. Le CIET organise cinq sessions de vol de montagne par an, au cours desquelles les pilotes sont «sensibilisés» ou «labellisés». |
Réserviste opérationnel au centre d’instruction des équipages de transport sur C160 Transall, le capitaine Olivier est une référence du vol de montagne. Les sommets alpins ? Il les connaît par cœur. Rencontre avec un homme passionné.
Mardi. 10h, dans les locaux du centre d’instruction des équipages de transport (CIET). À l’étage, en salle de briefing, deux stagiaires, le capitaine Anna, instructeur à l'escadrille d'instruction et d'entraînement Transall d'Évreux, et l’aspirant Jérémie, copilote à l’escadron de transport 1/64 «Béarn», suivent un cours théorique sur le vol de montagne. Ils n’en perdent pas une miette. Et pour cause. Leur instructeur ? Une pointure dans le domaine. Le capitaine Olivier, alias «Jaw» (mâchoire en anglais), en référence à son côté «grande gueule», est un passionné. Féru d’aviation, il est aussi épris de ces grands monuments de la nature que sont les montagnes. Originaire des Alpes, il a grandi au milieu de cet horizon vallonné avant de prendre de la hauteur et de redécouvrir ces paysages, vus du ciel. «J’ai effectué mes tout premiers vols en montagne», sourit-il. Aujourd’hui réserviste opérationnel au CIET sur C160 Transall, le capitaine Olivier a intégré l’Armée de l’Air en 1991. De l’escadron de transport 3/61 «Poitou» d’Orléans à la division des opérations spéciales à Toulouse, en passant par l’escadron de transport outre-mer à Djibouti et le CIET, où il œuvre en tant que référent formateur au vol de montagne pour les pilotes de transport de l’Armée de l’Air : «Jaw» a eu une carrière bien remplie en 23 ans de service. Et même si les années ont passé, il n’est pas près de raccrocher. «Je ne sais rien faire d’autre que piloter», lance-t-il. En plus de son activité de réserviste, il est également chef pilote à l’aéro-club d’Orléans-Loiret et responsable de la formation des équipages pour la société Air Attack Technologies. «J’ai un emploi du temps bien chargé et près de 1000 heures de vol par an, indique-t-il. Mes activités me permettent aujourd’hui d’appréhender les deux mondes de l’instruction, civil et militaire.»
Sa mission, mardi 18 avril 2017: sensibiliser les deux stagiaires au vol de montagne. Animé par l’envie de partager son savoir, le capitaine Olivier captive son auditoire. Intarissable sur le vol de montagne, il est comme transporté par ce sujet qu’il maîtrise sur le bout des doigts. Aérologie, arrivée sur objectif, trajectoire… une ribambelle d’informations. Maître-mot : clarté et précision. Le mouvement de ses mains seconde parfaitement sa parole, ses propos semblant prendre vie sous les yeux des deux stagiaires. «C’est une vraie chance de travailler avec quelqu’un comme le capitaine Olivier», nous glisse le capitaine Anna. Fin de ce cours théorique passionné et donc passionnant. Personne n’a vu le temps passer.
Son activité de réserviste permet à «Jaw» de garder ce lien qui lui est cher avec l’Armée de l’Air. «Je n’arriverai jamais à couper le cordon», avoue-t-il. Pour le plus grand bonheur des aviateurs…
Du 18 au 21 avril 2017, deux équipages de C160 Transall se sont entraînés au vol de montagne dans les Alpes françaises. Immersion
Haute altitude, reliefs marqués, aérologie capricieuse : la montagne est un des environnements les plus exigeants sur le plan du pilotage. Un exercice difficile qui nécessite des savoir-faire précis. C'est pourquoi tous les pilotes de transport y sont sensibilisés, à l'image de l'aspirant Jérémie, co-pilote à l'escadron de transport 1/64 «Béarn». L'objectif est d'apprivoiser ce milieu aussi beau que dangereux. Chaque année, cinq sessions de vol de montagne sont organisées par le centre d'instruction des équipages de transport (CIET). Une formation labellisante pour les pilotes qualifiés comme la seconde stagiaire, le capitaine Anna, instructeur à l'escadrille d'instruction et d'entraînement Transall d'Évreux. Durant ce stage, ils ont été encadrés par deux aviateurs du CIET, le capitaine Raphaël, instructeur, et le capitaine Olivier, réserviste opérationnel et fin connaisseur de la haute montagne, qui les ont emmenés dans les Alpes pour un entraînement de haut vol. Une mission qui ne s'improvise pas. Pour la mener à bien, une longue préparation au sol est nécessaire. Passage obligé : un cours théorique sur les spécificités du pilotage en montagne, avec ses avantages et ses inconvénients. Les conditions météorologiques et les difficultés propres à ces espaces sont particulièrement détaillées. Une fois cette première phase d'instruction terminée, l'équipage se lance dans la préparation. Le maître-mot : anticipation. Les yeux rivés sur les cartes aéronautiques, l'équipage élabore minutieusement le profil général de la mission. «C'est important que les pilotes, le navigateur et le mécanicien navigant participent ensemble à ce travail préparatoire, explique le capitaine Olivier. Chacun doit apporter sa pierre à l'édifice afin d'atteindre les objectifs fixés.» Calculer la trajectoire, veiller à ne pas s'engager dans une vallée sans être certain de pouvoir faire demi-tour, prévoir d'éventuels dangers (câbles à haute tension, pylônes, autres aéronefs), anticiper les réactions dans le cas de la perte d'un moteur, étudier la météo, sont autant d'éléments qu'ils ont dû prendre en compte. «Le cerveau doit toujours être plusieurs nautiques devant l'avion», indique l'officier de réserve.
L'heure de la pratique a sonné. Au départ de Grenoble, l'avion décolle en direction du massif alpin. Quelques minutes de vol à peine et les montagnes se dressent déjà de part et d'autre du Transall. Malgré son envergure, le C160 se faufile habilement dans les vallées, effleurant les crêtes enneigées. À perte de vue, une étendue crevassée. Beauté fascinante. Mais ces paysages ne doivent pas faire oublier les dangers que cache le milieu. Les turbulences qui frappent de temps à autre le transporteur en sont la preuve. Concentration maximum dans le cockpit où chaque membre d'équipage joue un rôle essentiel dans l'accomplissement de la mission. Tandis que l'un est responsable de la trajectoire de l'appareil, l'autre joue le rôle de guide, un autre encore exerce le suivi opérationnel du vol. Entre le pilote, le navigateur et le mécanicien navigant, le dialogue est permanent. Le pilote instructeur situé en place gauche les conseille et leur transmet son expertise. Après 2h passées au-dessus des cimes, retour sur la terre ferme. Les deux stagiaires repartent de cette formation des rêves de montagne plein la tête et prêts pour leurs prochaines missions.
Source : Armée de l'Air et de l'Espace
Droits : © Armée de l'Air